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MÉLANGES D’ARCIIÉOLOGIE.
lestement les vitres avec une poignée de cailloux lancés en toute hâte au passage.
Ou bien nous aurions à revenir, avec débats plus ou moins concluants, sur des
symboles déjà expliqués. Il vaut donc mieux aborder la suite des sujets curieux que
nous présente la même église.
L’homme dévoré par deux quadrupèdes se voit à demi dans la bande C (p. 215), à droite
du spectateur; et fait reconnaître que la bande A vient à la suite, pour celui qui visite
l’église. Je ne retrouve pas aussi facilement la situation des scènes qui nous restent
à considérer pour mettre à profit les dessins de mon ancien collaborateur, et qui
appartiennent probablement à un autre ordre de colonnes. À commencer par la bande D
(p. 217), nous voyons Jésus-Christ donnant les clefs à saint Pierre, et un volumen à saint
Paul (apparemment). Il est du moins très-fréquent que ces deux chefs du collège
apostolique, en pareil cas, soient désignés, l’un par l’autorité suprême dans l’Église,
et l’autre par la science1. Tout près de là, derrière le prince des apôtres, se voit
un homme saisi par deux diables, et qui porte une grosse bourse pendue à son cou2.
Il n’est presque pas douteux que ce ne soit Judas Iscariote. Nul besoin de recourir
à l’explication du psaume cvm par saint Augustin3 faisant observer que Judas et
saint Pierre (c’est-à-dire l’Église) s’y trouvent rappelés. Nous avons dans le bas-relief
les deux plus grands apôtres, et le disciple apostat qui perdit son ministère (Act. I,
16-26) par amour de l’or. Les SS. Pères, comme la liturgie, ne manquent pas de
maudire ce traître et le motif qui le livra aux mains de Satan4. Voici donc l’avarice qui
précipite au fond de l’enfer un membre du collège apostolique. A l’autre extrémité, ne
seraient-ce pas les mauvaises œuvres qui sont indiquées par cet homme autour duquel
s’enroulent des serpents pour lui dévorer les deux bras. N’importe de quel péché il
s’agit; le cœur, une fois gâté, ne manque guère d’amener les actions perverses.
Les raccordements quelconques du dessin montrent que la bande E continue cette suite de
sujets et nous conduisent au bouc (p. 217) jouant de la cornemuse pour faire danser la femme
impudique. J’ai dit que ce pourrait bien être la fille d’Hérodiade exécutant des tours de
Saint Pierre déclare franchement que son grand col-
lègue a reçu un don particulier de science, au point même,
dit-il, d’être quelquefois dangereux pour les faibles d’es-
prit (II Petr. m, 15, sq.) : «Carissimus frater nosfer Paulus,
» secundum dafam sibi sapientiam, scripsit vobis sicut et
» in omnibus epistolis... in quibus sunt quædam difücilia
» intellectu quæ indocti et instabiles dépravant, sicut el
» cæteras scripturas, ad suam ipsorum perditionem. Etc. »
Le Messager des sciences historiques de Belgique (Gand,
1855, p. 189) cite un plat de volume de cuivre où Notre-
Seigneur est entre les deux apôtres ; et sur la tête de saint
Pierre on lit : Janitor cœli; sur celle de saint Paul est
écrit : Doctor orbis.
2. Cette façon de porter un sac d’argent reparaît en di-
vers lieux, sculptée ou peinte, quand le moyen âge veut
représenter la punition des vices dans l’enfer.
L’antiquité connaissait l’usage de porter du numéraire
dans une sacoche suspendue au cou, mais peut-être en
bandoulière (Cf. Plaut., TruculAU, sc. i; et Asm. III, sc.m).
Placée sur la poitrine, cette bourse fait plutôt songer à
l’exposition publique d’un coupable, et le corps du délit
explique sa condamnation. Une peinture de Pierre Breu-
ghel (Museo Borbonico, t. XV, tav. 1) montre ce symbole
persistant encore après la renaissance. Mais nous l’avons
déjà signalé (p. 156) dans la frise de Strasbourg.
3. Opp. t. IV, p. 1215, sqq.
h. Breviar. Feria V in ccena Domini, resp. V : « Judas mer-
» cator pessimus osculo petiit Dominum... Denariorum
» numéro Cbristum Judæis tradidit — » — Augustin, in
Joann. XIII, 2 (Opp. t. III, P. n, p. 65Z|) : « Uactum ergo
» jam fueral in corde Judæ per immissionem diabolieam,
» ut traderet discipulus magistrum... Jam talis vénérai
» ad convivium, explorator pastoris, insidiator salvatoris,
» venditor redemptoris. » — Ibid. XIII, 27 (p. 6G9) : « Co-
» gitavit pecuniæ lucrum, et invenit animæ detrimen-
» tum... Tradidit Judas Cbristum, tradidit Christus sei-
» psum; ille agebat negotium suæ venditionis, iste nostræ
» redemptionis. » — Petr. Clirysolog. Serm. XXIX : « Auri
» furor... crudelitatis dominus, sævus h-ostis, amando
» lædit, nudat ditando ; ipsum etiam captivât aspectum,
» fidem frangit, violât affectum, vulnerat charitatem,
» turbat quietem, adimit innocentiam, etc,.. Hoc est quod
» Judam fecit esse proditorem : ut hominem cogeret
» Deum negare..., distrahere conditorem; et ipsum san-
» guinem taxare pretio, quem sponte Dominus erat nos-
» trum largiturus in pretium. »
MÉLANGES D’ARCIIÉOLOGIE.
lestement les vitres avec une poignée de cailloux lancés en toute hâte au passage.
Ou bien nous aurions à revenir, avec débats plus ou moins concluants, sur des
symboles déjà expliqués. Il vaut donc mieux aborder la suite des sujets curieux que
nous présente la même église.
L’homme dévoré par deux quadrupèdes se voit à demi dans la bande C (p. 215), à droite
du spectateur; et fait reconnaître que la bande A vient à la suite, pour celui qui visite
l’église. Je ne retrouve pas aussi facilement la situation des scènes qui nous restent
à considérer pour mettre à profit les dessins de mon ancien collaborateur, et qui
appartiennent probablement à un autre ordre de colonnes. À commencer par la bande D
(p. 217), nous voyons Jésus-Christ donnant les clefs à saint Pierre, et un volumen à saint
Paul (apparemment). Il est du moins très-fréquent que ces deux chefs du collège
apostolique, en pareil cas, soient désignés, l’un par l’autorité suprême dans l’Église,
et l’autre par la science1. Tout près de là, derrière le prince des apôtres, se voit
un homme saisi par deux diables, et qui porte une grosse bourse pendue à son cou2.
Il n’est presque pas douteux que ce ne soit Judas Iscariote. Nul besoin de recourir
à l’explication du psaume cvm par saint Augustin3 faisant observer que Judas et
saint Pierre (c’est-à-dire l’Église) s’y trouvent rappelés. Nous avons dans le bas-relief
les deux plus grands apôtres, et le disciple apostat qui perdit son ministère (Act. I,
16-26) par amour de l’or. Les SS. Pères, comme la liturgie, ne manquent pas de
maudire ce traître et le motif qui le livra aux mains de Satan4. Voici donc l’avarice qui
précipite au fond de l’enfer un membre du collège apostolique. A l’autre extrémité, ne
seraient-ce pas les mauvaises œuvres qui sont indiquées par cet homme autour duquel
s’enroulent des serpents pour lui dévorer les deux bras. N’importe de quel péché il
s’agit; le cœur, une fois gâté, ne manque guère d’amener les actions perverses.
Les raccordements quelconques du dessin montrent que la bande E continue cette suite de
sujets et nous conduisent au bouc (p. 217) jouant de la cornemuse pour faire danser la femme
impudique. J’ai dit que ce pourrait bien être la fille d’Hérodiade exécutant des tours de
Saint Pierre déclare franchement que son grand col-
lègue a reçu un don particulier de science, au point même,
dit-il, d’être quelquefois dangereux pour les faibles d’es-
prit (II Petr. m, 15, sq.) : «Carissimus frater nosfer Paulus,
» secundum dafam sibi sapientiam, scripsit vobis sicut et
» in omnibus epistolis... in quibus sunt quædam difücilia
» intellectu quæ indocti et instabiles dépravant, sicut el
» cæteras scripturas, ad suam ipsorum perditionem. Etc. »
Le Messager des sciences historiques de Belgique (Gand,
1855, p. 189) cite un plat de volume de cuivre où Notre-
Seigneur est entre les deux apôtres ; et sur la tête de saint
Pierre on lit : Janitor cœli; sur celle de saint Paul est
écrit : Doctor orbis.
2. Cette façon de porter un sac d’argent reparaît en di-
vers lieux, sculptée ou peinte, quand le moyen âge veut
représenter la punition des vices dans l’enfer.
L’antiquité connaissait l’usage de porter du numéraire
dans une sacoche suspendue au cou, mais peut-être en
bandoulière (Cf. Plaut., TruculAU, sc. i; et Asm. III, sc.m).
Placée sur la poitrine, cette bourse fait plutôt songer à
l’exposition publique d’un coupable, et le corps du délit
explique sa condamnation. Une peinture de Pierre Breu-
ghel (Museo Borbonico, t. XV, tav. 1) montre ce symbole
persistant encore après la renaissance. Mais nous l’avons
déjà signalé (p. 156) dans la frise de Strasbourg.
3. Opp. t. IV, p. 1215, sqq.
h. Breviar. Feria V in ccena Domini, resp. V : « Judas mer-
» cator pessimus osculo petiit Dominum... Denariorum
» numéro Cbristum Judæis tradidit — » — Augustin, in
Joann. XIII, 2 (Opp. t. III, P. n, p. 65Z|) : « Uactum ergo
» jam fueral in corde Judæ per immissionem diabolieam,
» ut traderet discipulus magistrum... Jam talis vénérai
» ad convivium, explorator pastoris, insidiator salvatoris,
» venditor redemptoris. » — Ibid. XIII, 27 (p. 6G9) : « Co-
» gitavit pecuniæ lucrum, et invenit animæ detrimen-
» tum... Tradidit Judas Cbristum, tradidit Christus sei-
» psum; ille agebat negotium suæ venditionis, iste nostræ
» redemptionis. » — Petr. Clirysolog. Serm. XXIX : « Auri
» furor... crudelitatis dominus, sævus h-ostis, amando
» lædit, nudat ditando ; ipsum etiam captivât aspectum,
» fidem frangit, violât affectum, vulnerat charitatem,
» turbat quietem, adimit innocentiam, etc,.. Hoc est quod
» Judam fecit esse proditorem : ut hominem cogeret
» Deum negare..., distrahere conditorem; et ipsum san-
» guinem taxare pretio, quem sponte Dominus erat nos-
» trum largiturus in pretium. »