MÉLANGES D ARCHÉOLOGIE.
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bole d’autorité, en souvenir peut-être du monogramme constantinien dont la forme
se perdit peu à peu au moyen âge L
La chaussure d’Othon a l’air d’un soulier de femme qui embrasserait exactement
le pied jusqu’à la cheville ; et n’est plus ce morceau de cuir sans couture que nous
avons vu dans le portrait de Charles le Chauve1 2. La tunique de cérémonie que porte
l’empereur sous son manteau est relevée de broderies où des perles et des pierreries
semblent avoir été fixées en grand nombre.
Reste à parler des provinces qui viennent s’incliner profondément devant le prince
germanique. Comme le saint-empire entendait bien être romain, c’est Rome naturel-
lement qui ouvre la marche en présentant ses hommages avec des trésors dont je ne
me rends pas bien compte. On est libre d’y reconnaître des monnaies, peut-être même
quelque lingot; je ne sais si le reste indique des bijoux ou quelques fruits bizarres.
Rome, à cause de sa vieille réputation, porte un casque dont les enjolivements baroques
forment quasi-diadème, et permettraient d’hésiter sur l’intention de l’artiste. La Gaule,
qui fait un peu moins de prostration, est casquée aussi; et m’a bien l’air de porter une
palme, comme emblème de victoire sans doute. Quelle était cette Gaule, qu’un Othon
faisait ranger parmi ses clients ou serviteurs? Ce sera, si l’on veut, les Bourgognes
(royaume, duché, comté) et la Lorraine (avec le Lothier) qui faisaient bande à part du
côté germanique 3 ; et pour succéder à Charlemagne, il fallait bien que l’on eût dans
sa cour quelque représentant de la France. De plus, il était assez permis de reven-
diquer mainte province de l’ancienne Gaule, pendant que les premiers Capétiens se
renforçaient à petit bruit autour de la cité parisienne.
Après avoir donné le pas à ces deux personnages importants pour la glorification
impériale, on admet en troisième ligne la Germanie (Girmcmio). Celle-ci s’avance avec
un air de pudeur virginale, la tête voilée, mais coiffée d’une sorte de couronne à trois
étages 4 marqués par des cercles de perles. Ses. mains portent une corne d’abondance
pleine de monnaies, et qui semble devoir être fort pesante, à la façon dont elle est
soutenue. S’agit-il des mines du Harz et de l’Erzgebirge? pour mieux appuyer sur les
ressources du sol saxon.
En dernier lieu, et avec une couronne crénelée, paraît la Sclavinia, dont il n’est pas
facile de trouver la vraie place sur une carte d’Europe. M. Ch. Lenormant3, qui plaide
pour Othon III, est obligé de convenir que toute cette dynastie eut maille à partir
avec des slaves quelconques. Or, de ce qu’un empereur ou roi s’attribue les hommages
d’une contrée c, il ne faut pas conclure toujours à l’assujettissement effectif du peuple
1. Cf. C. Cavedoni, Memorie di [Modem, sérié IIIa, t. V,
p. 23, sg. — Ciampini, Vet. monim., t. 1, cap. six, p. 179.
_Costadoni, Osservazioni intorno alla chiesa di |Torcello,
ap. Calogerà, Opusc., t. XLIII, p. 327. — Anguissola,
Ephemer, 1836, p. 20, sgg.; et 1813, p. 31, sgg.
2. En attendant quelques détails au sujet de divers
vêtements ecclésiastiques, nous donnerons bientôt la coupe
un peu singulière de ces chaussures repliées sur le cou-
de-pied par un cordon.
3. On peut voir d’ailleurs dans Richer (ap. Pertz, Monum.
german. historica, scriptt., 1.111, p. 591, sqq.; Hist., libr. 11
et 111) les contestations que la France eut avec la maison
de Saxe. LàGerbert pouvait pêcher en eau trouble.
Zi. Des couronnes presque entièrement semblables se
voient sur la tête des rois mages dans le ms. 37 de Munich,
dont nous allons parler tout à l’heure ; et au recto du
feuillet 2, ce sont les provinces du second ordre qui sont
coiffées ainsi, mais seulement avec deux étages de cou-
ronnes, et un petit fleuron dominant le tout. (Cf .AA. SS.,
Jul., t. III, p. 78Ix.)
5. Ubi suprà, p. 187.
6. Exemple, les trois ou quatre rois de Chypre et de
Jérusalem que comptait l’Italie à elle toute seule, sur la
fin du xvme siècle (Naples, Venise, Sardaigne, Autriche).
L’Angleterre aussi a réclamé longtemps la couronne de
France, et la mentionnait çà et là dans ses tilres.
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bole d’autorité, en souvenir peut-être du monogramme constantinien dont la forme
se perdit peu à peu au moyen âge L
La chaussure d’Othon a l’air d’un soulier de femme qui embrasserait exactement
le pied jusqu’à la cheville ; et n’est plus ce morceau de cuir sans couture que nous
avons vu dans le portrait de Charles le Chauve1 2. La tunique de cérémonie que porte
l’empereur sous son manteau est relevée de broderies où des perles et des pierreries
semblent avoir été fixées en grand nombre.
Reste à parler des provinces qui viennent s’incliner profondément devant le prince
germanique. Comme le saint-empire entendait bien être romain, c’est Rome naturel-
lement qui ouvre la marche en présentant ses hommages avec des trésors dont je ne
me rends pas bien compte. On est libre d’y reconnaître des monnaies, peut-être même
quelque lingot; je ne sais si le reste indique des bijoux ou quelques fruits bizarres.
Rome, à cause de sa vieille réputation, porte un casque dont les enjolivements baroques
forment quasi-diadème, et permettraient d’hésiter sur l’intention de l’artiste. La Gaule,
qui fait un peu moins de prostration, est casquée aussi; et m’a bien l’air de porter une
palme, comme emblème de victoire sans doute. Quelle était cette Gaule, qu’un Othon
faisait ranger parmi ses clients ou serviteurs? Ce sera, si l’on veut, les Bourgognes
(royaume, duché, comté) et la Lorraine (avec le Lothier) qui faisaient bande à part du
côté germanique 3 ; et pour succéder à Charlemagne, il fallait bien que l’on eût dans
sa cour quelque représentant de la France. De plus, il était assez permis de reven-
diquer mainte province de l’ancienne Gaule, pendant que les premiers Capétiens se
renforçaient à petit bruit autour de la cité parisienne.
Après avoir donné le pas à ces deux personnages importants pour la glorification
impériale, on admet en troisième ligne la Germanie (Girmcmio). Celle-ci s’avance avec
un air de pudeur virginale, la tête voilée, mais coiffée d’une sorte de couronne à trois
étages 4 marqués par des cercles de perles. Ses. mains portent une corne d’abondance
pleine de monnaies, et qui semble devoir être fort pesante, à la façon dont elle est
soutenue. S’agit-il des mines du Harz et de l’Erzgebirge? pour mieux appuyer sur les
ressources du sol saxon.
En dernier lieu, et avec une couronne crénelée, paraît la Sclavinia, dont il n’est pas
facile de trouver la vraie place sur une carte d’Europe. M. Ch. Lenormant3, qui plaide
pour Othon III, est obligé de convenir que toute cette dynastie eut maille à partir
avec des slaves quelconques. Or, de ce qu’un empereur ou roi s’attribue les hommages
d’une contrée c, il ne faut pas conclure toujours à l’assujettissement effectif du peuple
1. Cf. C. Cavedoni, Memorie di [Modem, sérié IIIa, t. V,
p. 23, sg. — Ciampini, Vet. monim., t. 1, cap. six, p. 179.
_Costadoni, Osservazioni intorno alla chiesa di |Torcello,
ap. Calogerà, Opusc., t. XLIII, p. 327. — Anguissola,
Ephemer, 1836, p. 20, sgg.; et 1813, p. 31, sgg.
2. En attendant quelques détails au sujet de divers
vêtements ecclésiastiques, nous donnerons bientôt la coupe
un peu singulière de ces chaussures repliées sur le cou-
de-pied par un cordon.
3. On peut voir d’ailleurs dans Richer (ap. Pertz, Monum.
german. historica, scriptt., 1.111, p. 591, sqq.; Hist., libr. 11
et 111) les contestations que la France eut avec la maison
de Saxe. LàGerbert pouvait pêcher en eau trouble.
Zi. Des couronnes presque entièrement semblables se
voient sur la tête des rois mages dans le ms. 37 de Munich,
dont nous allons parler tout à l’heure ; et au recto du
feuillet 2, ce sont les provinces du second ordre qui sont
coiffées ainsi, mais seulement avec deux étages de cou-
ronnes, et un petit fleuron dominant le tout. (Cf .AA. SS.,
Jul., t. III, p. 78Ix.)
5. Ubi suprà, p. 187.
6. Exemple, les trois ou quatre rois de Chypre et de
Jérusalem que comptait l’Italie à elle toute seule, sur la
fin du xvme siècle (Naples, Venise, Sardaigne, Autriche).
L’Angleterre aussi a réclamé longtemps la couronne de
France, et la mentionnait çà et là dans ses tilres.