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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
de Clésinger, des frères Rochet, de Frémiet, de P. Dubois. Dans les
siècles passés, un seul groupe semblait épuiser les études de Bou-
chardon et de Falconnet; aujourd’hui, aucun de nos sculpteurs n’a
tenu sa passion pour satisfaite par la mise en un seul mouvement de
ce superbe modèle, dont la connaissance est lente et difficile; et
quand on s’est voué à lui, comme Nieuwerkerke en ses deux œuvres
capitales, l’on dirait que des productions de moindre envergure sont
une sorte de dégénérescence. — Pour n’avoir plus à revenir sur
l’œuvre personnelle d’artiste du comte de Nieuwerkerke, rappelons
sa statue de Descartes pour la ville de Tours, son Catinat pour l’église
de Saint-Gratien, sa statuette en marbre de la Rosée; et cette seconde
série de bustes dont le plus difficile à entreprendre et à réaliser fut
certainement celui de la comtesse de Téba, bientôt impératrice des
Français, et dont le plus délicat, — ce jour-là il fut égal aux plus
habiles de son temps, — fut celui de Mlle Reiset. — On a vu à d’autres
Salons les bustes de la princesse Murat, de la marquise de Cadore, de
Mme Conneau, et au-dessus de ses bustes du maréchal Bosquet et du
marquis de La Valette, il faut louer celui de son conservateur des
Antiques, Adrien de Longpérier.
Quand éclata la révolution de 48, Nieuwerkerke n’était donc pas
un sculpteur par accident, comme ce comte d’Orsay, son rival en
élégance, l’auteur d’un buste alors vanté de Lamartine, et dont il
put redouter un moment la jalouse concurrence dans la faveur du
prince-président. On connaissait Nieuwerkerke dans tous les ateliers
pour son talent très réel dont ils ne prenaient point ombrage, pour la
beauté de race de sa personne, pour ses grandes manières d’homme
du monde qui les flattaient, pour sa familiarité courtoise, et le len-
demain du 24 février, alors que s’agitèrent les artistes pour les
réformes à introduire dans le régime de leurs Salons annuels,
comme il s’était jeté plein d’ardeur et d’entrain dans leurs comités,
ils lui firent grand accueil, et du coup il entra pour n’en plus sortir
dans tous leurs conseils de réorganisation. 11 y prit position, quasi
sans y songer, entre Charles Blanc nommé dès l’abord directeur des
Beaux-Arts par le crédit de son frère, et Jeanron, délégué aux musées
nationaux par le crédit de Cavaignac et de Ledru-Rollin. Ce fut,
pour bien dire, Ch. Blanc qui, par sourde hostilité contre Jeanron,
prépara le terrain à M. de Nieuwerkerke; mais Favènement irrésis-
tible au pouvoir du prince Louis, qu’il avait connu en Angleterre,
allait singulièrement hâter pour lui l’heure décisive.
Dès le mois de décembre de 1848, le prince-président le désignait
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
de Clésinger, des frères Rochet, de Frémiet, de P. Dubois. Dans les
siècles passés, un seul groupe semblait épuiser les études de Bou-
chardon et de Falconnet; aujourd’hui, aucun de nos sculpteurs n’a
tenu sa passion pour satisfaite par la mise en un seul mouvement de
ce superbe modèle, dont la connaissance est lente et difficile; et
quand on s’est voué à lui, comme Nieuwerkerke en ses deux œuvres
capitales, l’on dirait que des productions de moindre envergure sont
une sorte de dégénérescence. — Pour n’avoir plus à revenir sur
l’œuvre personnelle d’artiste du comte de Nieuwerkerke, rappelons
sa statue de Descartes pour la ville de Tours, son Catinat pour l’église
de Saint-Gratien, sa statuette en marbre de la Rosée; et cette seconde
série de bustes dont le plus difficile à entreprendre et à réaliser fut
certainement celui de la comtesse de Téba, bientôt impératrice des
Français, et dont le plus délicat, — ce jour-là il fut égal aux plus
habiles de son temps, — fut celui de Mlle Reiset. — On a vu à d’autres
Salons les bustes de la princesse Murat, de la marquise de Cadore, de
Mme Conneau, et au-dessus de ses bustes du maréchal Bosquet et du
marquis de La Valette, il faut louer celui de son conservateur des
Antiques, Adrien de Longpérier.
Quand éclata la révolution de 48, Nieuwerkerke n’était donc pas
un sculpteur par accident, comme ce comte d’Orsay, son rival en
élégance, l’auteur d’un buste alors vanté de Lamartine, et dont il
put redouter un moment la jalouse concurrence dans la faveur du
prince-président. On connaissait Nieuwerkerke dans tous les ateliers
pour son talent très réel dont ils ne prenaient point ombrage, pour la
beauté de race de sa personne, pour ses grandes manières d’homme
du monde qui les flattaient, pour sa familiarité courtoise, et le len-
demain du 24 février, alors que s’agitèrent les artistes pour les
réformes à introduire dans le régime de leurs Salons annuels,
comme il s’était jeté plein d’ardeur et d’entrain dans leurs comités,
ils lui firent grand accueil, et du coup il entra pour n’en plus sortir
dans tous leurs conseils de réorganisation. 11 y prit position, quasi
sans y songer, entre Charles Blanc nommé dès l’abord directeur des
Beaux-Arts par le crédit de son frère, et Jeanron, délégué aux musées
nationaux par le crédit de Cavaignac et de Ledru-Rollin. Ce fut,
pour bien dire, Ch. Blanc qui, par sourde hostilité contre Jeanron,
prépara le terrain à M. de Nieuwerkerke; mais Favènement irrésis-
tible au pouvoir du prince Louis, qu’il avait connu en Angleterre,
allait singulièrement hâter pour lui l’heure décisive.
Dès le mois de décembre de 1848, le prince-président le désignait