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La chronique des arts et de la curiosité — 1894

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Nr. 23 (16 Juin)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19742#0191
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ET DE LA CURIOSITÉ

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Analectes artistiques (l)

RECHERCHES SUR L’ORIGINAL d’üN PORTRAIT
DU TITIEN (2)

Les biographes du Titien rapportent que le
maître peignit à deux reprises le portrait du duc
Alphonse Ier de Ferrare : une fois, il le repré-
senta, un bras appuyé sur un canon (galerie
Pitti)(3); l’autre fois jouant avec un épagneul (deux
exemplaires : le premier au Musée de Madrid (4),
le second dans la collection de M. et de
Mmc Edouard André).

Du jour où je vis l’une à côté de l’autre les
photographies clés deux portraits, j’acquis la con-
viction que l’on avait affaire à deux personnages
distincts: l’un reconnaissable à son nez crochu —
un vrai bec d’oiseau de proie — et à. ses formes

un peu épaisses; l’autre à son nez droit, ou plutôt 1 2 3 4

(1) Voyez la Chronique des Arls de 1892, p. 325.

(2) Ce travail a été communiqué à la Société des An-
tiquaires de France, dans la séance du 8 novembre 1893.
Les résultats que j’avais signalés ont été confirmés, à la
séance suivante, par M. Durrieu, qui a rapproché du
portrait d’Hercule II un portrait récemment donné au
Louvre. Dans un mémoire des plus intéressants, que
M. Justi vient de publier dans l'Annuaire des Musées
de Berlin (juin 1891), mon savant confrère est arrivé, de
son côté, — et, je m’empresse de le déclarer, indépen-
damment de .moi, — à des conclusions analogues aux
miennes. Comme les arguments sur lesquels nous nous
fondons ne sont pas de tout point identiques, la publica-
tion de mon travail ne fera pas double emploi avec celle
du mémoire de M. Justi.

(3) L’authenticité de ce portrait n’est pas universelle-
ment admise ; mais cela importe peu pour la thèse que
je prétends soutenir. M. Yriarte l’a fait graver sous le
nom du maître dans son volume Autour des Borgia.—
MM. Ohiavacci et Pieraccini le mentionnent également
sous le nom du Titien dans leur Catalogue de la Galerie
Piiti, publié en 18)3

(4) Crowe et Cavalcaselle, Tilian, his Life and Wo ks,
t. I, p. 189-190, 410. — Lafenestre,' Le Titien, p. 77. —
Madrazo, Catalogo de los Cu 'dros del Museo de Madrid,
no 452 (1882). — Paul Lelort : Gazelle des Beaux-Avis.
■892, t. Il, p. 468.

légèrement relevé vers le bout, et à ses formes
élancées.

Un rapprochement entre les deux portraits et
les médailles des princes d’Este, qui m’ont été
obligeamment communiquées par M. Prosper
Valton, le savant numismatiste , vient de me
fournir une démonstration mathématique de ma
conjecture.

L’homme au canon de la Galerie Pitti est incon-
testablement Alphonse Ier, l’époux de Lucrèce
Borgia (né en 1476, régna de 1505 à 1584). Un re-
levé fait par M. Valton nous initie aux métamor-
phoses de sa physionomie.

1505-1506. — Dans les médailles de Gianantonio
de Eoligno, Alphonse Ier est représenté sans barbe,
avec de longs cheveux.

1509. — Dans une autre médaille du même,
le duc porte la barbe et de longs cheveux.

1522. — Dans une dernière médaille du même, il

PORTRAIT D’HERCULE II

d’après les « Imagines » de Zénoi (1569)

porte la barbe, mais les cheveux sont coupés court.

Gomme le portrait de la Galerie Pitti nous
montre le prince ferrarais portant la barbe lon-
gue et les cheveux courts, il est postérieur à
l’année 1509, époque à laquelle Alphonse portait
encore les cheveux longs. Tout nous autorise à
croire que ce portrait fut peint lors du séjour du
Titien à Ferrare, en 1516.

Les portraits du Musée de Madrid et de la col-
lection Edouard André représentent de leur côté,
non Alphonse Ier, mais son fils Hercule II (né en
1508, régna de 1584 à 1559). La ressemblance
avec les médailles ne laisse aucune place au
doute. Leur témoignage est confirmé par les gra-
vures insérées dans les Imagines de Zenoi, pu-
bliées à Venise en 1569.

Un instant, j’ai pensé que les biographes du Ti-
tien pouvaient avoir confondu Alphonse Ior avec
son petit-fils et homonyme Alphonse II (né en 1533,
régna de 1559 à 1597), mais les traits de ce prince
— reconnaissable à sa barbe courte et épaisse —
différent trop de ceux de son aïeul pour qu’il
puisse entrer en ligne (1).

(1) Voy. le.s médailles publiées par Heiss : Les Médail-
leurs de la Renaissance ; F.orence, t. II (Paris, 1892).

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