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MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.
Puis, quand il entame sa matière, voici son
« Redargutio per proverbia.
Saceiz çoc est vilainie,
E si le tene en folie,
Que hom ne deit juger,
Se il ne set plaider ;
U nule ren blasmer,
S’il ne l’set amender.
Goe dit en repruver
Li vilain al buver.
La pirre reuelette
Griet de la charette;
Mult est la punie dure.
Qui unques ne maure;
début (il me faut suivre le texte imprimé) :
La verge est a preiser,
Qui se lest pleïer;
Se li envius.. .
Est tant de putes murs,
Qu’il ne l’voillet oïr,
Alt seit de luinz gésir,
Si i post esculter
Cum li asne a harper.
Al busuin est truved
L’ami e espruved,
Unches ne fud ami
Qui al busuign failli. Etc. »
Son échantillon de proverbes n’est pas toujours facile à traduire par un artiste ; il n’est
pourtant pas rare de rencontrer (comme à la cathédrale du Mans) un âne qui joue (parfois
qui entend jouer) de la harpe ou de la vielle, une truie qui file, etc.; pour faire entendre
que- « Chacun son métier, les vaches seront bien gardées »; ou que « A laver la tête d'un
nègre, on perd sa lessive. » De même que les prédicateurs dramatisèrent volontiers leurs
sermons pour appeler l’imagination de l’auditoire au secours des leçons abstraites qu’ils
avaient à faire pénétrer dans les âmes *, on chercha aux proverbes une expression qui
frappât le regard. La forme populaire de ces sentences était fort appréciée comme moyen
de fixer dans la mémoire une leçon importante. C’est pour cela qu’Hélinand, dans son
Fabel de la mort, termine presque toutes les stances par un de ces axiomes connus de
tous. Il vaut la peine d’être mis en lumière, au moins par quelques citations :
1. De très-saintes gens ont eu recours à cet artifice ora-
toire pour assurer le fruit de leur parole. Ainsi un Carême
de saint Bernardin de Sienne se termine (à la Quasimodo)
par un sermon sur l’assaut du paradis : De pugna et sacco-
manno paraclisi, sive cœlestis Hierusalem. Citons-en plu-
sieurs divisions. « 1° De rasigna vel monstra totius exerci-
» tus æterni regis.— Quod omnis electorum turba nomine
» sanctissimæ Trinitatis, seu Jesu, in mentali fronte
» signati sun t. — De principalibus capitaneis exercitus elec-
» torum. — De spiritualibus ac militaribus armis militum
» Jesu Christi. — De equis militiæ Christi et de spirituali
» ornatu eorum. — De innumerabili multitudine populo-
» rum et peditum regis æterni. — De modo expugnandi
» et saccomannandi supernam Hierusalem. Etc. »
Léonard d’Oudine s’était fait un mécanisme habituel qui
devient à la longue presque risible. Le voici dans la forme la
plus acceptable, empruntée au sermon du jeudi après les
Cendres : « flodie anima fidelis simplex etdevota, intenta
» saluti suæ, accessit ad ecclesiam ; et audiens missam
» advertit.... unam conclusionem valde notabilem : Scili-
» cet sine fide formata Jesu Christi redemptoris, nemo
» hominum salvari potuit cunclis horis. Anima vero
» abiit trisfis, quærens et consulens legis doctores. Cui
» mox obviavit. Moyses; a qua quum cognovisset causam
» mœstitiæ suæ, ait : Ego ostendam tibi conclusionem
» quam audivisti... esse veram, testimonio quadruplicis
» legis. Etc., etc. »
Plus tard le P. Scherer (Christliche Postill, 1605) profite
du premier mai, fête des saints Philippe et Jacques, pour
faire un sermon à propos des fleurs; et l’on y trouverait
bien des curiosités sur la botanique populaire, avec les
noms de saints qui n’avaient pas encore tourné à la mytho-
logie dans la nomenclature scientifique moderne. En outre,
les leçons évangéliques y abondent très-utilement et sans
trop d’entorses données au sujet.
Au xvne siècle, M. Le Nobletz (suivi par-le vénérable
P. Maunoir, son disciple) avait inventé pour la Basse-Bre-
tagne des peintures dont une surtout mériterait d’être
remise en usage. Afin de mieux faire entendre aux marins
bretons les dangers et les ressources de la vie chrétienne,
il montrait les atterrages plus ou moins difficiles, le grée-
ment et la manœuvre d’un navire, etc.; avec de nombreux
détails qui se liraient et se prêcheraient encore utilement
de nos jours. Cf. les Vies des saints de Bretagne..., nouvelle
édition par l’abbé Tresvaux, t. IV, p. 233-*2/il.
Le Pèlerinage du nommé Chrétien (par J. Bunyan, primi-
tivement), et plus d’un autre livre populaire, abusent assu-
rément du droit de tirer l’allégorie en longueur. Qui
n’avouera néanmoins qu’il en reste dans la mémoire
certains traits qu’on emporte pour des années ?
MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.
Puis, quand il entame sa matière, voici son
« Redargutio per proverbia.
Saceiz çoc est vilainie,
E si le tene en folie,
Que hom ne deit juger,
Se il ne set plaider ;
U nule ren blasmer,
S’il ne l’set amender.
Goe dit en repruver
Li vilain al buver.
La pirre reuelette
Griet de la charette;
Mult est la punie dure.
Qui unques ne maure;
début (il me faut suivre le texte imprimé) :
La verge est a preiser,
Qui se lest pleïer;
Se li envius.. .
Est tant de putes murs,
Qu’il ne l’voillet oïr,
Alt seit de luinz gésir,
Si i post esculter
Cum li asne a harper.
Al busuin est truved
L’ami e espruved,
Unches ne fud ami
Qui al busuign failli. Etc. »
Son échantillon de proverbes n’est pas toujours facile à traduire par un artiste ; il n’est
pourtant pas rare de rencontrer (comme à la cathédrale du Mans) un âne qui joue (parfois
qui entend jouer) de la harpe ou de la vielle, une truie qui file, etc.; pour faire entendre
que- « Chacun son métier, les vaches seront bien gardées »; ou que « A laver la tête d'un
nègre, on perd sa lessive. » De même que les prédicateurs dramatisèrent volontiers leurs
sermons pour appeler l’imagination de l’auditoire au secours des leçons abstraites qu’ils
avaient à faire pénétrer dans les âmes *, on chercha aux proverbes une expression qui
frappât le regard. La forme populaire de ces sentences était fort appréciée comme moyen
de fixer dans la mémoire une leçon importante. C’est pour cela qu’Hélinand, dans son
Fabel de la mort, termine presque toutes les stances par un de ces axiomes connus de
tous. Il vaut la peine d’être mis en lumière, au moins par quelques citations :
1. De très-saintes gens ont eu recours à cet artifice ora-
toire pour assurer le fruit de leur parole. Ainsi un Carême
de saint Bernardin de Sienne se termine (à la Quasimodo)
par un sermon sur l’assaut du paradis : De pugna et sacco-
manno paraclisi, sive cœlestis Hierusalem. Citons-en plu-
sieurs divisions. « 1° De rasigna vel monstra totius exerci-
» tus æterni regis.— Quod omnis electorum turba nomine
» sanctissimæ Trinitatis, seu Jesu, in mentali fronte
» signati sun t. — De principalibus capitaneis exercitus elec-
» torum. — De spiritualibus ac militaribus armis militum
» Jesu Christi. — De equis militiæ Christi et de spirituali
» ornatu eorum. — De innumerabili multitudine populo-
» rum et peditum regis æterni. — De modo expugnandi
» et saccomannandi supernam Hierusalem. Etc. »
Léonard d’Oudine s’était fait un mécanisme habituel qui
devient à la longue presque risible. Le voici dans la forme la
plus acceptable, empruntée au sermon du jeudi après les
Cendres : « flodie anima fidelis simplex etdevota, intenta
» saluti suæ, accessit ad ecclesiam ; et audiens missam
» advertit.... unam conclusionem valde notabilem : Scili-
» cet sine fide formata Jesu Christi redemptoris, nemo
» hominum salvari potuit cunclis horis. Anima vero
» abiit trisfis, quærens et consulens legis doctores. Cui
» mox obviavit. Moyses; a qua quum cognovisset causam
» mœstitiæ suæ, ait : Ego ostendam tibi conclusionem
» quam audivisti... esse veram, testimonio quadruplicis
» legis. Etc., etc. »
Plus tard le P. Scherer (Christliche Postill, 1605) profite
du premier mai, fête des saints Philippe et Jacques, pour
faire un sermon à propos des fleurs; et l’on y trouverait
bien des curiosités sur la botanique populaire, avec les
noms de saints qui n’avaient pas encore tourné à la mytho-
logie dans la nomenclature scientifique moderne. En outre,
les leçons évangéliques y abondent très-utilement et sans
trop d’entorses données au sujet.
Au xvne siècle, M. Le Nobletz (suivi par-le vénérable
P. Maunoir, son disciple) avait inventé pour la Basse-Bre-
tagne des peintures dont une surtout mériterait d’être
remise en usage. Afin de mieux faire entendre aux marins
bretons les dangers et les ressources de la vie chrétienne,
il montrait les atterrages plus ou moins difficiles, le grée-
ment et la manœuvre d’un navire, etc.; avec de nombreux
détails qui se liraient et se prêcheraient encore utilement
de nos jours. Cf. les Vies des saints de Bretagne..., nouvelle
édition par l’abbé Tresvaux, t. IV, p. 233-*2/il.
Le Pèlerinage du nommé Chrétien (par J. Bunyan, primi-
tivement), et plus d’un autre livre populaire, abusent assu-
rément du droit de tirer l’allégorie en longueur. Qui
n’avouera néanmoins qu’il en reste dans la mémoire
certains traits qu’on emporte pour des années ?