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Polska Akademia Umieje̜tności <Krakau> / Komisja Historii Sztuki [Hrsg.]; Polska Akademia Nauk <Warschau> / Oddział <Krakau> / Komisja Teorii i Historii Sztuki [Hrsg.]
Folia Historiae Artium — N.S. 8/​9.2002/​3

DOI Artikel:
Boespflug, François; Załuska, Yolanta: Le Prologue de l'Évangile selon saint Jean dans l'art médiéval (IX-XII siecle): L'image comme "commentaire"
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https://doi.org/10.11588/diglit.20620#0049
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centrique; 3) la valorisation du temoignage de Jean
l’evangeliste et de Jean-Baptiste; 4) 1’unitę du Cor-
pus Johanniąue.

Que ce choix ait ete commande plutót par la li-
turgie (celle de Noel ou celle de Paques) ou par
l’exegese traditionnelle, ou par 1’attente des destina-
taires, c’est toujours autour d’un theme ou de quel-
ques-uns seulement — la gloire du Verbe, ou son in-
carnation, ou le temoignage du Baptiste — que les
artistes ont organise la page peinte, faute de pouvoir
honorer 1’ensemble des dimensions du Prologue.
C’est vrai meme de ceux dont les oeuvres paraissent
les plus completes: ainsi, il n’y a pas tracę du Bap-
tiste dans la miniaturę d’Hildesheim, qui illustre
pourtant la plupart des autres themes du Prologue.

2) Composition\ une fois retenu un theme, ou un
tout petit lot de themes, les artistes ont eu a les pla-
cer dans 1’espace qui leur etait imparti, en tenant
compte des contraintes de la page et en respectant,
notamment, les plages reservees par le scribe a far-
tiste. II est clair que cette organisation spatiale re-
couvre de nouveau un acte d’interpretation du texte
de reference. En effet, le passage du fil du discours
a 1’espace pictural mettait 1’artiste en demeure de
choisir un placement impliquant des coordonnees,
des póles, des axes, par consequent un tissu de re-
lations spatiales faisant apparaitre, ipso facto, des va-
leurs et une hierarchie. La grandę fresque du Prolo-
gue dut se projeter dans un espace plan162 dont 1’ar-
tiste devait necessairement determiner les points
cardinaux: le haut et le bas, les etages superposes, la
droite et la gauche, le centre n’y ont jamais tout a
fait la meme importance ni le meme sens. Dans le
dossier presente, le I de VIn principio erat domine,
et son axe vertical, a lui seul, impose aux figures
qu’on y a loge dans deux ou plusieurs registres su-
perposes une hierarchisation que seule pouvait com-
penser 1’echelle impartie a chacun: on a vu comment
certains manuscrits, tel le Troyes 445, sont parvenus
a magnifier la figurę de Jean 1’eyangeliste. Meme
dans le cas ou le Prologue a ete interprete comme
vision, et l’Evangeliste comme yisionnaire — la “pla-
ce” de ce dernier est en generał le registre inferieur,
tandis que le “contenu” du Prologue apparait en
haut, “au ciel”, la ou apparaissent traditionnellement
les yisions dans 1’espace de 1’image medievale.

162 Hormis les Paternites des reliefs de tympans espagnols evo-

ques plus haut, nous ne connaissons, soit dit en passant, aucune
illustration du Prologue dans fart de la sculpture.

3) Animation\ Creation, Incarnation, Illumination
sont des concepts theologiques majeurs dont le dy-
namisme attendait d’etre traduit ou au moins
suggere par des moyens specifiques. L’image ne s’est
pas contentee, ou pas toujours, de selectionner des
themes et de distribuer des positions aux acteurs;
quand elle est forte, quand 1’imagination de 1’ar-
tiste est a la hauteur du defi, elle instaure entre eux
un jeu de correspondances, de tensions et d’opposi-
tions qui fait precisement la vie d’une image. Par
exemple: sa yision happe Jean vers la hauteur; le Verbe
est irresistiblement attire vers la terre des hommes,
mais reste librę. Le Codex d’Uta se construit sur une
idee de manifestation-diffusion dans toutes les direc-
tions; la page des Evangiles de Bemward invite plutót
a une lecture de haut en bas et de bas en haut, etc.

Precisons ce premier point en ajoutant que le
“commentaire pictural” Test pas une addition sans
rapport au texte, et pour ainsi dire d’une autre natu-
rę, comme 1’espace fest par rapport au temps. Certes,
la peinture apporte “autre chose”, qui ne se reduit
pas a un equivalent de remplacement du texte sous
formę yisuelle: elle apporte du neuf a savoir un frag-
ment cfespace peint — il faut bien repartir de ce tru-
isme. Mais cet apport de la peinture Test pas extrin-
seque par rapport a son sujet. Car la pratique et la
texture meme du Livre ne sont pas completement
etrangeres a cette “misę en espace ”, tant s’en faut,
elles font appel, constamment, a une double iconicite.
D’une part, sa lecture suscite 1’imagination; bien
avant saint lgnące et sa doctrine de la “composition
de lieu”, les lecteurs medievaux de 1’Ecriture savaient
qu’elle est histoire, c’est-a-dire “action depeinte”,
donc ouverte, structurellement, a 1’operation consi-
stant a la peindre; et d’autre part, la rhetorique scrip-
turaire elle-meme recourt constamment au “princi-
pe d’iconicite”163, non pas seulement dans les livres ou
passages “hauts en couleurs ”, c’est-a-dire riches en
metaphores ou en actions “spectaculaires”, mais du
simple fait de son usage de la langue. Le cas du Pro-
logue est particulierement eclairant a cet egard, en
raison de sa reputation de texte abstrait a l’extreme:
car les peintres ont encore pu s’appuyer, pour rendre
ce texte, non seulement sur la metaphore du “sein”
avec tout ce qu’elle evoque de blotissement et de ni-
dification, mais encore, il faut se garder de 1’oublier,

163 P. Gib er t, “Nouveau regard sur les formes litteraires. Le
«principe d’iconie»”, dans Naissance de la methode critiąue,
Paris, 1995, p. 205-212; J. Rauch e n b e r g e r, Biblische
Bildlichkeit. Kunst-Raum theologischer Erkenntnis, Paderborn,

1999.

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