N° 21. — 1920.
BUREAUX: roô. BD SAINT-GERMAIN (6»)
31 Décembre.
LA
CHRONIQUE DES ARTS
ET DE LA CURIOSITÉ
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Le ÜSr\zm.éro : 1 Franc
PROPOS DU JOUR
amis un peu trop zùlés de la
^am'^e Rostand ont lancé l’idée
7/MM. d’un achat par l'Etat du domaine
d’Arnaga, qu’Edmond Rostand
s’était plu à former et à embellir, et où il avait
fait édifier une demeure de style basque, qui
fut maintes fois célébrée.
Il ne semble pas que ce projet ait été accueilli
avec faveur, et cela se conçoit aisément: nous
n’avons point le moyen de faire des dépenses
purement somptuaires, et, il faut bien le dire,
si l’on voulait acquérir toutes les maisons qui
valent Arnaga, au point de vue du site, de la
valeur architecturale et de l’aménagement, cela
exigerait un budget considérable autant qu’im-
productif. On a voulu assimiler Arnaga à fontai-
nebleau., à Azay-le-Rideau, à d’autres résidences
célèbres dans l’art et dans 'l’histoire ; c’est fort
exagéré.
Souhaitons donc qu’on s’en tienne à cette
intention, louable en son principe, puisqu’il
s’agissait de rendre un hommage particulier à
la mémoire d’un grand poète français.
A la vérité, on avait imaginé aussi, pour don-
ner à l’opération une sorte de raison ou d’excuse
d’ordre plus positif, et pour faire paraître moins
considérables les trois millions demandés, on
avait imaginé qu’Arnaga pourrait devenir une
maison de repos ou un atelier idéal pour des
gens de lettres et des artistes sans fortune. Hé
bien! cette idée là on peut la retenir, ceci d’au-
tant plus que nous aurions un magnifique
domaine à affecter à ce noble but: c’est le
domaine de Grosbois qui fut légué à l’Etat par
le dernier des Berthier, tué au fort de Coudé
près de Soissons, après la prise du Chemin des
Dames par les Allemands.
En fait, on ne sait ce qu’il est advenu de ce
legs. L’Etat l’a-t-il accepté? Le silence le plus
complet s’est fait à cet égard, dès que les jour-
naux eurent communiqué les dernières volontés
du prince de Wagram. On avait parlé d’héritage
onéreux, de dépenses considérables d’entretien
que ne couvriraient pas les revenus: mais c’est
ici que des largesses de l’Etat se comprendraient
parfaitement.
Le parc de Grosbois, d’un seul tenant, est
une chose splendide; les eaux y reflètent de
merveilleuses frondaisons, et il y a le château,
vaste construction, en bon .état, de style
Louis Xlll. Ce serait la demeure rêvée pour
des artistes qui pourraient, soif y réparer leurs
forces, soit y travailler en fortifiant leur génie
ou leur talent au contact d’une nature opu-
lente. Et ce n’est certes pas un inconvénient que
Grosbois se trouve aux portes de Paris.
Il y a du reste un intérêt capital à ce que
Grosbois demeure intact, selon les intentions
du testateur. Déjà des forêts voisines sont en
« lotissement », et les domaines d’alentour,
comme celui de La Grange, se morcèlent
peu à peu. Grosbois, même sans autre desti-
nation, constituerait une réserve infiniment
précieuse en un coin de Seine-et-Oise, riche-
ment boisé, d’un pittoresque savoureux, que
guettent les marchands de biens et les coupeurs
d’arbres.
Enfin, il ne faut pas l’oublier, le legs du
prince de Wagram comportait une série remar-
quable de tableaux français modernes, où il n’y
a pas moins de quatre Courbet, trois Delacroix,
un Cézanne, dix-sept Renoir, etc. Nous en
parlons ici au point de vue de l’acceptation de
cette libéralité, car il est bien évident que la
place de ces peintures est au Louvre. Pour en
revenir à la destination qui nous paraît la plus
souhaitable pour Grosbois, celle d’une maison
des champs à l’usage de nos peintres, sculpteurs,
décorateurs, graveurs, qui ont autant et plus
qu’aucune autre corporation besoin d’un sem-
blable home, rappelons qu’un peu partout on
les dote de pareille fondation. C’est ainsi que
le roi des Belges a fait don à l’Italie d’une île
du lac Majeur, qu’un admirateur lui avait
léguée, pour qu’il en soit fait une maison des
artistes. Suivons cet exemple, et faisons de
Grosbois, quitte à ce qu’iLfaille ajouter un peu
aux revenus du domaine, le séjour reposant et
doux des artistes français.
BUREAUX: roô. BD SAINT-GERMAIN (6»)
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amis un peu trop zùlés de la
^am'^e Rostand ont lancé l’idée
7/MM. d’un achat par l'Etat du domaine
d’Arnaga, qu’Edmond Rostand
s’était plu à former et à embellir, et où il avait
fait édifier une demeure de style basque, qui
fut maintes fois célébrée.
Il ne semble pas que ce projet ait été accueilli
avec faveur, et cela se conçoit aisément: nous
n’avons point le moyen de faire des dépenses
purement somptuaires, et, il faut bien le dire,
si l’on voulait acquérir toutes les maisons qui
valent Arnaga, au point de vue du site, de la
valeur architecturale et de l’aménagement, cela
exigerait un budget considérable autant qu’im-
productif. On a voulu assimiler Arnaga à fontai-
nebleau., à Azay-le-Rideau, à d’autres résidences
célèbres dans l’art et dans 'l’histoire ; c’est fort
exagéré.
Souhaitons donc qu’on s’en tienne à cette
intention, louable en son principe, puisqu’il
s’agissait de rendre un hommage particulier à
la mémoire d’un grand poète français.
A la vérité, on avait imaginé aussi, pour don-
ner à l’opération une sorte de raison ou d’excuse
d’ordre plus positif, et pour faire paraître moins
considérables les trois millions demandés, on
avait imaginé qu’Arnaga pourrait devenir une
maison de repos ou un atelier idéal pour des
gens de lettres et des artistes sans fortune. Hé
bien! cette idée là on peut la retenir, ceci d’au-
tant plus que nous aurions un magnifique
domaine à affecter à ce noble but: c’est le
domaine de Grosbois qui fut légué à l’Etat par
le dernier des Berthier, tué au fort de Coudé
près de Soissons, après la prise du Chemin des
Dames par les Allemands.
En fait, on ne sait ce qu’il est advenu de ce
legs. L’Etat l’a-t-il accepté? Le silence le plus
complet s’est fait à cet égard, dès que les jour-
naux eurent communiqué les dernières volontés
du prince de Wagram. On avait parlé d’héritage
onéreux, de dépenses considérables d’entretien
que ne couvriraient pas les revenus: mais c’est
ici que des largesses de l’Etat se comprendraient
parfaitement.
Le parc de Grosbois, d’un seul tenant, est
une chose splendide; les eaux y reflètent de
merveilleuses frondaisons, et il y a le château,
vaste construction, en bon .état, de style
Louis Xlll. Ce serait la demeure rêvée pour
des artistes qui pourraient, soif y réparer leurs
forces, soit y travailler en fortifiant leur génie
ou leur talent au contact d’une nature opu-
lente. Et ce n’est certes pas un inconvénient que
Grosbois se trouve aux portes de Paris.
Il y a du reste un intérêt capital à ce que
Grosbois demeure intact, selon les intentions
du testateur. Déjà des forêts voisines sont en
« lotissement », et les domaines d’alentour,
comme celui de La Grange, se morcèlent
peu à peu. Grosbois, même sans autre desti-
nation, constituerait une réserve infiniment
précieuse en un coin de Seine-et-Oise, riche-
ment boisé, d’un pittoresque savoureux, que
guettent les marchands de biens et les coupeurs
d’arbres.
Enfin, il ne faut pas l’oublier, le legs du
prince de Wagram comportait une série remar-
quable de tableaux français modernes, où il n’y
a pas moins de quatre Courbet, trois Delacroix,
un Cézanne, dix-sept Renoir, etc. Nous en
parlons ici au point de vue de l’acceptation de
cette libéralité, car il est bien évident que la
place de ces peintures est au Louvre. Pour en
revenir à la destination qui nous paraît la plus
souhaitable pour Grosbois, celle d’une maison
des champs à l’usage de nos peintres, sculpteurs,
décorateurs, graveurs, qui ont autant et plus
qu’aucune autre corporation besoin d’un sem-
blable home, rappelons qu’un peu partout on
les dote de pareille fondation. C’est ainsi que
le roi des Belges a fait don à l’Italie d’une île
du lac Majeur, qu’un admirateur lui avait
léguée, pour qu’il en soit fait une maison des
artistes. Suivons cet exemple, et faisons de
Grosbois, quitte à ce qu’iLfaille ajouter un peu
aux revenus du domaine, le séjour reposant et
doux des artistes français.