BT DE LA CURIOSITE
315
NÉCROLOGIE
Un statuaire de talent., M. Robinet, vient
de mourir à Paris, laissant une i'ami le dans
une position très-précaire. Parmi les œuvres
de Robinet, on cite les statues de Relier, de
Jean Bullant au Louvre, les statues du baron
Larrey et du baron Desgenettes à l’Académie
de médecine, une Charmeuse, une Sapho,
une Pandore, récompensées aux salons de
1864 et de 1865.
UN PORTRAIT DE RABELAIS
Un de nos abonnés, M. d’Albenas, nous adresse
l’intéressante lettre suivante :
Montpellier, 16 décembre 1878.
Monsieur le Directeur,
Dans son numéro du 7 décembre, la Chro-
nique a publié le résultat du concours ouvert
par la ville de Tours pour élever une statue à
Rabelais, statue qui devra enfin, il faut l’es-
pérer, faire justice des images plus ou moins
fantaisistes que la légende a vulgarisées en
donnant au grand écrivain le masque du sa-
tyre ou du bouffon.
J’ai pensé qu'il pouvait y avoir quelque
opportunité à signaler les documents sui-
vants relatifs à un portrait de Rabelais qui se
trouve à la faculté de médecine de Montpel-
lier, documents qui jettent une cerlaine lu-
mière sur l’authenticité de ce portrait. On
peut avec certitude affirmer que cette pein-
ture est antérieure à 1632. Un médecin établi
à Lyon, reçu docteur à Montpellier, réduit à
faire des almanachs, Lazare Meyssonnier, rap-
pelle dans un « Almanach illustré composé
de plusieurs piè es curieuses pour l’an 1639 »
le souvenir de Rabelais dont il avait, dit-il,
porté la robe et vu le portrait entre ceux des
plus célèbres docteur:, et professeurs dans la
salle où se font les actes publics et où se
donne le bonnet à ceux qui y prennent leurs
degrés en médecine (1).
Or,d’aprèsles registres de la faculté de méde-
cine, le susdit Meyssonnier fut immatriculé
comme élève en médecine en 1632, ainsi qu’il
résulte de la pièce suivante :
« Ego infra scriptus examinatus fui a Reve-
rendis Dominis Procuratoribus in Medicis ;
atque a Dominio Ranclnno cancellario relatus
in numerum studiosorum, soluto prius uni-
versitatis jure, et præstito juramento de obser-
vand'S statutis Academiæ. Acturn in collegio
Papæ.die décima tertia mensis julij annil632.
« Meyssonnier. »
Si Meyssonnier avait vu le portrait de Rabe-
lais parmi les plus célèbres docteurs et profes-
seurs, c’est que le docte Ranchin (né en 1560,
chancelier en 1612 et consul, mort en 1641)
avait fait orner et restaurer fastueusement les
(1) Rathery, Notice biographique sur Rabelais.
écoles de médecine de Montpellier, qu’il y avait
réuni les portants, dans ia grande salle des
actes, des professeurs qui y avaient enseigné
la médecine et jeté u i vif éclat sur cette fa-
culté. Ces portraits, il est vrai, furent très-
probablement exécutés, au moins pour ceux
remontant à une origine déjà fort ancienne,
sur des données plus ou moins imaginaires;
mais n’est-il pas à présumer, en ce qui con-
cerne celui de Rabelais, dont le culte a tou-
jours existé à la faculté de médecine de
Montpellier (culte dont témoigne ia robe que
fit faire Ranchin, en y mettant en broderie
les initiales de Rabelais : F. R. C.), qu’on ait
puisé aux sources les plus certaines, qu’on ait
cherché un document authentique?
Antoine Le Roy, qui a travaillé longtemps
dans le cabinet de Rabelais, va nous apporter
un précieux concours à l’appui de notre dire.
En parlant des portraits de son illustre pré-
décesseur à la cure de Meudon, dans son livre
de : Floretum philosophicum, publié en 1649(1),
il s’exprime ainsi :
« Præterià, si imago animi vultus est indi-
ce cesque oculi, ex sola depicta ejus specie
« conjicere est, dignâ certè imperio, quantus
a fuerit Iiabelæsus, non illâ quidem fi et â et
« commentitiâ quæ passim valgo circumter-
« tur, quamque vidi pluribus in locis, Meudo-
« mi, in Horto IJ. Antonii Grandit; cenoma-
« nis apud Michaëlem Bugleau, regium tabel-
« larium, mei amantissimum ; Parisiis pas-
« sim, quæ omnes Momi potius vel Mirai per-
ce sonam référant, seu hominis ridiculi, quam
« viri præceilentis : sed quam vidi ad vivum
ce depietam et commentitiæ oppos tam apud
ce D. Guidonem Patin, doctorem medicum Pa-
cc risiis, quem frequentissimè nominare non
ce erubuimus, qui cum sit asconditissimæ re-
cc eonditissimæque rei literariæ studiosus ,
« nec non in exquirendis comparandisque anti-
«quitatisstemmaiibus valde curiosus,suam quo-
« que nondedignaturbibliothecam studiosi'cu-
cc riosisque viris amplissimam patere, eosque
ce suisjuvare colloquiis quam humanissimè,
a unde et mihi absque ulla aliorum commen-
te datione supplicanti et incognito maximam
« scribendi materiam impertivit. Vidi et non
cc absimilem apud D. Du S ml, advocatum in
ce supremo senatu , sed ridiculam gesticula-
c< tionibus, quippe quæ seniorem refert vul-
« tum et canos absque rugis u 1 lis, et vero ca-
cc put opertum striato pileolo et præ manibus
ce crystallinum cyathum vino rubenti redun-
« dantem, quæque respondeat temuientiæ per
ce Ronsardum dcscriptæ : tenue profecto atque
« haud satis dignum in consanguinea domo
ce monumentum. De cætero autem prions,
<c quæ est apud D Patin, non dissimilis mihi
(1) Floretum philosophicum seu ludus Meudo-
nianus in terminos totius philosophiæ , aut.ore
Antonio Le Roy presbytero Cenomanensi I. V.
licent. Opus elucubratum Meudonij in musæo cla-
riss. Fr. Rabelæsi, ibidem aliquando Rectoris,
Doctoris Medici, et scriptoris notissimi.. Præmis-
sis diversis Meudonij Elogiis, et amplissima ejus-
dem Rabelæsi commendatione.
Parisiis 1649.
(Pro præfatione i iij.) (Ouvrage rare.)
315
NÉCROLOGIE
Un statuaire de talent., M. Robinet, vient
de mourir à Paris, laissant une i'ami le dans
une position très-précaire. Parmi les œuvres
de Robinet, on cite les statues de Relier, de
Jean Bullant au Louvre, les statues du baron
Larrey et du baron Desgenettes à l’Académie
de médecine, une Charmeuse, une Sapho,
une Pandore, récompensées aux salons de
1864 et de 1865.
UN PORTRAIT DE RABELAIS
Un de nos abonnés, M. d’Albenas, nous adresse
l’intéressante lettre suivante :
Montpellier, 16 décembre 1878.
Monsieur le Directeur,
Dans son numéro du 7 décembre, la Chro-
nique a publié le résultat du concours ouvert
par la ville de Tours pour élever une statue à
Rabelais, statue qui devra enfin, il faut l’es-
pérer, faire justice des images plus ou moins
fantaisistes que la légende a vulgarisées en
donnant au grand écrivain le masque du sa-
tyre ou du bouffon.
J’ai pensé qu'il pouvait y avoir quelque
opportunité à signaler les documents sui-
vants relatifs à un portrait de Rabelais qui se
trouve à la faculté de médecine de Montpel-
lier, documents qui jettent une cerlaine lu-
mière sur l’authenticité de ce portrait. On
peut avec certitude affirmer que cette pein-
ture est antérieure à 1632. Un médecin établi
à Lyon, reçu docteur à Montpellier, réduit à
faire des almanachs, Lazare Meyssonnier, rap-
pelle dans un « Almanach illustré composé
de plusieurs piè es curieuses pour l’an 1639 »
le souvenir de Rabelais dont il avait, dit-il,
porté la robe et vu le portrait entre ceux des
plus célèbres docteur:, et professeurs dans la
salle où se font les actes publics et où se
donne le bonnet à ceux qui y prennent leurs
degrés en médecine (1).
Or,d’aprèsles registres de la faculté de méde-
cine, le susdit Meyssonnier fut immatriculé
comme élève en médecine en 1632, ainsi qu’il
résulte de la pièce suivante :
« Ego infra scriptus examinatus fui a Reve-
rendis Dominis Procuratoribus in Medicis ;
atque a Dominio Ranclnno cancellario relatus
in numerum studiosorum, soluto prius uni-
versitatis jure, et præstito juramento de obser-
vand'S statutis Academiæ. Acturn in collegio
Papæ.die décima tertia mensis julij annil632.
« Meyssonnier. »
Si Meyssonnier avait vu le portrait de Rabe-
lais parmi les plus célèbres docteurs et profes-
seurs, c’est que le docte Ranchin (né en 1560,
chancelier en 1612 et consul, mort en 1641)
avait fait orner et restaurer fastueusement les
(1) Rathery, Notice biographique sur Rabelais.
écoles de médecine de Montpellier, qu’il y avait
réuni les portants, dans ia grande salle des
actes, des professeurs qui y avaient enseigné
la médecine et jeté u i vif éclat sur cette fa-
culté. Ces portraits, il est vrai, furent très-
probablement exécutés, au moins pour ceux
remontant à une origine déjà fort ancienne,
sur des données plus ou moins imaginaires;
mais n’est-il pas à présumer, en ce qui con-
cerne celui de Rabelais, dont le culte a tou-
jours existé à la faculté de médecine de
Montpellier (culte dont témoigne ia robe que
fit faire Ranchin, en y mettant en broderie
les initiales de Rabelais : F. R. C.), qu’on ait
puisé aux sources les plus certaines, qu’on ait
cherché un document authentique?
Antoine Le Roy, qui a travaillé longtemps
dans le cabinet de Rabelais, va nous apporter
un précieux concours à l’appui de notre dire.
En parlant des portraits de son illustre pré-
décesseur à la cure de Meudon, dans son livre
de : Floretum philosophicum, publié en 1649(1),
il s’exprime ainsi :
« Præterià, si imago animi vultus est indi-
ce cesque oculi, ex sola depicta ejus specie
« conjicere est, dignâ certè imperio, quantus
a fuerit Iiabelæsus, non illâ quidem fi et â et
« commentitiâ quæ passim valgo circumter-
« tur, quamque vidi pluribus in locis, Meudo-
« mi, in Horto IJ. Antonii Grandit; cenoma-
« nis apud Michaëlem Bugleau, regium tabel-
« larium, mei amantissimum ; Parisiis pas-
« sim, quæ omnes Momi potius vel Mirai per-
ce sonam référant, seu hominis ridiculi, quam
« viri præceilentis : sed quam vidi ad vivum
ce depietam et commentitiæ oppos tam apud
ce D. Guidonem Patin, doctorem medicum Pa-
cc risiis, quem frequentissimè nominare non
ce erubuimus, qui cum sit asconditissimæ re-
cc eonditissimæque rei literariæ studiosus ,
« nec non in exquirendis comparandisque anti-
«quitatisstemmaiibus valde curiosus,suam quo-
« que nondedignaturbibliothecam studiosi'cu-
cc riosisque viris amplissimam patere, eosque
ce suisjuvare colloquiis quam humanissimè,
a unde et mihi absque ulla aliorum commen-
te datione supplicanti et incognito maximam
« scribendi materiam impertivit. Vidi et non
cc absimilem apud D. Du S ml, advocatum in
ce supremo senatu , sed ridiculam gesticula-
c< tionibus, quippe quæ seniorem refert vul-
« tum et canos absque rugis u 1 lis, et vero ca-
cc put opertum striato pileolo et præ manibus
ce crystallinum cyathum vino rubenti redun-
« dantem, quæque respondeat temuientiæ per
ce Ronsardum dcscriptæ : tenue profecto atque
« haud satis dignum in consanguinea domo
ce monumentum. De cætero autem prions,
<c quæ est apud D Patin, non dissimilis mihi
(1) Floretum philosophicum seu ludus Meudo-
nianus in terminos totius philosophiæ , aut.ore
Antonio Le Roy presbytero Cenomanensi I. V.
licent. Opus elucubratum Meudonij in musæo cla-
riss. Fr. Rabelæsi, ibidem aliquando Rectoris,
Doctoris Medici, et scriptoris notissimi.. Præmis-
sis diversis Meudonij Elogiis, et amplissima ejus-
dem Rabelæsi commendatione.
Parisiis 1649.
(Pro præfatione i iij.) (Ouvrage rare.)