— v.i -
connaissance de l'Egypte et de la Nubie devait être le résultat (i). Presque tous, par une générosité déplacée,
firent naître les soupçons en même temps que la surprise des habitons. Etrangers aux vues élevées de la science,
ces derniers attribuèrent l'apparition des explorateurs à un intérêt caché, et leur exigence devint extrême.
Norden, le premier des voyageurs européens qui visitèrent ce vieux berceau de la civilisation, fut reçu avec
défiance; son arrivée causa de l'inquiétude. Belzoni se montra plutôt en maître qu'en antiquaire, lorsqu'il
prit possession, au nom du consul de la Grande-Bretagne, des découvertes qu'il fit, et il mécontenta ceux-là
même de qui il devait tenir les richesses scientifiques qu'il venait recueillir. Bourkardt, l'érudit, l'infatigable
Bourkardt, environna son voyage en INu^ie d'un mystère inutile, et d'une apparente pauvreté qui rendit son
but invraisemblable. Ces dispositions suffisaient pour accumuler les obstacles sur les pas de ce voyageur; ils
devinrent plus grands par le concours des hostilités qu'entretenait alors le pacha d'Egypte contre le parti
mameluck, dont les restes erraient dispersés dans la Haute-Nubie. On sait néanmoins que, doué d'une
persévérance extraordinaire, Bourkardt triompha quelque temps des difficultés que la nature et les hommes
réunissaient contre lui, comme de concert; mais il succomba à une dyssenterie épidémique, au moment où il
préparait une nouvelle excursion dans l'intérieur de l'Afrique.
La guerre entre les Mamelucks et le pacha d'Egypte fut mise à profit par d'autres voyageurs français et anglais:
ils s'attachèrent à l'armée expéditionnaire et explorèrent, sous sa protection, le pays qu'elle parcourait. C'est à
l'aide de ce secours que M. Caillaud a reconnu les monumens et décrit les moeurs de cette partie de l'Afrique
jusqu'au dixième degré, en suivant le cours du Nil.
Après avoir, par une combinaison différente de moyens, poussé mon investigation jusqu'aux confins de la
seconde cataracte, je viens offrir au public le fruit de mes recherches sur les restes de l'architecture antique de la
JSubie. J'ai lieu d'espérer que ce travail, entrepris par l'amour sincère de l'exactitude et de la vérité, sera reçu, si
ce n'est avec la même distinction que le grand ouvrage de la commission d'Egypte dont il forme la suite naturelle,
du moins avec cette bienveillance qui, chez les nations éclairées, accueille tous les travaux utiles. Comme
l'histoire des arts est aussi l'histoire de la civilisation, je laisse aux savans le soin d'interroger les monumens que
mes crayons ont. reproduits, et de chercher dans leur caractère quelques traces de celui des peuples qui reposent
dans la poudre de tant de siècles. A Fappui des planches dont l'exécution fut, jusqu'à leur achèvement, l'objet
de ma constante et minutieuse sollicitude, je me borne à publier la relation succincte de mon voyage, afin de
donner, surtout, une idée de l'effet qu'ont produit sur moi les ruines majestueuses que j'ai visitées et dessinées.
Quant au pays, considéré sous son aspect moderne, il m'a semblé qu'il restait peu de choses à dire après le récit
de Bourkardt et d'autres voyageurs qui m'ont précédé : j'ai limité ma tâche à cet égard à confirmer certaines
circonstances encore environnées d'incertitudes.
Quant aux monumens proprement dits, l'opinion assez générale est que cette architecture a servi de modèle
à d'autres nations, et que, notamment, les Grecs ont emprunté à l'Egypte des formes et des dispositions
architecturales. Dans le temps où cette question fut traitée, il n'existait sur ce pays que des renseignemens
incomplets, dus aux recherches de voyageurs savans, mais nullement artistes. Les dessins qu'ils rapportèrent
étaient inexacts, et nous ne savons que trop qu'une description ne suffit pas lorsqu'il s'agit d'objets d'arts.
Maintenant, que tant d'ouvrages et tant de dessins ont été publiés sur l'Egypte, maintenant que nous connaissons
en détail presque tous les vestiges qui les couvrent, il est plus facile d'en saisir et 1 esprit et le caractère. Je
n'ai cependant pas la prétention de définir invariablement ni l'un ni 1 autre; je me contenterai* de donner ici
quelques notions qui pourront servir aux savans qui reviendront sur ce sujet. Mon opinion paraîtra peut-être
(i) On peut se convaincre de la vérité de ce que j'avance en lisant les récits de plusieurs voyageurs, entre autres celui d'un Poyage au Temple de
Jupiter Ammon , publié à Berlin. L'auteur échoua dans toutes ses tentatives : ayant pénétré dans le désert lybique pour explorer la Cyrénaïque, il
retourna sur ses pas avant d'avoir atteint la moitié du chemin. Il partit ensuite pour la Nubie, et s'arrêta aux confins de l'Egypte. Enfin, ce voyageur
peu chanceux essaya de visiter la Palestine, et ne parvint que jusqu'à Damiette. Quelque réalité qu'aient eue les causes de ces divers contre-temps, l'on
reconnaît, au récit même du voyageur prussien, que l'appareil qu'il déploya, la suite dont il était accompagné , contribuèrent puissamment à augmenter
ses embarras, et à lui faire manquer le but qu'il se proposait. Trois jeunes savans succombèrent à la fatigue dans cette malheureuse expédition : l'un
d'eux ( Louis Liman, architecte ) était un de mes amis et le compagnon de mes études. Cet artiste, estimé de tous ceux qui le connaissaient, tint à
honneur de poursuivre la hasardeuse incursion, avec plusieurs de ses courageux confrères, lorsque leur chef y renonça : il périt victime de son zèle. Un
voyageur français, M. Pacho, a depuis parcouru tout seul la Marmarique et la Cyrénaïque, célèbres à tant de titres. Il exécuta cette entreprise avec zèle
et talent, et les résultats de ses efforts viennent d'être publiés par lui dans un ouvrage plein d'intérêt et desavoir.
connaissance de l'Egypte et de la Nubie devait être le résultat (i). Presque tous, par une générosité déplacée,
firent naître les soupçons en même temps que la surprise des habitons. Etrangers aux vues élevées de la science,
ces derniers attribuèrent l'apparition des explorateurs à un intérêt caché, et leur exigence devint extrême.
Norden, le premier des voyageurs européens qui visitèrent ce vieux berceau de la civilisation, fut reçu avec
défiance; son arrivée causa de l'inquiétude. Belzoni se montra plutôt en maître qu'en antiquaire, lorsqu'il
prit possession, au nom du consul de la Grande-Bretagne, des découvertes qu'il fit, et il mécontenta ceux-là
même de qui il devait tenir les richesses scientifiques qu'il venait recueillir. Bourkardt, l'érudit, l'infatigable
Bourkardt, environna son voyage en INu^ie d'un mystère inutile, et d'une apparente pauvreté qui rendit son
but invraisemblable. Ces dispositions suffisaient pour accumuler les obstacles sur les pas de ce voyageur; ils
devinrent plus grands par le concours des hostilités qu'entretenait alors le pacha d'Egypte contre le parti
mameluck, dont les restes erraient dispersés dans la Haute-Nubie. On sait néanmoins que, doué d'une
persévérance extraordinaire, Bourkardt triompha quelque temps des difficultés que la nature et les hommes
réunissaient contre lui, comme de concert; mais il succomba à une dyssenterie épidémique, au moment où il
préparait une nouvelle excursion dans l'intérieur de l'Afrique.
La guerre entre les Mamelucks et le pacha d'Egypte fut mise à profit par d'autres voyageurs français et anglais:
ils s'attachèrent à l'armée expéditionnaire et explorèrent, sous sa protection, le pays qu'elle parcourait. C'est à
l'aide de ce secours que M. Caillaud a reconnu les monumens et décrit les moeurs de cette partie de l'Afrique
jusqu'au dixième degré, en suivant le cours du Nil.
Après avoir, par une combinaison différente de moyens, poussé mon investigation jusqu'aux confins de la
seconde cataracte, je viens offrir au public le fruit de mes recherches sur les restes de l'architecture antique de la
JSubie. J'ai lieu d'espérer que ce travail, entrepris par l'amour sincère de l'exactitude et de la vérité, sera reçu, si
ce n'est avec la même distinction que le grand ouvrage de la commission d'Egypte dont il forme la suite naturelle,
du moins avec cette bienveillance qui, chez les nations éclairées, accueille tous les travaux utiles. Comme
l'histoire des arts est aussi l'histoire de la civilisation, je laisse aux savans le soin d'interroger les monumens que
mes crayons ont. reproduits, et de chercher dans leur caractère quelques traces de celui des peuples qui reposent
dans la poudre de tant de siècles. A Fappui des planches dont l'exécution fut, jusqu'à leur achèvement, l'objet
de ma constante et minutieuse sollicitude, je me borne à publier la relation succincte de mon voyage, afin de
donner, surtout, une idée de l'effet qu'ont produit sur moi les ruines majestueuses que j'ai visitées et dessinées.
Quant au pays, considéré sous son aspect moderne, il m'a semblé qu'il restait peu de choses à dire après le récit
de Bourkardt et d'autres voyageurs qui m'ont précédé : j'ai limité ma tâche à cet égard à confirmer certaines
circonstances encore environnées d'incertitudes.
Quant aux monumens proprement dits, l'opinion assez générale est que cette architecture a servi de modèle
à d'autres nations, et que, notamment, les Grecs ont emprunté à l'Egypte des formes et des dispositions
architecturales. Dans le temps où cette question fut traitée, il n'existait sur ce pays que des renseignemens
incomplets, dus aux recherches de voyageurs savans, mais nullement artistes. Les dessins qu'ils rapportèrent
étaient inexacts, et nous ne savons que trop qu'une description ne suffit pas lorsqu'il s'agit d'objets d'arts.
Maintenant, que tant d'ouvrages et tant de dessins ont été publiés sur l'Egypte, maintenant que nous connaissons
en détail presque tous les vestiges qui les couvrent, il est plus facile d'en saisir et 1 esprit et le caractère. Je
n'ai cependant pas la prétention de définir invariablement ni l'un ni 1 autre; je me contenterai* de donner ici
quelques notions qui pourront servir aux savans qui reviendront sur ce sujet. Mon opinion paraîtra peut-être
(i) On peut se convaincre de la vérité de ce que j'avance en lisant les récits de plusieurs voyageurs, entre autres celui d'un Poyage au Temple de
Jupiter Ammon , publié à Berlin. L'auteur échoua dans toutes ses tentatives : ayant pénétré dans le désert lybique pour explorer la Cyrénaïque, il
retourna sur ses pas avant d'avoir atteint la moitié du chemin. Il partit ensuite pour la Nubie, et s'arrêta aux confins de l'Egypte. Enfin, ce voyageur
peu chanceux essaya de visiter la Palestine, et ne parvint que jusqu'à Damiette. Quelque réalité qu'aient eue les causes de ces divers contre-temps, l'on
reconnaît, au récit même du voyageur prussien, que l'appareil qu'il déploya, la suite dont il était accompagné , contribuèrent puissamment à augmenter
ses embarras, et à lui faire manquer le but qu'il se proposait. Trois jeunes savans succombèrent à la fatigue dans cette malheureuse expédition : l'un
d'eux ( Louis Liman, architecte ) était un de mes amis et le compagnon de mes études. Cet artiste, estimé de tous ceux qui le connaissaient, tint à
honneur de poursuivre la hasardeuse incursion, avec plusieurs de ses courageux confrères, lorsque leur chef y renonça : il périt victime de son zèle. Un
voyageur français, M. Pacho, a depuis parcouru tout seul la Marmarique et la Cyrénaïque, célèbres à tant de titres. Il exécuta cette entreprise avec zèle
et talent, et les résultats de ses efforts viennent d'être publiés par lui dans un ouvrage plein d'intérêt et desavoir.