DOI Heft:
Heft 9 (Septembre 1874)
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L'ÉGYPTOLOGIE.
tel que le conçoivent nos adversaires? Si les silex qui font la gloire de MM. Arcelin, Hamy et
Lenormant sont préhistoriques , ils datent d'au moins huit mille ans, et sont demeurés huit mille
ans épars à la surface du sol, au voisinage d'une des plus grandes cités du monde I Nous concevons
que cette hypothèse n'étonne pas nos adversaires et qu'ils admettent sans difficulté que les débris
du prétendu dépôt d'outils néolithiques, forcément abandonné à l'aube de l'âge des métaux, a
formé le magasin inépuisable et inépuisé des silex que les Égyptiens de toutes les époques
jusqu'aux Romains ont employés à différents usages, ou simplement déposés dans les tombeaux
comme si ces restes d'un temps de barbarie eussent mérité quelque vénération. Je sais très bien
qu'il n'y a dans une telle supposition rien qui puisse faire reculer un collectionneur de silex ; mais
les égyptologues qui, eux, ont pénétré dans les arcanes de la sagesse des temps pharaoniques se
sont formé des idées fort différentes ; ils se doivent à eux-mêmes de dédaigner les visions de la
science la plus conjecturale à laquelle l'esprit humain se soit jamais appliqué.
J'ai assisté, il y a bien des années déjà, à une séance de magnétisme somnambulique, dans
laquelle un père de famille, inquiet, crut devoir consulter, sur le sort de son fils égaré dans quelque
coin du Bengale, l'une des plus célèbres extra-lucides de Paris, accompagnée du docteur qui
l'exploitait. L'expérience fut merveilleusement réussie : l'extra-lucide s'embarqua, éprouva le
tangage et le roulis, eut le mal de mer, vit le delta du Gange, frissonna de terreur à la rencontre
des tigres, des caïmans, des cobras, etc., et, finalement, découvrit l'enfant voyageur s'entretenant
en bengali avec un indigène, dans une localité qu'elle décrivit minutieusement. Elle répéta
même les mots hindous de la conversation.
Au milieu de l'admiration générale de l'assistance, le père, homme de très-grand bon sens,
éprouva le besoin de faire de la lucidité de la magnétisée, une expérience plus aisément vériflable;
il la pria, en conséquence, de se rendre tout simplement à Saint-Marcel, village situé à moins
de trois kilomètres de Chalon, sur une route droite comme un I, bordée d'une double rangée
d'arbres et coupée d'un pont sur un étang. Inutile de dire que l'extra-lucide ne put faire un
seul pas hors de la ville, et que le pont, l'étang, le village, son église célèbre, le puits du
martyr et le cénotaphe d'Abeilard échappèrent complètement aux yeux si prodigieusement
clairvoyants qui distinguaient nettement les serpents à trois mille lieues de distance !
Somnambules des sciences imaginaires, restez prudemment dans l'épais brouillard de ces grandes
distances. Appelez à votre aide les animaux de la faune tertiaire, car le renne et l'éléphant des
latitudes moyennes commencent à se laisser saisir par l'histoire vraie. Évitez soigneusement de
jalonner (comme vous vous êtes promis de le faire), au moyen de monolithes ou d'autres
monuments, l'itinéraire des migrations théoriques de vos Aryens, de vos Touraniens et de
leurs métis et quarterons, car il arrivera certainement que quelques-uns de vos jalons livreront
leur secret par quelques signes , et que des documents aussi incontestables que ceux qui vous ont
montré l'éléphant vivant par troupes nombreuses autour de Ninive , vers le XVP siècle avant
notre ère, vous obligeront à briser dans votre chaîne hypothétique des chaînons trop jeunes de
trente à quarante siècles pour s'accorder avec vos théories.
Non, je n'ai pas supprimé mon livre dont la première édition , eût-elle été triple, n'aurait pas
suffi à l'empressement des acheteurs. Non, je n'ai pas condamné mon livre si ardemment recherché
par le public intelligent, si favorablement apprécié par les savants les plus compétents de l'Europe
entière. J'en ai au contraire confirmé les conclusions dans une seconde édition. Mais il y a en
tout ceci quelque chose de condamnable, ce sont les déplorables procédés que l'on n'a pas craint
d'employer contre ce livre et contre son auteur.
L'ÉGYPTOLOGIE.
tel que le conçoivent nos adversaires? Si les silex qui font la gloire de MM. Arcelin, Hamy et
Lenormant sont préhistoriques , ils datent d'au moins huit mille ans, et sont demeurés huit mille
ans épars à la surface du sol, au voisinage d'une des plus grandes cités du monde I Nous concevons
que cette hypothèse n'étonne pas nos adversaires et qu'ils admettent sans difficulté que les débris
du prétendu dépôt d'outils néolithiques, forcément abandonné à l'aube de l'âge des métaux, a
formé le magasin inépuisable et inépuisé des silex que les Égyptiens de toutes les époques
jusqu'aux Romains ont employés à différents usages, ou simplement déposés dans les tombeaux
comme si ces restes d'un temps de barbarie eussent mérité quelque vénération. Je sais très bien
qu'il n'y a dans une telle supposition rien qui puisse faire reculer un collectionneur de silex ; mais
les égyptologues qui, eux, ont pénétré dans les arcanes de la sagesse des temps pharaoniques se
sont formé des idées fort différentes ; ils se doivent à eux-mêmes de dédaigner les visions de la
science la plus conjecturale à laquelle l'esprit humain se soit jamais appliqué.
J'ai assisté, il y a bien des années déjà, à une séance de magnétisme somnambulique, dans
laquelle un père de famille, inquiet, crut devoir consulter, sur le sort de son fils égaré dans quelque
coin du Bengale, l'une des plus célèbres extra-lucides de Paris, accompagnée du docteur qui
l'exploitait. L'expérience fut merveilleusement réussie : l'extra-lucide s'embarqua, éprouva le
tangage et le roulis, eut le mal de mer, vit le delta du Gange, frissonna de terreur à la rencontre
des tigres, des caïmans, des cobras, etc., et, finalement, découvrit l'enfant voyageur s'entretenant
en bengali avec un indigène, dans une localité qu'elle décrivit minutieusement. Elle répéta
même les mots hindous de la conversation.
Au milieu de l'admiration générale de l'assistance, le père, homme de très-grand bon sens,
éprouva le besoin de faire de la lucidité de la magnétisée, une expérience plus aisément vériflable;
il la pria, en conséquence, de se rendre tout simplement à Saint-Marcel, village situé à moins
de trois kilomètres de Chalon, sur une route droite comme un I, bordée d'une double rangée
d'arbres et coupée d'un pont sur un étang. Inutile de dire que l'extra-lucide ne put faire un
seul pas hors de la ville, et que le pont, l'étang, le village, son église célèbre, le puits du
martyr et le cénotaphe d'Abeilard échappèrent complètement aux yeux si prodigieusement
clairvoyants qui distinguaient nettement les serpents à trois mille lieues de distance !
Somnambules des sciences imaginaires, restez prudemment dans l'épais brouillard de ces grandes
distances. Appelez à votre aide les animaux de la faune tertiaire, car le renne et l'éléphant des
latitudes moyennes commencent à se laisser saisir par l'histoire vraie. Évitez soigneusement de
jalonner (comme vous vous êtes promis de le faire), au moyen de monolithes ou d'autres
monuments, l'itinéraire des migrations théoriques de vos Aryens, de vos Touraniens et de
leurs métis et quarterons, car il arrivera certainement que quelques-uns de vos jalons livreront
leur secret par quelques signes , et que des documents aussi incontestables que ceux qui vous ont
montré l'éléphant vivant par troupes nombreuses autour de Ninive , vers le XVP siècle avant
notre ère, vous obligeront à briser dans votre chaîne hypothétique des chaînons trop jeunes de
trente à quarante siècles pour s'accorder avec vos théories.
Non, je n'ai pas supprimé mon livre dont la première édition , eût-elle été triple, n'aurait pas
suffi à l'empressement des acheteurs. Non, je n'ai pas condamné mon livre si ardemment recherché
par le public intelligent, si favorablement apprécié par les savants les plus compétents de l'Europe
entière. J'en ai au contraire confirmé les conclusions dans une seconde édition. Mais il y a en
tout ceci quelque chose de condamnable, ce sont les déplorables procédés que l'on n'a pas craint
d'employer contre ce livre et contre son auteur.