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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
ville d’Utrecht était destinée à conserver une physionomie très par-
ticulière dans le développement de l’École hollandaise. L’ancienne
ville épiscopale devenait, en effet, le centre du mouvement qui
entraînait alors les artistes vers l’Italie. C’est de l’atelier d’Abraham
Bloemaert que sortirent des élèves tels que Honthorst, les frères
Both, Cornelis Poelenburgh et J. B. Weenix, avec lesquels le courant
d’italianisme allait se continuer. Bloemaert lui-mème était un cher-
cheur, et quand on parcourt son œuvre gravé, on est frappé de la
diversité de ses aptitudes. Le clair-obscur, l’amour du pittoresque,
la variété des sujets qu’il traite et qu’il emprunte tour à tour aux
scènes de la Bible et de la fable, ou à la vie familière, le goût du
paysage et l’étude de la nature s’allient chez lui à des recherches de
style et de composition. Ces différentes visées, que Jacob Gerritsz
Cuyp rencontrait chez Bloemaert, étaient bien faites pour stimuler
sa vocation. On ignore combien de temps le jeune élève demeura à
Utrecht, mais bien qu’on ne trouve aucune trace de cette excursion
dans ses œuvres, on a pensé qu’à l’exemple de presque tous ses com-
pagnons d’atelier, il avait visité l’Italie. En tout cas, il ne devait pas
y séjourner longtemps, car, dès l’âge de 23 ans, il était de retour
dans sa ville natale, et le 18 juillet 1617 nous y lisons son nom sur
les listes de la Gilde de Saint-Luc. Il jouissait déjà, à ce qu’il semble,
d’une assez grande réputation, et, malgré sa jeunesse, il avait été
chargé dès ce moment de peindre pour le Doelen des Coulevriniers
de Saint-Georges un grand tableau des membres de cette association,
tableau qui malheureusement a disparu. C’est probablement pendant
son apprentissage à Utrecht qu’il avait connu une jeune fille origi-
naire de cette ville, Aertgen Cornelis van Cooten, qu’il épousait
l’année suivante, le 13 novembre 1618, et aussitôt après son mariage
il allait habiter, sur le quai, près de la Porte-Bleue, une maison où
son fils Albert venait au monde. En 1625, il quittait ce logement
pour demeurer près du Pont-Neuf. Cette même année, au mois de
novembre, il se rendait à Amsterdam pour y recueillir sa part dans
la succession d’Arend van der Putten, fondeur de canons, et le règle-
ment de cet héritage nécessitait jusque vers la fin de ce mois sa
présence dans cette ville.
Les premiers tableaux de Jacob Gerritsz représentent des sujets
inspirés par la Bible, et M. Bredius cite de lui un Repentir de saint
Pierre, daté de 1628, dans une collection particulière à Kampen,
composition assez vulgaire, dans laquelle l’expression grimaçante
du pénitent prête plus au rire qu’à la pitié. Comme beaucoup de ses
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ville d’Utrecht était destinée à conserver une physionomie très par-
ticulière dans le développement de l’École hollandaise. L’ancienne
ville épiscopale devenait, en effet, le centre du mouvement qui
entraînait alors les artistes vers l’Italie. C’est de l’atelier d’Abraham
Bloemaert que sortirent des élèves tels que Honthorst, les frères
Both, Cornelis Poelenburgh et J. B. Weenix, avec lesquels le courant
d’italianisme allait se continuer. Bloemaert lui-mème était un cher-
cheur, et quand on parcourt son œuvre gravé, on est frappé de la
diversité de ses aptitudes. Le clair-obscur, l’amour du pittoresque,
la variété des sujets qu’il traite et qu’il emprunte tour à tour aux
scènes de la Bible et de la fable, ou à la vie familière, le goût du
paysage et l’étude de la nature s’allient chez lui à des recherches de
style et de composition. Ces différentes visées, que Jacob Gerritsz
Cuyp rencontrait chez Bloemaert, étaient bien faites pour stimuler
sa vocation. On ignore combien de temps le jeune élève demeura à
Utrecht, mais bien qu’on ne trouve aucune trace de cette excursion
dans ses œuvres, on a pensé qu’à l’exemple de presque tous ses com-
pagnons d’atelier, il avait visité l’Italie. En tout cas, il ne devait pas
y séjourner longtemps, car, dès l’âge de 23 ans, il était de retour
dans sa ville natale, et le 18 juillet 1617 nous y lisons son nom sur
les listes de la Gilde de Saint-Luc. Il jouissait déjà, à ce qu’il semble,
d’une assez grande réputation, et, malgré sa jeunesse, il avait été
chargé dès ce moment de peindre pour le Doelen des Coulevriniers
de Saint-Georges un grand tableau des membres de cette association,
tableau qui malheureusement a disparu. C’est probablement pendant
son apprentissage à Utrecht qu’il avait connu une jeune fille origi-
naire de cette ville, Aertgen Cornelis van Cooten, qu’il épousait
l’année suivante, le 13 novembre 1618, et aussitôt après son mariage
il allait habiter, sur le quai, près de la Porte-Bleue, une maison où
son fils Albert venait au monde. En 1625, il quittait ce logement
pour demeurer près du Pont-Neuf. Cette même année, au mois de
novembre, il se rendait à Amsterdam pour y recueillir sa part dans
la succession d’Arend van der Putten, fondeur de canons, et le règle-
ment de cet héritage nécessitait jusque vers la fin de ce mois sa
présence dans cette ville.
Les premiers tableaux de Jacob Gerritsz représentent des sujets
inspirés par la Bible, et M. Bredius cite de lui un Repentir de saint
Pierre, daté de 1628, dans une collection particulière à Kampen,
composition assez vulgaire, dans laquelle l’expression grimaçante
du pénitent prête plus au rire qu’à la pitié. Comme beaucoup de ses