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MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
Qui l'avoit nourrie en enfance.
Eile gardoit de sa nourrice
Les brebis\ et sans aucun vice
Les menoit de jour en pasture ;
Car du siècle elle n'avoit cure.
EHe estoit vestue pauvrement,
Mais le corps avoit bel et gent :
Les yeux vers (pers? et clere la face.
Un jour advint par adventure
Qu'elle ailoit ses brebis gardant.
Olibrius par là passant,
Seigneur du pays, si tarda;
Au visage la regarda.
Tant fut esprins de son amour,
Sans prendre garde au vestement,
Mais au corps qui estoit très gent,
Qu'incontinent va envoyer
Vers la pucelle un messager.
Le messager y est allë
Et à la pucelle a parié,
Et luy a commencé à dire :
« Damoiselle, mon maistre et sire
Qui n'a guere par cy passa
Par devers vous envoyé m'a
Scavoir comment avez à nom
Et si vous i'aimerez ou non. D
— « Sire, dist elle, des mon enfance
Suis cbrestienne baptisée,
A Jesus-Christ suis espousée
Ne requiere autre amy avoir. R
— K Belle, je vous fay assavoir
Que si vous ayrnez mon seigneur,
11 vous en viendra grand honneur. w
— « Vous direz à vostre seigneur
Que suis ancelle à Jesus-Christ
Qui pour nous mort en croix souffrit,
Et que autre ne veux aymer. w
Adonc s'en va le messager
Vers son seigneur, et lui racompte
Que de luy si n'a tenu compte
La pucelle ; mais luy a dict
Qu'elle est espouse à Jesus-Clirist.
Le tyran la mande quérir
A celle tin de la punir.
N'ayant pas vu le vitrail à Auxerre, j'igmore s'il a perdu quelques médaiilons à la partie
inférieure. Mais tel qu'il est aujourd'hui, d'après les dessins et la gravure du P. Arthur
Martin, il nous présente tout d'ahord la sainte amenée devant le gouverneur; et là, nous
pouvons reprendre t'ordre des faits d'après notre faiseur de vers, tout en continuant à re-
trancher quetques-uns de ses discotirs interminables.
— « Lors respond comrne bien advisée :
Marguerite suis appellëe.
Je croy en Dieu omnipotent
Qui tous les siens de mal deffend,
Et en Jésus-Clirist son cher fils
Qui nous sauva de grans périis
Oü nons estions par le péchc
Que feist Adam le desvoyé. ))
Quand le prevost veist qu'elle estoit
Ferme en son cas et persistoit,
A peu qu'il ne l'a vouiu pendre.
Adonc feist la pucelle prendre,
Et rnettre en prison bien fermée ;
Et quand ce vint l'antre journëe,
Devant luy la feist amener.
Lors il luy dist : <( Entens à moy ;
Laisse ton Dieu et prens ma loy,
Autrement t'en repentira. ))
La vierge respond briefvement :
« Si mon corps tu rnets en tourment,
Mon ame sera bien eurée
Avec les vierges couronnëe. ))
(en quoi les étymologies orientaiistes pourront se donner car-
rière sans que je rn'en inêle), et connne cela impiique notion
de dclicatesse, faiblesse, etc., on comprendra sans pcine
qu'il en soit sorti plus tard le sens de mesquin ou même de
malheureux (piteux), dont la trace existe encore en italie.
Chez notre poëte, ce mot semble dire : orpheline, fille de
service, fenune de peine, pauxrette.
I. Cl'. Grim. de Saint-Laurent, Ciude.... t. V, p. 5t2, sv
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
Qui l'avoit nourrie en enfance.
Eile gardoit de sa nourrice
Les brebis\ et sans aucun vice
Les menoit de jour en pasture ;
Car du siècle elle n'avoit cure.
EHe estoit vestue pauvrement,
Mais le corps avoit bel et gent :
Les yeux vers (pers? et clere la face.
Un jour advint par adventure
Qu'elle ailoit ses brebis gardant.
Olibrius par là passant,
Seigneur du pays, si tarda;
Au visage la regarda.
Tant fut esprins de son amour,
Sans prendre garde au vestement,
Mais au corps qui estoit très gent,
Qu'incontinent va envoyer
Vers la pucelle un messager.
Le messager y est allë
Et à la pucelle a parié,
Et luy a commencé à dire :
« Damoiselle, mon maistre et sire
Qui n'a guere par cy passa
Par devers vous envoyé m'a
Scavoir comment avez à nom
Et si vous i'aimerez ou non. D
— « Sire, dist elle, des mon enfance
Suis cbrestienne baptisée,
A Jesus-Christ suis espousée
Ne requiere autre amy avoir. R
— K Belle, je vous fay assavoir
Que si vous ayrnez mon seigneur,
11 vous en viendra grand honneur. w
— « Vous direz à vostre seigneur
Que suis ancelle à Jesus-Christ
Qui pour nous mort en croix souffrit,
Et que autre ne veux aymer. w
Adonc s'en va le messager
Vers son seigneur, et lui racompte
Que de luy si n'a tenu compte
La pucelle ; mais luy a dict
Qu'elle est espouse à Jesus-Clirist.
Le tyran la mande quérir
A celle tin de la punir.
N'ayant pas vu le vitrail à Auxerre, j'igmore s'il a perdu quelques médaiilons à la partie
inférieure. Mais tel qu'il est aujourd'hui, d'après les dessins et la gravure du P. Arthur
Martin, il nous présente tout d'ahord la sainte amenée devant le gouverneur; et là, nous
pouvons reprendre t'ordre des faits d'après notre faiseur de vers, tout en continuant à re-
trancher quetques-uns de ses discotirs interminables.
— « Lors respond comrne bien advisée :
Marguerite suis appellëe.
Je croy en Dieu omnipotent
Qui tous les siens de mal deffend,
Et en Jésus-Clirist son cher fils
Qui nous sauva de grans périis
Oü nons estions par le péchc
Que feist Adam le desvoyé. ))
Quand le prevost veist qu'elle estoit
Ferme en son cas et persistoit,
A peu qu'il ne l'a vouiu pendre.
Adonc feist la pucelle prendre,
Et rnettre en prison bien fermée ;
Et quand ce vint l'antre journëe,
Devant luy la feist amener.
Lors il luy dist : <( Entens à moy ;
Laisse ton Dieu et prens ma loy,
Autrement t'en repentira. ))
La vierge respond briefvement :
« Si mon corps tu rnets en tourment,
Mon ame sera bien eurée
Avec les vierges couronnëe. ))
(en quoi les étymologies orientaiistes pourront se donner car-
rière sans que je rn'en inêle), et connne cela impiique notion
de dclicatesse, faiblesse, etc., on comprendra sans pcine
qu'il en soit sorti plus tard le sens de mesquin ou même de
malheureux (piteux), dont la trace existe encore en italie.
Chez notre poëte, ce mot semble dire : orpheline, fille de
service, fenune de peine, pauxrette.
I. Cl'. Grim. de Saint-Laurent, Ciude.... t. V, p. 5t2, sv