L’AllT GOTHIQUE.
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le mauvais levain des études mondaines. » Je n’ai pas à dire l’énorme
importance politique et religieuse promptement acquise à l’Univer-
sité : je constate qu’elle est un corps civil et qu’elle forme, pour nos
provinces et pour l’étranger, des évêques, des savants, des maîtres
appelés à répandre au loin la netteté de nos méthodes. Quand
Louis IX, à son tour, encourage les travaux des légistes, il fait
florir tout ensemble le Droit et l’équité, qui rassurent les hommes.
Philippe le Bel n’aura plus, pour couronner l’œuvre, qu’à créer son
Parlement. Ces deux pivots du mouvement social, l’instruction
publique et la jurisprudence, aident grandement à l’émancipation
civile, dans toute la mesure permise en ces temps confus encore.
Tout se débrouille lentement, mais avec continuité. Ajoutons que
les contrées françaises, de plus en plus unies par le lien national,
entrent en relations plus étroites. Les routes moins périlleuses et
les villes plus libres font le commerce aisé et productif. Les bourgeois
s’enrichissent ; les mœurs perdent de leur âpreté. On n’avait senti,
jusque-là, que la nécessité d’avoir de belles églises, où prier Celui
devant qui les hommes sont égaux. Maintenant, on croit devoir élever
aussi de beaux édifices profanes : des hôtels de ville et des beffrois,
comme à Saint-Antonin du Tarn-et-Garonne, vers 1230, et à Martel,
du Lot avant le règne de Charles Y; des maisons de corporation,
comme la célèbre maison des musiciens de Reims au temps de
Louis IX... Les hôpitaux n’étaient que des façons de couvents; à
partir du xme siècle, on met une délicatesse à les faire avenants, bien
ornés, presque joyeux : les vestiges des hôtels-Dieu de Brie-Comte-
Robert et de Senlis, la grande salle des malades de l’hôpital de
Tonnerre et l’hospice élevé, à Beaune, en 1443, par Nicolas Roslin
en sont la preuve. De simples bâtiments d’utilité prennent un air
monumental, à l’exemple de la Grange-aux-Dimes de Provins, bâtie
au xiii0 siècle. Et je me borne, ici, à peu d’exemples. Les gros
marchands se font construire des maisons en bois, à étages encor-
bellés, à pignon pointu, sur soubassement de maçonnerie, avec la
boutique ouvrant sur la rue. Aux rentiers, d'élégantes maisons de
pierre décorées de sculptures, de moulures et de corniches dentelées.
Amiens, Laon, Montferrand, Cordes, Albi en gardent de précieux
exemples. Un art se dessine en ces constructions, qui n’a rien de
sombre ou de renfrogné.
Les châteaux, à la même époque, sont encore des forteresses,
mais d’une structure savante et d’une silhouette pittoresque visi-
blement étudiée. Je n’ai touché que par de rares allusions à l’archi-
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le mauvais levain des études mondaines. » Je n’ai pas à dire l’énorme
importance politique et religieuse promptement acquise à l’Univer-
sité : je constate qu’elle est un corps civil et qu’elle forme, pour nos
provinces et pour l’étranger, des évêques, des savants, des maîtres
appelés à répandre au loin la netteté de nos méthodes. Quand
Louis IX, à son tour, encourage les travaux des légistes, il fait
florir tout ensemble le Droit et l’équité, qui rassurent les hommes.
Philippe le Bel n’aura plus, pour couronner l’œuvre, qu’à créer son
Parlement. Ces deux pivots du mouvement social, l’instruction
publique et la jurisprudence, aident grandement à l’émancipation
civile, dans toute la mesure permise en ces temps confus encore.
Tout se débrouille lentement, mais avec continuité. Ajoutons que
les contrées françaises, de plus en plus unies par le lien national,
entrent en relations plus étroites. Les routes moins périlleuses et
les villes plus libres font le commerce aisé et productif. Les bourgeois
s’enrichissent ; les mœurs perdent de leur âpreté. On n’avait senti,
jusque-là, que la nécessité d’avoir de belles églises, où prier Celui
devant qui les hommes sont égaux. Maintenant, on croit devoir élever
aussi de beaux édifices profanes : des hôtels de ville et des beffrois,
comme à Saint-Antonin du Tarn-et-Garonne, vers 1230, et à Martel,
du Lot avant le règne de Charles Y; des maisons de corporation,
comme la célèbre maison des musiciens de Reims au temps de
Louis IX... Les hôpitaux n’étaient que des façons de couvents; à
partir du xme siècle, on met une délicatesse à les faire avenants, bien
ornés, presque joyeux : les vestiges des hôtels-Dieu de Brie-Comte-
Robert et de Senlis, la grande salle des malades de l’hôpital de
Tonnerre et l’hospice élevé, à Beaune, en 1443, par Nicolas Roslin
en sont la preuve. De simples bâtiments d’utilité prennent un air
monumental, à l’exemple de la Grange-aux-Dimes de Provins, bâtie
au xiii0 siècle. Et je me borne, ici, à peu d’exemples. Les gros
marchands se font construire des maisons en bois, à étages encor-
bellés, à pignon pointu, sur soubassement de maçonnerie, avec la
boutique ouvrant sur la rue. Aux rentiers, d'élégantes maisons de
pierre décorées de sculptures, de moulures et de corniches dentelées.
Amiens, Laon, Montferrand, Cordes, Albi en gardent de précieux
exemples. Un art se dessine en ces constructions, qui n’a rien de
sombre ou de renfrogné.
Les châteaux, à la même époque, sont encore des forteresses,
mais d’une structure savante et d’une silhouette pittoresque visi-
blement étudiée. Je n’ai touché que par de rares allusions à l’archi-