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MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.
comme Satan l’avait déjà éprouvé avec Eve dès les premiers jours du monde pour se
faufiler entre Dieu et nos premiers parents.
Les races humaines, à propos de la création ou de la dispersion, et des écarts ou
dégénérescences que le type primitif aura subis sous divers climats, sont développées
avec plusieurs détails qui n’ont pas encore été vérifiés par les voyageurs modernes. On
trouve des pygmées, des hommes sans tête, ou qui ont le visage au milieu de l’estomac;
d’autres qui ont d’immenses oreilles, en façon de parasol. Ailleurs c’est un pied gigan-
tesque dont les gens se servent pour s’abriter la tête. Solin et autres classiques avaient
mis cela en circulation, avec le portrait quelconque d’animaux impossibles L
Item Nabuchodonosor figure souvent parmi les prophètes, à cause du songe qui lui
annonçait l’incarnation du Verbe, et que le roi n’aurait pourtant pas compris sans
l’entremise de Daniel 2. Ne parlons pas de ce qui s’appellerait couleur locale : comme les
guerriers hébreux armés en chevaliers occidentaux, les pontifes israélites coiffés d’une
mitre épiscopale 3, le temple de Jérusalem construit en église ogivale; etc., etc.
Pour l’Évangile même, l’accoucheuse sera représentée dans l’étable de Bethléem.
Non pas qu’il fût le moins du monde question de mettre en doute la virginité de Marie
avant et après la naissance du Fils de Dieu, comme le voudraient des docteurs luthé-
riens; au contraire4, cette intervention est précisément alléguée comme témoignage de
la maternité miraculeuse de la Sainte Vierge5.
1. Cf. Violier des histoires romaines, p. AU, svv. —
Pauthier, Introduction à Marco Polo, p. xxv, svv. — Etc.
Presque tout cela remontait à Scylax et à ses copistes
romains, mais n’avait pas laissé que de s’embellir par la
transmission. Ainsi des Sciapocles d’IIécalée, c’est-à-dire de
gens qui avaient l’ombre à leurs pieds (ou sous leurs pieds),
on fit des hommes qui se procurent de l’ombre au moyen
de leur pied qu’ils dresseraient vers le soleil.
2. Cf. Caractéristiques des saints, p. 717 et 71A. M. l’abbé
Auber (/oc. cit., t. IV, p. A35) ne veut pas de cela; et
peut-être, quoique sans nulle citation, emboîtait-il le pas
derrière M. de Chergé. Or celui-ci, en homme qui cherche
le vrai avant tout, confessa devant moi qu’il retirait sa
proposition après l’exposé de mes motifs. Si je ne me
trompe même, il en a fait une espèce d’amende honorable
(pour sa droiture) dans le Bulletin des antiquaires de l’Ouest
vers 1857.
3. Il en résulte même que des écrivains appellent
évêque un grand prêtre des idoles, comme par exemple
Y évêque de Troie, etc., en empruntant des récits à Homère
ou à Virgile.
h. Saint Thomas (Summ. part. III, quæst. xxxv, ad. 3m)
nie positivement la présence de l’accoucheuse; et il s’ap-
puie sur saint Jérôme (contra Helvid.). En quoi le docteur
dalmate continuait son rôle habituel d’interprète sévère des
SS. Livres. Il déclarait apocryphe et rejetait bien loin
ce qui n’appartenait pas au Canon de la Bible. Mais de ce
qu’un ouvrage est apocryphe, il résulte tout simplement
que l’Église n’en accepte point la responsabilité ; non pas
que tout ce qu’on y lit soit faux, et surtout que le peuple n’en
ait pas gardé mémoire, même avec respect ou affection.
Or, il ne s’agit pas d’autre chose dans l’affaire présente.
5. Nul bon catholique n’a voulu dire que l’intervention
de l’accoucheuse fût nécessaire. Plusieurs, et qui ne sont
pas méprisables, admettent sa présence; ils l’allèguent
volontiers comme témoin. Prudence (Ccithemer. XI, 9A, sqq.,
ed. Arevalo, p. 375, sq.) dit :
« Agnosce (Judœa), si quidquam tibi
Mentis resedit integræ,
Ducem luorum principum.
Hune quem latebræ et obstetrix,
EtVirgo fœta, et cunulæ,
Et inibecilla infantia
Regem dederunt gentibus ;
Peccator, intueberis
Celsum coruscis nubibus, etc. »
L’éditeur espagnol ne demanderait pas mieux que d’ex-
pliquer cela sans recourir aux apocryphes; au fond, il est
trop instruit et trop loyal pour ne pas convenir que des
docteurs respectables tiennent compte de ce récit. Voici,
par exemple, saint Zenon de Vérone (libr. If, tract, vin,
edd. Ballerini, p. 163, sq.): «O magnum Sacramentum !
» Maria virgo incorrupta concepit, post conceptum virgo
» peperit, post partum virgo permansit. Obstetricis incre-
» dulæ periclitantis enixam, in testimonium repertaejus-
» dem esse virginitatis, incenditur manus; qua tacto
» infante, sfatim edax ilia flamma sopitur; sicque ilia
» medica féliciter (infeliciter?) curiosa, dein admirata
» mulierem virginem, admirata infantem Deum, ingenti
» gaudio exultans, quæ curatum venerat, curata récessif. »
On peut voir aussi ce qu’en disait le moine Épiphane
(ed. Alb. Dressel,p. 2A; et apud Amaduzzi, Anecdot. litter.,
t. III, p. 59, sq.; et 90, sq.), qui la nomme Salomé, précisé-
ment comme le fait une peinture des Catacombes. Cf.
Mélanges d’archéologie, lre série, t. I, p. 21, svv.
De fait, plusieurs monuments seraient inintelligibles si
l’on ne tenait compte de cette légende ; et nos cathédrales
MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.
comme Satan l’avait déjà éprouvé avec Eve dès les premiers jours du monde pour se
faufiler entre Dieu et nos premiers parents.
Les races humaines, à propos de la création ou de la dispersion, et des écarts ou
dégénérescences que le type primitif aura subis sous divers climats, sont développées
avec plusieurs détails qui n’ont pas encore été vérifiés par les voyageurs modernes. On
trouve des pygmées, des hommes sans tête, ou qui ont le visage au milieu de l’estomac;
d’autres qui ont d’immenses oreilles, en façon de parasol. Ailleurs c’est un pied gigan-
tesque dont les gens se servent pour s’abriter la tête. Solin et autres classiques avaient
mis cela en circulation, avec le portrait quelconque d’animaux impossibles L
Item Nabuchodonosor figure souvent parmi les prophètes, à cause du songe qui lui
annonçait l’incarnation du Verbe, et que le roi n’aurait pourtant pas compris sans
l’entremise de Daniel 2. Ne parlons pas de ce qui s’appellerait couleur locale : comme les
guerriers hébreux armés en chevaliers occidentaux, les pontifes israélites coiffés d’une
mitre épiscopale 3, le temple de Jérusalem construit en église ogivale; etc., etc.
Pour l’Évangile même, l’accoucheuse sera représentée dans l’étable de Bethléem.
Non pas qu’il fût le moins du monde question de mettre en doute la virginité de Marie
avant et après la naissance du Fils de Dieu, comme le voudraient des docteurs luthé-
riens; au contraire4, cette intervention est précisément alléguée comme témoignage de
la maternité miraculeuse de la Sainte Vierge5.
1. Cf. Violier des histoires romaines, p. AU, svv. —
Pauthier, Introduction à Marco Polo, p. xxv, svv. — Etc.
Presque tout cela remontait à Scylax et à ses copistes
romains, mais n’avait pas laissé que de s’embellir par la
transmission. Ainsi des Sciapocles d’IIécalée, c’est-à-dire de
gens qui avaient l’ombre à leurs pieds (ou sous leurs pieds),
on fit des hommes qui se procurent de l’ombre au moyen
de leur pied qu’ils dresseraient vers le soleil.
2. Cf. Caractéristiques des saints, p. 717 et 71A. M. l’abbé
Auber (/oc. cit., t. IV, p. A35) ne veut pas de cela; et
peut-être, quoique sans nulle citation, emboîtait-il le pas
derrière M. de Chergé. Or celui-ci, en homme qui cherche
le vrai avant tout, confessa devant moi qu’il retirait sa
proposition après l’exposé de mes motifs. Si je ne me
trompe même, il en a fait une espèce d’amende honorable
(pour sa droiture) dans le Bulletin des antiquaires de l’Ouest
vers 1857.
3. Il en résulte même que des écrivains appellent
évêque un grand prêtre des idoles, comme par exemple
Y évêque de Troie, etc., en empruntant des récits à Homère
ou à Virgile.
h. Saint Thomas (Summ. part. III, quæst. xxxv, ad. 3m)
nie positivement la présence de l’accoucheuse; et il s’ap-
puie sur saint Jérôme (contra Helvid.). En quoi le docteur
dalmate continuait son rôle habituel d’interprète sévère des
SS. Livres. Il déclarait apocryphe et rejetait bien loin
ce qui n’appartenait pas au Canon de la Bible. Mais de ce
qu’un ouvrage est apocryphe, il résulte tout simplement
que l’Église n’en accepte point la responsabilité ; non pas
que tout ce qu’on y lit soit faux, et surtout que le peuple n’en
ait pas gardé mémoire, même avec respect ou affection.
Or, il ne s’agit pas d’autre chose dans l’affaire présente.
5. Nul bon catholique n’a voulu dire que l’intervention
de l’accoucheuse fût nécessaire. Plusieurs, et qui ne sont
pas méprisables, admettent sa présence; ils l’allèguent
volontiers comme témoin. Prudence (Ccithemer. XI, 9A, sqq.,
ed. Arevalo, p. 375, sq.) dit :
« Agnosce (Judœa), si quidquam tibi
Mentis resedit integræ,
Ducem luorum principum.
Hune quem latebræ et obstetrix,
EtVirgo fœta, et cunulæ,
Et inibecilla infantia
Regem dederunt gentibus ;
Peccator, intueberis
Celsum coruscis nubibus, etc. »
L’éditeur espagnol ne demanderait pas mieux que d’ex-
pliquer cela sans recourir aux apocryphes; au fond, il est
trop instruit et trop loyal pour ne pas convenir que des
docteurs respectables tiennent compte de ce récit. Voici,
par exemple, saint Zenon de Vérone (libr. If, tract, vin,
edd. Ballerini, p. 163, sq.): «O magnum Sacramentum !
» Maria virgo incorrupta concepit, post conceptum virgo
» peperit, post partum virgo permansit. Obstetricis incre-
» dulæ periclitantis enixam, in testimonium repertaejus-
» dem esse virginitatis, incenditur manus; qua tacto
» infante, sfatim edax ilia flamma sopitur; sicque ilia
» medica féliciter (infeliciter?) curiosa, dein admirata
» mulierem virginem, admirata infantem Deum, ingenti
» gaudio exultans, quæ curatum venerat, curata récessif. »
On peut voir aussi ce qu’en disait le moine Épiphane
(ed. Alb. Dressel,p. 2A; et apud Amaduzzi, Anecdot. litter.,
t. III, p. 59, sq.; et 90, sq.), qui la nomme Salomé, précisé-
ment comme le fait une peinture des Catacombes. Cf.
Mélanges d’archéologie, lre série, t. I, p. 21, svv.
De fait, plusieurs monuments seraient inintelligibles si
l’on ne tenait compte de cette légende ; et nos cathédrales