Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 7.1892

DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:
Fourcaud, Louis de: L' art gothique, 3
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.24660#0083

DWork-Logo
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
74

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Narbonne, décrit au début de la chanson d’Aimeri : « Vingt tours
sont là, en pierre de liais toute claire, avec d’admirables créneaux
et, jusqu’à la hauteur de ces créneaux, un grand arc est jeté. Au
faite du palais principal on a placé une escarboucle qui étincelle et
flambe comme le soleil du matin et qu’on peut voir, dans la nuit, au
moins de quatre lieues... Et l’on emploirait tout un jour d’été à redire
ces magnificences... » En ce moment, tout est beau, tout est bon;
mais laissons fuir le temps. Nous arriverons à nous obséder de l’idée
d'une architecture tellement débarrassée des entraves de la pesan-
teur, à ce point animée et volante que rien n’y sera plus que parade.
L’exubérance décorative aura supplanté le sens du logique et la
sincère expression des choses, du même coup que la difficulté vaincue,
réduite en formules scientifiques, se sera mise au rang de l’inspira-
tion. Et, dans ce mouvement qui emportera le gothique aux compli-
cations et aux bizarreries de la décadence, une grande part de
responsabilité incombera à l’école champenoise.

En attendant, le plus parfait chef-d’œuvre de l’art ogival sort de
terre à Amiens. Comme à Chartres et comme à Reims, la vieille
église épiscopale s’est écroulée dans un tourbillon de flammes.
L’évêque Evrard du Fouilloy a fait appel, pour la relever, à Robert
de Luzarches, l’un des plus grands architectes qui furent jamais. En
1220, les études préparatoires sont terminées; on assied les fonde-
ments, puis on attaque la nef. Subitement, le maître meurt. Ses
élèves, Thomas et Renaud de Cormont, assument la terrible tâche de
continuer son œuvre et ils la continuent, en effet, l’un après l’autre,
selon la pureté de ses principes. Vers 1240, le sanctuaire s’exécute,
la façade s’élève à mi-hauteur. Plus de vingt ans s’écouleront encore
avant que les chantiers se vident. Malheureusement, dans l’inter-
valle, les ardeurs sont tombées : on laisse en suspens le frontispice,
dont le xve siècle prendra à sa charge le médiocre achèvement. Mais
qu’importe! L’église est debout et d’une beauté inaltérable. On peut
retrouver dans son abside quelque influence de Chartres, dans sa nef
quelque influence du Mans, dans ses détails (par exemple, le canton-
nement de ses piliers), quelque influence de Reims : elle est, pour la
physionomie, d’un caractère unique. Les formes, de la base au faite,
s’y fondent dans l’harmonie de l’élancement, dans l’unité d’un essor
naturel qui enlève à la fois, et d’une force égale, toutes les parties de
la construction. Ici ce n’est pas vers la profondeur que les yeux
s’égarent : c’est vers la hauteur que montent les regards comme les
pensées. Des collatéraux gigantesques, nous gagnons la nef, large de
 
Annotationen