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Polska Akademia Umieje̜tności <Krakau> / Komisja Historii Sztuki [Hrsg.]; Polska Akademia Nauk <Warschau> / Oddział <Krakau> / Komisja Teorii i Historii Sztuki [Hrsg.]
Folia Historiae Artium — N.S. 8/​9.2002/​3

DOI Artikel:
Boespflug, François; Załuska, Yolanta: Le Prologue de l'Évangile selon saint Jean dans l'art médiéval (IX-XII siecle): L'image comme "commentaire"
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https://doi.org/10.11588/diglit.20620#0050
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sur des prepositions spatiales comme “aupres de” (“et
le Verbe etait aupres de Dieu”). Ces indications d’espa-
ce qui affleurent dans le texte, si discretes soient-elles,
ont un pouvoir de suggestion qui se revele souvent le
ressort du travail des peintres. C’est precisement en
quoi, d’ailleurs, la peinture rend ainsi a Cesar ce qui
est a Cesar, pardon: a Dieu, ce qui est a Dieu. Le lan-
gage de la Bibie regorge de metaphores qui sont
pour ainsi dire au principe de son incessante reprise
et de sa “reception” artistique de generation en
generation — on parlerait aujourd’hui de reappropria-
tion ou d’inculturation continuee —, guidant le pas-
sage de la sphere des discours a celle des formes plas-
tiques.

Mais ce qui frappe au premier abord, lorsqu’on
decouvre 1’iconographie engendree par le Prologue
de Jean, c’est la grandę diversite des images que cette
page du Nouveau Testament a suscitee. Encore
n’avons-nous presente, rappelons-le, qu’une selec-
tion d’images. Mais ce panorama, que nous savons
partiel mais avons voulu representatif, suffit a faire
comprendre que le Prologue, redisons-le pour finir,
n’a pas d’image consacree — la seule qu’il ait eue, ou
qui aurait pu faire acte de candidature en ce sens, la
Paternite, n’a jamais ete tres repandue et elle a dis-
paru, pour des raisons qu’il faudrait elucider, sans
jamais avoir encouru quelque reprobation ecclesia-
stique. Dans notre corpus, et comme incipit, la Pa-
ternite n’a joue flnalement aucun role.

Au total, bien que le sujet ait inspire bon nom-
bre d’images et continue d’en inspirer de loin en loin
jusqu’a nos jours, le Prologue de Jean est donc sans
commentaire visuel reęu, sans interpretation pictu-
rale “canonique”. Meme le sous-groupe des images
que nous avons montrees ne constitue pas Lequiva-
lent, c’est clair, d’un commentaire d’auteur ni d’ecole,
et encore moins cLEglise, avec ce que cela suppose
d’unite, de coherence et d’homogeneite.

Quelle explication donner de ce phenomene?
Nous ne nous rallions pas a l’explication par la
pretendue “difficulte” de la misę en image du texte
de Jean en raison de sa complexite ou de son ca-
ractere “abstrait”. La raison la plus profonde de cette
absence de traduction visuelle “canonique” du Pro-
logue pourrait tenir plutót a des circonstances histo-
riques que nous nous contenterons d’evoquer. En un
mot, nous songeons, en priorite, a une evolution ca-
pitale, voire a une profonde mutation de la contem-

164 Signalons toutefois que dans la Bibie moralisee de Tolede,
t. III, f. 76, le medaillon de moralisation du Deuxieme comman-
dement, en Dt 5, 11 («non usurpabis nomen Domini Dei tui

plation et de la mystique chretiennes, et notamment
au fait que la vague d’humanisation de Dieu et du
Christ, qui s’est declaree dans le domaine de la spi-
ritualite (c’est 1’aurore de la grandę vague de devo-
tion a Lhumanite du Christ, avant la devotio moder-
na proprement dite) aussi bien qu’en peinture,
a deferle sur 1’ensemble des themes que ramasse
le Prologue, jusqu’a les recouvrir en les privant de
leurs chances de deyelopper leurs potentialites. De
fait, le Prologue est en nette perte de vitesse, ou
plutót de yisibilite, a partir du XIII6 siecle, comme
on peut s’en rendre compte sur l’exemple de la
Bibie parisienne. Ce constat conduit a formuler une
hypothese generale: il se pourrait que le Verbe de la
preexistence ait ete eclipse progressivement, a cette
epoque, par le Verbe incarne (Dresde); ou, en d’autres
termes, le Christ-Dieu, Fils unique du Pere, par le
Christ-homme, flis de Marie. Ce ne fut certes pas une
eclipse totale. Mais un equilibre a ete rompu, au
profit de Lhumanite du Sauveur, et au detriment de
tout ce qui touche a sa preexistence et a son iden-
tite de Fils descendant du ciel. La multiplication des
images (peintes ou sculptees) de la Vierge a 1’Enfant,
et la montee en puissance du culte marial, qui fit de
Marie une figurę mediatrice presque concurrente du
Christ, en sont deux indices correlatifs. L’histoire de
la peinture medievale en fournit bien d’autres. En
voici deux. 11 n’y a pas de commune mesure entre la
frequence, a partir du XIIIe siecle, de 1’Arbre de
Jesse, qui raconte la generation humaine de Jesus en
Matthieu, et la rarete, a la meme epoque, de 1’ico-
nographie du Prologue. Et dans 1’immense reper-
toire d images medievales que constitue la Bibie
moralisee, le Prologue comme tel n’a pas de place164.

Au-dela de son interet documentaire, la portee
plus vaste d’une telle recherche parait donc double.
D’une part, elle pourrait contribuer a une histoire
plus complete, non tronquee, des effets du texte bi-
blique, en rappelant les droits et les pouvoirs du
ceryeau gauche, c’est-a-dire de la part iconique ima-
ginatiye qui demeure vivante et agissante en tout
texte: part silencieuse, mais qui pourrait etre pour
beaucoup dans le declenchement meme du com-
mentaire. D’autre part, cette recherche est Lun des
meilleurs observatoires qui soient, selon nous, de
Lun des grands tournants de la spiritualite occiden-
tale, on serait tente de dire: du tropisme chretien
latin, un tournant qui va ecarter 1’une de 1’autre,
pour des siecles, LOccident de LOrient.

frustra...») montre une Binite en regard de laquelle du texte
suivant: «non estimas creaturam esse filiumDei sed credas eum
equalem Patri, Deum apud Deum per quem omnia facta sunt»”.

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