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MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
OBSERVATIONS.
La glande placée sous le ventre du castor, et qui contient le a donné lieu depuis
longtemps à l'historiette que développe lePhysiologus après les auteurs anciens. Quant à notre
auteur, il n'y a guère mis du sien que la moralisation, où il prête beaucoup au soupçon de
gnosticisme ; mais ce n'est pas le point de vue qui doit nous occuper en ce moment. Les habi-
tudes du castor ont été trop peu étudiées par les naturalistes modernes pour qu'on puisse bien
déterminer sur quel fondement réel a pu être construit ce conte rapporté par Apulée après
Pline (VIII, A7; al 30), Ëlien (VI, 3A) et Juvénal (Sat. XII, 36). Serait-ce parceque l'animal
porte fréquemment la bouche à cette glande comme pour lécher et sucer la substance qu'elle
sécrète? ou bien, ainsi que le suppose Cuvier (in Plin., /. cûL), parceque, fatigué d'une sorte
d'engorgement de cet organe, le castor cherchera parfois à en décharger le trop plein en le
comprimant sur les pierres ou les arbres qu'il rencontre? d'où l'on aurait conclu qu'il préten-
dait abandonner aux chasseurs le qui le faisait poursuivre. Albert-le-Grand ( De
lib. XXII, tract. II, cap. 1; opp. t. VI, p. 58A) dit sans hésiter que cette prétendue
finesse du castor ne repose que sur un conte, et il en appelle à l'expérience de ses compa-
triotes pour maintenir son arrêt :. falsum est. sicut fréquenter in partibus nostris
est compertum. " Du reste, quand même les castors de l'antiquité auraient pu trouver leur
salut dans cette invention dont on leur a fait honneur, elle serait d'une bien faible ressource
pour leurs successeurs, auxquels le chasseur moderne demande non plus seulement cette subs
tance pharmaceutique, mais leur fourrure, c'est à dire rien moins que leur peau. Il n'y a
donc nulle raison d'espérer que les castors d'Amérique, par exemple, donnent désormais aux
observateurs le spectacle que ceux du Pont passent pour avoir donné à nos devanciers.
Quoiqu'il en soit, si ce n'était que Pline associe le castor à la loutre, et semble le désigner
assez clairement, le silence que garde l'antiquité sur l'instinct d'architecte qui se montre dans
cet animal et sur les petites cités qu'il forme autoriserait presque à conjecturer que l'on a
quelquefois attribué au castor des passages qui regardaient certaines espèces de civettes.
Ajoutons que le fond de l'article consacré au castor par le Physiologus a pris place d'une
manière assez gauche dans les recueils de fables grecques dont Ésope endosse complaisam-
ment la responsabilité. Cf. Fabul. Æsop. e cod. august.... ed. J. Gottl. Schneider (Bres-
lau, 1812), fab. 117 (p. 61, sq.).
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
OBSERVATIONS.
La glande placée sous le ventre du castor, et qui contient le a donné lieu depuis
longtemps à l'historiette que développe lePhysiologus après les auteurs anciens. Quant à notre
auteur, il n'y a guère mis du sien que la moralisation, où il prête beaucoup au soupçon de
gnosticisme ; mais ce n'est pas le point de vue qui doit nous occuper en ce moment. Les habi-
tudes du castor ont été trop peu étudiées par les naturalistes modernes pour qu'on puisse bien
déterminer sur quel fondement réel a pu être construit ce conte rapporté par Apulée après
Pline (VIII, A7; al 30), Ëlien (VI, 3A) et Juvénal (Sat. XII, 36). Serait-ce parceque l'animal
porte fréquemment la bouche à cette glande comme pour lécher et sucer la substance qu'elle
sécrète? ou bien, ainsi que le suppose Cuvier (in Plin., /. cûL), parceque, fatigué d'une sorte
d'engorgement de cet organe, le castor cherchera parfois à en décharger le trop plein en le
comprimant sur les pierres ou les arbres qu'il rencontre? d'où l'on aurait conclu qu'il préten-
dait abandonner aux chasseurs le qui le faisait poursuivre. Albert-le-Grand ( De
lib. XXII, tract. II, cap. 1; opp. t. VI, p. 58A) dit sans hésiter que cette prétendue
finesse du castor ne repose que sur un conte, et il en appelle à l'expérience de ses compa-
triotes pour maintenir son arrêt :. falsum est. sicut fréquenter in partibus nostris
est compertum. " Du reste, quand même les castors de l'antiquité auraient pu trouver leur
salut dans cette invention dont on leur a fait honneur, elle serait d'une bien faible ressource
pour leurs successeurs, auxquels le chasseur moderne demande non plus seulement cette subs
tance pharmaceutique, mais leur fourrure, c'est à dire rien moins que leur peau. Il n'y a
donc nulle raison d'espérer que les castors d'Amérique, par exemple, donnent désormais aux
observateurs le spectacle que ceux du Pont passent pour avoir donné à nos devanciers.
Quoiqu'il en soit, si ce n'était que Pline associe le castor à la loutre, et semble le désigner
assez clairement, le silence que garde l'antiquité sur l'instinct d'architecte qui se montre dans
cet animal et sur les petites cités qu'il forme autoriserait presque à conjecturer que l'on a
quelquefois attribué au castor des passages qui regardaient certaines espèces de civettes.
Ajoutons que le fond de l'article consacré au castor par le Physiologus a pris place d'une
manière assez gauche dans les recueils de fables grecques dont Ésope endosse complaisam-
ment la responsabilité. Cf. Fabul. Æsop. e cod. august.... ed. J. Gottl. Schneider (Bres-
lau, 1812), fab. 117 (p. 61, sq.).