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Polska Akademia Umieje̜tności <Krakau> / Komisja Historii Sztuki [Hrsg.]; Polska Akademia Nauk <Warschau> / Oddział <Krakau> / Komisja Teorii i Historii Sztuki [Hrsg.]
Folia Historiae Artium — N.S. 8/​9.2002/​3

DOI Artikel:
Boespflug, François; Załuska, Yolanta: Le Prologue de l'Évangile selon saint Jean dans l'art médiéval (IX-XII siecle): L'image comme "commentaire"
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https://doi.org/10.11588/diglit.20620#0029
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lumineux autour de la tete du Christ est a son tour
entoure d’une bandę portant quatre tetes ailees fi-
xant le Verbe, qui ressemblent aux traditionnelles
personniflcations des vents, mais que l’on peut in-
terpreter, dans ce contexte, comme des tetes d’ange,
par reference a la tradition theologique qui situe
la creation des anges au premier jour, en meme
temps que la lumiere. Le fait que la paternite de
cette idee remonte, en ce qui concerne la tradition
chretienne occidentale, a saint Augustin, lui a garan-
ti une grandę notoriete durant tout le Moyen Age71.
Une bandę de ciel portant les astres entoure la zonę
angelique; elle comporte le soleil et la lunę, autre-
ment dit les luminaria magna “poses” dans le ciel le
quatrieme jour (Gn 1,14-19), et des etoiles. La der-
niere zonę est occupee par les personniflcations de la
Terre et de l’Ocean.

Cette image de la Creation, exceptionnelle, n’est
pas narrative et ne cherche nullement a figurer les
jours de la Creation d’apres le recit de la Genese. Elle
reflete les conceptions savantes des moines erudits
de l’epoque. Celles-ci encouragent 1’identification
des zones reparties autour de la tete du Logos avec
les quatre elements : la premiere zonę, lumineuse,
serait le feu ; la zonę des astres suspendus dans le ciel
peut etre assimilee a l’air; 1’Ocean personnifie l’eau,
tandis que la Terre personnifiee represente le dernier
element72. En faveur de cette interpretation, on peut
citer plusieurs compositions faisant voir des concep-
tions analogues73.

Excursus

Le £ 3v de la Clarisphysicae (Paris, BNF, ms lat. 67 34) merite
un excursus: Dans cette enluminure, la troisieme zonę represen-
te la natura creata non creans, autrement dit l’ceuvre de la

71 M.-Th. D’Alverny, “Les anges et les jours”, Cahiers de
Cirilisation Medierale, 9, 1957, p. 271—300; J. Zahlten,
Creatio mundi. Darstellungen der sechs Schopfungstage und
naturwissenschafthches Weltbild im Mittelalter, Stuttgart, 1979;
H. M. von Erffa, Ikonologie der Genesis. Die christlichen Bild-
themen ans de?n Alten Testament und ihre Quellen, t. 1, Munich,
1989, p. 59-62.

72 On doit toutefois noter qu’il y a une certaine ambiguite
entre la zonę figurant des anges comme des vents personnifies
qui pourraient de ce fait figurer 1’air, et la zonę des astres qui
pourrait simplement se referer au quatrieme jour de la Creation.
On dirait que 1’auteur ne s’est pas entierement libere de la nar-
ration biblique.

73 Ainsi le magnifique monogramme IN qui represente la
Creation au moyen des personniflcations des quatre elements

reparties autour du Verbe createur en buste, en tete de la Ge-

nese dans la Bibie de Saint-Hubert (XIe s.) conservee a Bruxelles,
BR, ms II 1639, £ 6v. Ce monogramme et ses sources platoni-

ciennes ont ete magistralement etudies par H. Bober, “In

Creation, sous une arcature a quatre baies. La premiere arcade
montre le feu dont les langues se voient tout en haut, puis le
soleil et les luminaria magna pris ici comme des representants
de la lumiere et, enfin, trois anges de grandę taille. L’inscription
sur 1’arcade dit IGNIS. La deuxieme arcade nommeedffl figurę
des oiseaux en vol qui le symbolisent; la troisieme arcade,
AQUA, est representee par l’eau poissonneuse versee d’un vase.
Le quatrieme element, TERRA, est represente par des plantes
rassemblees dans un jardin verdoyant, par trois quadrupedes et
par un couple d’humains, qui peuvent etre interpretes comme
Adam et Eve, le couple primordial. Sans nous livrer a un dechif-
frement plus complet qui permettrait de faire une equation
entre ces quatre elements et l'oeuvre des six jours, ni a des expli-
cations philosophiques, telles que les a si bien presentees Ma-
rie-Therese d’Alverny74, rappelons seulement que ces essais pour
reconcilier idees platoniciennes et Creation biblique ont trouve
a plusieurs reprises un echo dans 1’art monastique du XIe et du
XIIe siecle.

Le deuxieme medaillon de la bordure du Codex
d’Uta (en haut, a droite) (fig. 5) represente la predi-
cation de Jean-Baptiste et illustre les versets 6 et 7
du Prologue, eux aussi calligraphies sur la bordure
de Limage: Fuit homo missus a Deo cui nomen erat
lohannes; hic venit in test(imonium) ut testimon-
(ium) perhiberet de lumine et omnes crederent per
illum. Sous la Main de Dieu nimbee, signe de la
puissance divine qui l’investit de sa mission, Jean,
vetu d’une peau de bete par-dessus sa tunique, s’ad-
resse, au moyen d’un phylactere coude, a un groupe
d’hommes tres jeunes. Un arbre derriere le Precur-
seur evoque le desert de Judee en accord avec
1’imaginaire Occidental75, tandis que le phylactere
confirme 1’importance de la mission du Baptiste et
souligne la valeur legale de son temoignage76.

Le troisieme medaillon d’angle (en bas a droite)
(fig. 7) fait passe directement au verset 14 du Pro-
logue, copie en sa premiere partie sur la bordure, Et

principio. Creation before Time”, dans M. Meiss, ed., De artis
opuscula; XL: Essays in Honor of E. Panofsky, New York, 1961,
t. 1, p. 13-28; voir aussi, Cahn, Bibie romane..., p. 125, et nu
39; et dernierement Smeyers, op. cit., p. 89 et fig. 45 (coul.).
Ainsi 1’illustration du Prologue dans les Erangiles de Bamberg
(voir plus loin nos fig. 7 et 8).

74 M.-Th. D’Alverny, “Le Cosmos symbolique du XIIe
siecle”, Archires d’histoire doctrinale et litteraire du Moyen Age,
28, 1953, p. 31-81; Garnier, op. cit., t. 2, Paris, 1989, fig.
145 et p. 382.

75 Le desertus locus ou se retirent des ermites occidentaux
et ou se construisent des monasteres, surtout des cisterciens, est,
en Europę, un espace boise: J. Le Goff, “Le desert-foret dans
1’Occident medieval”, dans Id., Pour un Autre Moyen Age,
Paris, 1990, p. 495-510.

76 Le temoignage de Jean-Baptiste, element important de
1’iconographie du Prologue, est absent du ms 94 de Bamberg;
on le retrouve en revanche dans le ms gr. 64 de la BNF, £ 158v,
sur lequel nous reviendrons. La comparaison des deux est ins-

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