100 MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.
Les historiens contemporains parlent d’un riche palais de Chosroès *, à Gazac, où le
trône de ce fier monarque était entouré de tout le faste asiatique. A la profusion des
métaux précieux et des pierreries, se joignaient des mécanismes plus ou moins
ingénieux dans le goût de ce que firent exécuter plus tard les grands Mogols et
les empereurs byzantins eux-mêmes. Sur cette donnée et sur l’animosité bien connue
de Chosroès contre le christianisme, on aura construit un récit d’apothéose qu’il se
serait faite à lui-même, et de persiflage
contre la foi chrétienne. Puis, pour que le
châtiment fût exemplaire, on aura trouvé
convenable que le païen pérît sur ce trône
même, de la main du chevaleureux Hé-
raclius.
Voici la rencontre des deux combat-
tants d’après un émail du Louvre, déjà
publié par M. Adr. de Longpérier (Revue
archéol., VIe année, 1849, page 99). Théo-
phane, Cedrenus et Zonaras ne parlent
pas du tout de cette espèce de Trinité
figurée dans la salle du trône de Chos-
roès, comme le disent résolûment nos his-
toriens latins du moyen âge. Mais ils
s’accordent en ceci, que les trésors re-
cueillis par Héraclius après sa victoire étaient énormes, et l’on décrit même la magni-
ficence du trône de Chosroès comme quelque chose d’éblouissant. Les coûteuses fantaisies
A sinistris autem gallum pro Spiritu Sancto posuerat ;
In medio ipse, in throno residens, se ut Deum Patrem coli jusserat,
Ad quem Eraclius, Romanorum imperator, cum exercitu venit ;
Eique filins Cosdræ cum manu valida ad Danubium occurrit.
Placuitque populo ut principes singuli duellum in ponte inirent,
Victorique omnes obedirent.
Quo facto, Eraclius victoriam obtinuit,
Omnisque exercitus ei paruit.
Qui regnum Cosdræ sibi subjugans, in cælum ipsius cum paucis
[ascendit ;
Tyrannum in solio reperit,
Si velit baptizari interrogat,
Renuenti caput amputat ;
Filiumque ejus adhuc puerum (!;, omnemque exercitum baptizari
[imperat,
Quem ipse de fonte elevat;
Tradito regno, in solio patris collocat.
Ablata cruce, cum gaudio Ilierosolymam properat. »
Après ces détails, Iionorius ne fait plus guère qu’embellir
assez discrètement la véritable histoire du retour de la
croix; mais écoutons-le jusqu’au bout :
« Qui de monte Oliveti, imperialibus insigniis phalerato equo vehitur;
Sed porta civitatis ante eum conjuncto muro obstruitur.
Et ecce sancta crux nimio fulgore in cælis resplenduit,
Quam angélus Domini, super portam stans, manu tenuit.
Quando, inquit, Rex cælorum per lias portas, passurus, est ingressus,
Non purpura nec diademate nitens, [neque?] equo superbo,
Sed vilis aselli dorso
Est invectus.
His dictis, angélus recipitur in cælis ;
Imperator autem, depositis ornamentis,
Crucem manu bajulat ;
Hymnum Domino cum omni populo jubilât.
Cui mox porta reseratur,
Cruxque sancta in loco sibi præparato venerabiliter exaltatur.
Eodem die, per crucem gloriosam,
Recepit mortuus vitam ;
Quatuor paralytici adepti surit sanitatem ;
Quindecim cæci, luminis claritatem ;
Plurimi a dæmonibus liberati,
Quamplures a variis languoribus curati. Etc. »
Je n’ai pas à raconter les détails authentiques de cette
translation ; quelques circonstances seulement ont été
poussées au merveilleux par Iionorius un peu gratuite-
ment, et le fond est tout à fait conforme aux témoignages
historiques.
L'exaltation de la suinte croix se célébrait déjà en Orient
avant ce triomphe d’Iléraclius, mais c’est depuis lors
qu’elle a été adoptée par toute l’Église.
1. L’orfévre liégeois écrivait Cosproès, ou Cosdroès ;
comme Iionorius d’Autun disait Cosdras. Le nom Grachus
qu’on a cru lire dans certains manuscrits est bien au-
trement loin de l’origine persane. Mais les noms asiatiques
ont eu de ces fortunes-là chez les écrivains d’Europe, ou
même chez les Hébreux.
Les historiens contemporains parlent d’un riche palais de Chosroès *, à Gazac, où le
trône de ce fier monarque était entouré de tout le faste asiatique. A la profusion des
métaux précieux et des pierreries, se joignaient des mécanismes plus ou moins
ingénieux dans le goût de ce que firent exécuter plus tard les grands Mogols et
les empereurs byzantins eux-mêmes. Sur cette donnée et sur l’animosité bien connue
de Chosroès contre le christianisme, on aura construit un récit d’apothéose qu’il se
serait faite à lui-même, et de persiflage
contre la foi chrétienne. Puis, pour que le
châtiment fût exemplaire, on aura trouvé
convenable que le païen pérît sur ce trône
même, de la main du chevaleureux Hé-
raclius.
Voici la rencontre des deux combat-
tants d’après un émail du Louvre, déjà
publié par M. Adr. de Longpérier (Revue
archéol., VIe année, 1849, page 99). Théo-
phane, Cedrenus et Zonaras ne parlent
pas du tout de cette espèce de Trinité
figurée dans la salle du trône de Chos-
roès, comme le disent résolûment nos his-
toriens latins du moyen âge. Mais ils
s’accordent en ceci, que les trésors re-
cueillis par Héraclius après sa victoire étaient énormes, et l’on décrit même la magni-
ficence du trône de Chosroès comme quelque chose d’éblouissant. Les coûteuses fantaisies
A sinistris autem gallum pro Spiritu Sancto posuerat ;
In medio ipse, in throno residens, se ut Deum Patrem coli jusserat,
Ad quem Eraclius, Romanorum imperator, cum exercitu venit ;
Eique filins Cosdræ cum manu valida ad Danubium occurrit.
Placuitque populo ut principes singuli duellum in ponte inirent,
Victorique omnes obedirent.
Quo facto, Eraclius victoriam obtinuit,
Omnisque exercitus ei paruit.
Qui regnum Cosdræ sibi subjugans, in cælum ipsius cum paucis
[ascendit ;
Tyrannum in solio reperit,
Si velit baptizari interrogat,
Renuenti caput amputat ;
Filiumque ejus adhuc puerum (!;, omnemque exercitum baptizari
[imperat,
Quem ipse de fonte elevat;
Tradito regno, in solio patris collocat.
Ablata cruce, cum gaudio Ilierosolymam properat. »
Après ces détails, Iionorius ne fait plus guère qu’embellir
assez discrètement la véritable histoire du retour de la
croix; mais écoutons-le jusqu’au bout :
« Qui de monte Oliveti, imperialibus insigniis phalerato equo vehitur;
Sed porta civitatis ante eum conjuncto muro obstruitur.
Et ecce sancta crux nimio fulgore in cælis resplenduit,
Quam angélus Domini, super portam stans, manu tenuit.
Quando, inquit, Rex cælorum per lias portas, passurus, est ingressus,
Non purpura nec diademate nitens, [neque?] equo superbo,
Sed vilis aselli dorso
Est invectus.
His dictis, angélus recipitur in cælis ;
Imperator autem, depositis ornamentis,
Crucem manu bajulat ;
Hymnum Domino cum omni populo jubilât.
Cui mox porta reseratur,
Cruxque sancta in loco sibi præparato venerabiliter exaltatur.
Eodem die, per crucem gloriosam,
Recepit mortuus vitam ;
Quatuor paralytici adepti surit sanitatem ;
Quindecim cæci, luminis claritatem ;
Plurimi a dæmonibus liberati,
Quamplures a variis languoribus curati. Etc. »
Je n’ai pas à raconter les détails authentiques de cette
translation ; quelques circonstances seulement ont été
poussées au merveilleux par Iionorius un peu gratuite-
ment, et le fond est tout à fait conforme aux témoignages
historiques.
L'exaltation de la suinte croix se célébrait déjà en Orient
avant ce triomphe d’Iléraclius, mais c’est depuis lors
qu’elle a été adoptée par toute l’Église.
1. L’orfévre liégeois écrivait Cosproès, ou Cosdroès ;
comme Iionorius d’Autun disait Cosdras. Le nom Grachus
qu’on a cru lire dans certains manuscrits est bien au-
trement loin de l’origine persane. Mais les noms asiatiques
ont eu de ces fortunes-là chez les écrivains d’Europe, ou
même chez les Hébreux.