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Polska Akademia Umieje̜tności <Krakau> / Komisja Historii Sztuki [Editor]; Polska Akademia Nauk <Warschau> / Oddział <Krakau> / Komisja Teorii i Historii Sztuki [Editor]
Folia Historiae Artium — N.S. 8/​9.2002/​3

DOI article:
Boespflug, François; Załuska, Yolanta: Le Prologue de l'Évangile selon saint Jean dans l'art médiéval (IX-XII siecle): L'image comme "commentaire"
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https://doi.org/10.11588/diglit.20620#0030
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Verbum caro factum est et habitavit in nobis, glosę par
le scribe, qui a ajoute per fide?n et operationem, et il-
lustre par 1’Enfant Jesus emmaillote, pose dans une
mangeoire ressemblant a un autel dresse sur des ar-
catures. Ni Marie, ni Joseph: seuls le boeuf et l’ane
“assistent” Jesus et paraissent le contempler.

Quant au quatrieme medaillon (fig. 6), consacre
a la seconde partie du meme verset (Jn l,l4b: Et vi-
dimus gloriam eius gloriam ąuasi unigeniti a Patre
plenum gratie et veritatis + “eius”, ce dernier mot
etant un afout du scribe), il est illustre par une
Transfiguration avec Moise cornu a gauche et Elie de
l’autre cóte, et deux disciples prosternes aux pieds de
Jesus. Association etonnante de prime abord: a 1’in-
verse des synoptiques (Mt 17,1—9 et par.), l’evangile
de Jean ne mentionne pas la Transfiguration. Pour
autant, la reference a cet episode et par-dela a la
theologie de la lumiere, pour terminer 1’illustration
du Prologue dans sa longueur liturgique latine, Test
pas une trouvaille arbitraire de 1’artiste, mais renvoie
a toute une tradition exegetique. Le rapprochement
entre la gloire dont parle le Prologue et 1’apparition
glorieuse sur le Mont Thabor se trouve chez Bede
(673—735), dans une homelie qui tient plus du com-
mentaire que du genre homiletique. Analysant le
texte verset par verset, et parvenu au verset l4b,
Bede explique que s il n’avait pas ete possible de voir
la gloire du Christ avant 1’Incarnation, il n’en alla
plus de meme apres. En effet, on put alors deviner,
a travers les miracles accomplis de son vivant, sa
divinite cachee sous la chair humaine. Et cette pos-
sibilite a ete ouverte de faęon particuliere aux trois
disciples, dont saint Jean, qui ont ete choisis par le
Christ pour contempler sa darte lumineuse de
Transfigure et entendre la voix du Pere confirmant
sa filiation divine77. Ce texte de Bede eut une tres
grandę diffusion pendant le Moyen Age, et fon peut
donc supposer qu’il a ete familier aux moines et aux
clercs. Parmi d’autres auteurs qui evoquent la Trans-

tructive pour saisir les differences, malgre les similitudes indenia-
bles, de l’approche byzantine et occidentale.

Beda Venerabilis, Hom. Evang., Hom. 8, “In
nativitate Domini ad tertiam missam”: CCSL, CXXII, p. 58—
59: “Gloriam Christi quam antę incarnationem videre non
poterant homines post incarnationem yiderunt aspicientes
humanitatem miraculis refulgentem et intelligentes divinitatem
intus latitantem illi maxime qui et eius claritatem antę passionem
transfigurati in monte sancto contemplari meruerunt «voce
delapsa ad eum huiuscemodi a magnifica gloria: Hic est filius
meus dilectus in quo mihi conplacui»” (2 Pt 1, 17 et Mt 17, 5).

78 J e a n S c o t, Homelie sur le prologue de Jean..., p. 309.
On peut mentionner aussi Alcuin (ou Pseudo-), In loannem,
PL 100, col. 719, qui reprend yerbatim le texte de Bede.

figuration a propos du verset 14 du Prologue, citons
Jean Scot. Dans son Homelie sur le Prologue, l’au-
teur carolingien s’adresse directement a Jean: “Ou
as-tu vu, ó bienheureux theologien, la gloire du
Verbe incarne, la gloire du flis de Dieu fait homme?
Quand l’as-tu vu? De quels yeux l’as-tu contemple?
Des yeux du corps, je pense, au jour de la Trans-
figuration sur la montagne. Tu etais la, en effet,
l’un des trois temoins de la glorification divine”78.

Sur le plan de la composition, le medaillon de la
Transfiguration attribue une place preeminente au
Christ. Celui-ci est figurę en pied, sous la Main di-
vine qui visualise la voix du Pere, motif encore rare
dans ce sujet79. Moise et Elie qui, d’apres le temoi-
gnage des synoptiques et la tradition iconogra-
phique devraient se tenir aux cótes du Christ, sont
repousses presque au-dela du bord de 1’image80, si
bien que le Christ apparait isole sur le fond d’or de
sa gloire; ses bras ouverts evoquent sa mort en croix,
dont la Transfiguration est 1’une des annonces, mort
qui sera yaincue par la gloire du Ressuscite. Des
deux apótres prosternes aux pieds du Christ, celui
que fon distingue le mieux, parce qu’il se retourne
pour voir, presente un yisage juvenile: il est donc
permis de 1’identifier a Jean. 11 contemple avec
intensite, de ses yeux largement ouverts, le pheno-
mene mysterieux. Est ainsi mis en evidence le te-
moignage oculaire de l’Evangeliste, a la valeur du-
quel on l’a dit, le Moyen Age etait particulierement
sensible. C’est aussi grace a la Transfiguration
peinte pour conclure le Prologue liturgique qu’ap-
parait le mieux la parente profonde entre le Codex
d’Uta et les Evangiles de Bamberg qu’il y a lieu d’ana-
lyser maintenant.

B) Les Evangiles de Bamberg (Bamberg, Staatli-
che Bibliothek, Misc. Bibl. 94) sont un luxueux
exemplaire d’Evangiles d’origine colonaise, datant
du milieu ou de la deuxieme moitie du XIe s. et pro-

79 Fr. B cespflug, “La Trasfigurazione nell’arte medievale in
Occidente (IX-XVI secolo)”, dans J. Ries et Ch.-M. Ternes,
ed., Simbolismo ed esperienza della luce nelle grandi religioni
(actes du coli. intern, de Luxembourg, mars 1996), Milan, 1997,
p. 217—242 (234); les premieres occurrences du motif pour-
raient etre dans un piat de reliure en ivoire du milieu du IXe
siecle (A. Goldschmidt, Die Elfenbeinskuplturen aus der Zeit der
karolingischen und sdchischen Kaiser, t. 1, Berlin, 1914, n° 69,
pl. XXVIII; Y. Chris te, Les Grands portails romans. Etude sur
1’iconologie des Theophanies romanes, Geneve, 1969, pl. XIV, fig. 2)
et dans VEvangeliaire d’Otton III (Munich, BSB, ms Clm 4453,
f. 113; Schiller, op. cit., t. 1, fig. 416).

80 Cette image offre aussi l’une des plus anciennes represen-
tations de Moise cornu: R. M e 11 i n k o ff, “Morę about Horned

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