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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 7.1892

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Nr. 1
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Reymond, Marcel: La Sainte Cécilie de Stephane Maderne
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https://doi.org/10.11588/diglit.24660#0047

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LA SAINTE CÉCILE DE STÉPHANE MADEHNE.

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véritable coup de fortune, allait faire naître ce chef-d’œuvre entre
les mains d’un jeune artiste inconnu.

Un jour, un sculpteur, en quête d’émotions, cherchant sur quelle
infortune il ferait verser nos larmes, errait à travers cette ville de
Rome si riche de tous les souvenirs du passé. Il entre dans une petite
église du Trastevère et que voit-il? Dans une tombe qu’on vient
d’ouvrir, sur la dalle de pierre, comme la plus merveilleuse appa-
rition du ciel, couchée dans sa robe virginale, une enfant, une fleur
coupée, semble dormir. Elle est là depuis plus de mille ans et n’était
cette horrible balafre de sang qui, comme un cercle de mort, enserre
ce beau cou d’ivoire, on dirait qu’elle va secouer ce long sommeil et
renaître à la vie. Elle est là, telle qu’elle était le jour où ses yeux se
sont fermés à la lumière; le long sommeil des martyrs semble avoir
voulu respecter tant de jeunesse et tant de beauté.

Et aux yeux de ce curieux du xvne siècle, de cet artiste raffiné,
peut-être corrompu, comme sous la baguette d’une fée, l’âme chré-
tienne se révèle dans toute sa virginale pureté. Maderne emplit ses
yeux de cette vision céleste, il copie cet incomparable modèle que le
ciel lui renvoie et il crée cette merveille qui est la Sainte Cécile. Cet
homme dont nous ignorons la vie, dont les autres œuvres nous sont
presque inconnues, crée, dans un jour de bonheur, une des œuvres
les plus séduisantes de l’art, une des plus populaires, une de celles
qui vivront le plus longtemps. Pour la postérité, le vrai sculpteur de
la Martyre ce sera Stéphane Maderne.

Pour ceux qui recherchent quels sont les principes supérieurs
d’esthétique qui doivent guider l’artiste, pour ceux qui interrogent
le passé en lui demandant quelles ont été les causes de sa grandeur
et de sa décadence, la Sainte Cécile de Maderne est une des plus
instructives leçons. La statue la plus idéale du xvn° siècle est celle
qui est le plus empreinte de naturalisme. C’est une copie même de la
nature qui est parvenue à donner la note de spiritualisme la plus
élevée.

Mais dire que le but de l’art est de s’inspirer de la nature et non
de créer des formes surnaturelles, ne serait-ce pas diminuer singu-
lièrement le rôle de l’artiste? Non certes, car il est plus facile d’in-
venter que d’observer. Le dernier mot de l’art comme de la philosophie
c’est la connaissance de l’homme et des êtres créés. Pour avoir eu un
modèle sous ses yeux, le Maderne n’a pas une gloire moins grande. Il
ne pouvait être donné à tout le monde de comprendre cette forme vir-
ginale que le caveau des catacombes rendait à la lumière, et peut-être
 
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