Evangiles pourraient y prendre place, mais ils ne
sont illustres que tres exceptionnellement: a grand
peine avons-nous pu reperer jusqu’a present trois
manuscrits des Tractatus in lohannem d’Augustin
ou le Prologue est illustre30, et deux du Commen-
taire de Zacharie de Besanęon, In unum ex ąuatuor,
sur le Diatessaron31. Le corpus comporte actuelle-
ment pres de 250 manuscrits datables du VIIIe au
XVIe siecle. Le latin y est bien entendu la langue do-
minantę, mais d’autres langues sont prises en comp-
te: on y rencontre en effet des manuscrits en grec,
en armenien et en franęais. Le corpus n’a donc pas
de caractere etroitement national. II tend a l’exhau-
stivite, sauf pour les Bibles parisiennes du XIII6
siecle, qui comportent presque invariablement un
Arbre de Jesse pour Mt, une Annonce a Zacharie
pour Lc, un personnage debout, quelquefois habille
en pretre, pour Mc et Jn : pour elles, on s’est donc
contente d’un echantillon.
1.4. Le Prologue et la liturgie
Ce n’est pas le lieu d’evoquer ici 1’ensemble des
problemes que soulevent respectivement 1’histoire de
la composition du Prologue, 1’articulation de ses
themes majeurs et sa portee theologique. Mais il
nous faut dire un mot de son appellation, de sa deli-
mitation et de ses usages liturgiques.
Le texte communement appele “Prologue de
l’evangile selon saint Jean”, ou en abrege, tellement
il est celebre, “le Prologue”, n’a pas toujours ete
30 1) Bibl. Vat., ms Pal. Lat. 206, vers 900 (initiale historiee
ajoutee au XIIe s. probablement); 2) Charleville, BM, ms 246
B, f. 3 (XIIe s.): voir Fr. Garnier, Le langage de 1 image au
Moyen Age, II: Grammaire des gestes, Paris, 1989, p. 400, fig.
177; 3) Cambrai, BM, ms 529, f. 3 (France du Nord, XIIe s.;
voir notre fig. 16): voir Y. Załuska et A. Granboulan, Cor-
pus des Evangiles et Evangeliaires conserres en France, I: Nord
de la France (notice par A.G.), a paraitre.
31 1) Arras, BM, ms 461, f. 8, imtiale I representant quatre
evangelistes en buste, au debut du ler livre, In principio erat
verbum (France du Nord, fin du XIIe s.); Załuska et
Granboułan, ut supra\ 2) Saint-Omer, BM, ms 30, f. 57
(France du Nord, XIIe s.); voir infra, notre fig. 26; sur ce ms,
W. Cahn, Romanesąue Manuscripts. The Twelfth Century,
Londres, 1996, n° 116, pl. 277; sur 1’iconographie, A. M.
D’Achille, “Sulla Iconografia Trinitaria medievale: la Trinita
del Santuario sul Monte Autore presso Vallepietra”, Arte
medierale, 1991/1, fig. 25 p. 62, et p. 61; Załuska et
Granboulan, ut supra.
32 Les dix-huit premiers versets de l’evangile de Jean ont ete
divises par Eusebe de Cesaree (IVe s.), dans ses “canons de con-
cordances evangeliques”, en huit sections dont deux etaient re-
connues comme propres a l’evangeliste, tandis que les autres ont
designe ainsi. Ce sont en effet les editions modernes
de la Bibie qui englobent sous ce nom les dix-huit
premiers yersets du quatrieme Evangile32. La ques-
tion de savoir ou s’arrete le Prologue est en realite
un probleme fondamental, de coherence textuelle et
theologique, dont discutent encore les exegetes con-
temporains. Ce fut aussi une question d’ordre litur-
gique. Le Prologue n’a eu en effet ni la meme lon-
gueur ni le meme usage selon qu’il etait lu dans les
Eglises latines ou dans celles de rite byzantin ou
armenien.
L’une des plus anciennes attestations de la lecture
du Prologue dans une liturgie latine apparait dans
les Tractatus in loannetn de saint Augustin, qui
datent du debut du Ve siecle33. Or, cette serie
d’homelies permet d’etablir que 1’actuel Prologue
(Jn 1,1—18) a ete divise en trois lectures dans la li-
turgie africaine34. Toutefois, depuis 1’introduction a
Romę des trois messes de Noel, le texte initial de
Jean a ete attribue a la troisieme messe, celle du jour,
qui a ete celebree dans la basilique de Saint-Pierre.
Pour mettre 1’accent sur 1’Incarnation du Verbe,
dont on celebrait la naissance sur la terre, on a ar-
rete cette lecture au v. 1435: et verbum caro factum
est et habitavit in nobis (“et le Verbe s’est fait chair
et il a habite parmi nous”). Cet usage a ete adopte
par toute la chretiente occidentale, qui appelait
generalement la messe du jour “magna missa’ — et
cette cesure liturgique, comme nous le verrons, a ete
pour beaucoup dans des choix iconographiques oc-
cidentaux. Une homelie patristique, telle celle de
ete mises en parallele avec les synoptiques. D’autres divisions des
evangiles latins, notamment celles publiees par De Bruyne,
Prefaces, p. 264—269 et 302—311, fournissent des renseigne-
ments interessants sur la perception du “prologue” au cours des
ages. Certains, en effet, le font eclater et 1’incluent dans la nu-
merotation des chapitres; d’autres ne commencent leur nume-
rotation qu’en Jn 1, 19, ce qui implique de tenir les versets 1 a
18 comme une unitę d’introduction. Ainsi, le sommaire des plus
repandus dans les manuscrits medievaux (“B = A”, dans la no-
menclature de De Bruyne, ibid., p. 302).
33 Augustin, Homelies sur l’Evangile de saint Jean, ed.
M.-F. Berrouard, “Bibliotheque augustinienne” 71, Paris,
1969, p. 29-36.
iAIbid., p. 126-127 et 170-171 pour ce qui concerne les
deux premieres lectures; sur la troisieme lecture, p. 208-209;
voir aussi p. 855, n. 16.
35 Th. Klaus er, Das romische capitulare erangeliorum, 1:
Typen, reed. Munster, 1972, passim.-, A. Chavasse, Les
lectionnaires romains de la messe au V1L et au V11L siecle, Fribourg
(Suisse), 1993 t. 2 (“Spicilegii Friburgensis subsidia, 22”), p. 25.
Les versets 15—18 ne sont pas entres dans la liturgie romaine
ancienne, mais on les retrouve quelquefois dans les evangeliaires
medievaux; voir Załuska et Granboulan, Corpus...
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sont illustres que tres exceptionnellement: a grand
peine avons-nous pu reperer jusqu’a present trois
manuscrits des Tractatus in lohannem d’Augustin
ou le Prologue est illustre30, et deux du Commen-
taire de Zacharie de Besanęon, In unum ex ąuatuor,
sur le Diatessaron31. Le corpus comporte actuelle-
ment pres de 250 manuscrits datables du VIIIe au
XVIe siecle. Le latin y est bien entendu la langue do-
minantę, mais d’autres langues sont prises en comp-
te: on y rencontre en effet des manuscrits en grec,
en armenien et en franęais. Le corpus n’a donc pas
de caractere etroitement national. II tend a l’exhau-
stivite, sauf pour les Bibles parisiennes du XIII6
siecle, qui comportent presque invariablement un
Arbre de Jesse pour Mt, une Annonce a Zacharie
pour Lc, un personnage debout, quelquefois habille
en pretre, pour Mc et Jn : pour elles, on s’est donc
contente d’un echantillon.
1.4. Le Prologue et la liturgie
Ce n’est pas le lieu d’evoquer ici 1’ensemble des
problemes que soulevent respectivement 1’histoire de
la composition du Prologue, 1’articulation de ses
themes majeurs et sa portee theologique. Mais il
nous faut dire un mot de son appellation, de sa deli-
mitation et de ses usages liturgiques.
Le texte communement appele “Prologue de
l’evangile selon saint Jean”, ou en abrege, tellement
il est celebre, “le Prologue”, n’a pas toujours ete
30 1) Bibl. Vat., ms Pal. Lat. 206, vers 900 (initiale historiee
ajoutee au XIIe s. probablement); 2) Charleville, BM, ms 246
B, f. 3 (XIIe s.): voir Fr. Garnier, Le langage de 1 image au
Moyen Age, II: Grammaire des gestes, Paris, 1989, p. 400, fig.
177; 3) Cambrai, BM, ms 529, f. 3 (France du Nord, XIIe s.;
voir notre fig. 16): voir Y. Załuska et A. Granboulan, Cor-
pus des Evangiles et Evangeliaires conserres en France, I: Nord
de la France (notice par A.G.), a paraitre.
31 1) Arras, BM, ms 461, f. 8, imtiale I representant quatre
evangelistes en buste, au debut du ler livre, In principio erat
verbum (France du Nord, fin du XIIe s.); Załuska et
Granboułan, ut supra\ 2) Saint-Omer, BM, ms 30, f. 57
(France du Nord, XIIe s.); voir infra, notre fig. 26; sur ce ms,
W. Cahn, Romanesąue Manuscripts. The Twelfth Century,
Londres, 1996, n° 116, pl. 277; sur 1’iconographie, A. M.
D’Achille, “Sulla Iconografia Trinitaria medievale: la Trinita
del Santuario sul Monte Autore presso Vallepietra”, Arte
medierale, 1991/1, fig. 25 p. 62, et p. 61; Załuska et
Granboulan, ut supra.
32 Les dix-huit premiers versets de l’evangile de Jean ont ete
divises par Eusebe de Cesaree (IVe s.), dans ses “canons de con-
cordances evangeliques”, en huit sections dont deux etaient re-
connues comme propres a l’evangeliste, tandis que les autres ont
designe ainsi. Ce sont en effet les editions modernes
de la Bibie qui englobent sous ce nom les dix-huit
premiers yersets du quatrieme Evangile32. La ques-
tion de savoir ou s’arrete le Prologue est en realite
un probleme fondamental, de coherence textuelle et
theologique, dont discutent encore les exegetes con-
temporains. Ce fut aussi une question d’ordre litur-
gique. Le Prologue n’a eu en effet ni la meme lon-
gueur ni le meme usage selon qu’il etait lu dans les
Eglises latines ou dans celles de rite byzantin ou
armenien.
L’une des plus anciennes attestations de la lecture
du Prologue dans une liturgie latine apparait dans
les Tractatus in loannetn de saint Augustin, qui
datent du debut du Ve siecle33. Or, cette serie
d’homelies permet d’etablir que 1’actuel Prologue
(Jn 1,1—18) a ete divise en trois lectures dans la li-
turgie africaine34. Toutefois, depuis 1’introduction a
Romę des trois messes de Noel, le texte initial de
Jean a ete attribue a la troisieme messe, celle du jour,
qui a ete celebree dans la basilique de Saint-Pierre.
Pour mettre 1’accent sur 1’Incarnation du Verbe,
dont on celebrait la naissance sur la terre, on a ar-
rete cette lecture au v. 1435: et verbum caro factum
est et habitavit in nobis (“et le Verbe s’est fait chair
et il a habite parmi nous”). Cet usage a ete adopte
par toute la chretiente occidentale, qui appelait
generalement la messe du jour “magna missa’ — et
cette cesure liturgique, comme nous le verrons, a ete
pour beaucoup dans des choix iconographiques oc-
cidentaux. Une homelie patristique, telle celle de
ete mises en parallele avec les synoptiques. D’autres divisions des
evangiles latins, notamment celles publiees par De Bruyne,
Prefaces, p. 264—269 et 302—311, fournissent des renseigne-
ments interessants sur la perception du “prologue” au cours des
ages. Certains, en effet, le font eclater et 1’incluent dans la nu-
merotation des chapitres; d’autres ne commencent leur nume-
rotation qu’en Jn 1, 19, ce qui implique de tenir les versets 1 a
18 comme une unitę d’introduction. Ainsi, le sommaire des plus
repandus dans les manuscrits medievaux (“B = A”, dans la no-
menclature de De Bruyne, ibid., p. 302).
33 Augustin, Homelies sur l’Evangile de saint Jean, ed.
M.-F. Berrouard, “Bibliotheque augustinienne” 71, Paris,
1969, p. 29-36.
iAIbid., p. 126-127 et 170-171 pour ce qui concerne les
deux premieres lectures; sur la troisieme lecture, p. 208-209;
voir aussi p. 855, n. 16.
35 Th. Klaus er, Das romische capitulare erangeliorum, 1:
Typen, reed. Munster, 1972, passim.-, A. Chavasse, Les
lectionnaires romains de la messe au V1L et au V11L siecle, Fribourg
(Suisse), 1993 t. 2 (“Spicilegii Friburgensis subsidia, 22”), p. 25.
Les versets 15—18 ne sont pas entres dans la liturgie romaine
ancienne, mais on les retrouve quelquefois dans les evangeliaires
medievaux; voir Załuska et Granboulan, Corpus...
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