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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
statuaire grecque, à cette période si brève, mais unique entre toutes,
dans l’histoire de l’art, que jalonnent les noms lumineux de Phidias,
de Polyclète, de Praxitèle, de Scopas et de Lysippe.
C’est à cette époque, que si peu de monuments intacts et complets
représentent encore dans nos musées, qu’appartiennent les sarco-
phages de Sidon. Or, par une bonne fortune vraiment unique, et
qu’explique à peine un concours de circonstances historiques encore
obscures, ces sarcophages, quoique trouvés au même endroit, dans la
même fosse, s’échelonnent néanmoins à travers cette période de cent
cinquante ans, de manière à en marquer les diverses étapes; ils font
défiler successivement devant nos yeux l’art du Parthénon, l’art du
Céramique d’Athènes, et l’art du Mausolée d’Halicarnasse, et tout
cela non dans des exemplaires frustes et lacérés où la sagacité des
archéologues s’évertue, trop souvent en vain, à reconstituer les
groupes dissociés, les membr.es épars et les couleurs évanouies, mais
dans des compositions presque entières où, sauf quelques rares
mutilations, dues à d’antiques violateurs ou à l’injure de l’humidité,
tous les corps ont gardé leurs tètes et leurs extrémités, tous les
marbres leur poli et leur finesse, parfois même la polychromie des
reliefs toute sa fraîcheur.
Etrange coïncidence ! Au moment même où l’Egypte nous restitue
coup sur coup plusieurs chefs-d’œuvre de la littérature grecque,
1 ’Antiope d’Euripide, la République athénienne d’Aristote, les discours
d’ITypéride et les Mimes d'Hérondas, — voici que la Phénicie voisine
nous rend à son tour d’admirables échantillons de la sculpture hellé-
nique à son apogée. Elle nous rend non pas seulement des frises,
mais des fresques, non pas seulement un peu de Phidias et de Scopas,
mais encore un reflet contemporain et à peine affaibli de l’art du
divin Apelles !
THÉODORE REINACH.
(La suite prochainement.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
statuaire grecque, à cette période si brève, mais unique entre toutes,
dans l’histoire de l’art, que jalonnent les noms lumineux de Phidias,
de Polyclète, de Praxitèle, de Scopas et de Lysippe.
C’est à cette époque, que si peu de monuments intacts et complets
représentent encore dans nos musées, qu’appartiennent les sarco-
phages de Sidon. Or, par une bonne fortune vraiment unique, et
qu’explique à peine un concours de circonstances historiques encore
obscures, ces sarcophages, quoique trouvés au même endroit, dans la
même fosse, s’échelonnent néanmoins à travers cette période de cent
cinquante ans, de manière à en marquer les diverses étapes; ils font
défiler successivement devant nos yeux l’art du Parthénon, l’art du
Céramique d’Athènes, et l’art du Mausolée d’Halicarnasse, et tout
cela non dans des exemplaires frustes et lacérés où la sagacité des
archéologues s’évertue, trop souvent en vain, à reconstituer les
groupes dissociés, les membr.es épars et les couleurs évanouies, mais
dans des compositions presque entières où, sauf quelques rares
mutilations, dues à d’antiques violateurs ou à l’injure de l’humidité,
tous les corps ont gardé leurs tètes et leurs extrémités, tous les
marbres leur poli et leur finesse, parfois même la polychromie des
reliefs toute sa fraîcheur.
Etrange coïncidence ! Au moment même où l’Egypte nous restitue
coup sur coup plusieurs chefs-d’œuvre de la littérature grecque,
1 ’Antiope d’Euripide, la République athénienne d’Aristote, les discours
d’ITypéride et les Mimes d'Hérondas, — voici que la Phénicie voisine
nous rend à son tour d’admirables échantillons de la sculpture hellé-
nique à son apogée. Elle nous rend non pas seulement des frises,
mais des fresques, non pas seulement un peu de Phidias et de Scopas,
mais encore un reflet contemporain et à peine affaibli de l’art du
divin Apelles !
THÉODORE REINACH.
(La suite prochainement.)