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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
être pas antérieur à Saint-Denis, et, par là, tombe à plat la théorie
de Félix de Verneilh sur les églises d’Aquitaine à séries de coupoles. »
Deux textes du Recueil des historiens des Gaules, de Dom Bouquet, judi-
cieusement commentés par le même critique, établissent que
l’abbatiale fameuse (qualifiée monasterium dans l’acception du mot
français moustier et du mot allemand munster) a été incendiée en 1120
et qu’elle était, à cette date, non voûtée de pierre, mais couverte en
charpente. Conclusion : comment le système des voûtes nervées,
adopté en Beauvaisis depuis vingt ans et plus, serait-il dérivé de
coupoles sur pendentifs non construites encore? Et comment les
voûtes dômicales angevines, en lesquelles s’unissent avec évidence
la forme bombée du Périgord et les nervures du pays royal, auraient-
elles devancé, de leur côté, l’éclosion de ces coupoles sur pendentifs?
Mais, tout compte fait, nous savons que Saint-Maurice d’Angers, le
premier monument voûté d’ogives de l’Anjou, n’a pas reçu ses voûtes
avant 1150, que la Trinité de Laval est à peu près du même temps et
que les voûtes données par M. Corroyer comme marquant la tran-
sition de la coupole à la croisée des arcs, — Saint-Avit-Senieur et
Saint-Pierre de Saumur, —ne sauraient dater de beaucoup plus loin
que la seconde moitié du xne siècle. M. de Lasteyrie, le maître
archéologue, grand admirateur de l’école angevine, pour laquelle il
réclame une place plus large dans l’histoire de l'architecture gothi-
que, était le premier, récemment, à s’élever catégoriquement contre
les conclusions du livre qui nous occupe, en le présentant à l’Aca-
démie des Inscriptions, et il ajoutait : « Les voûtes de l’Anjou appa-
raissent à une époque où les églises de Saint-Denis, de Poissy, de
Saint-Maclou de Pontoise étaient déjà bâties et où, depuis longtemps,
on voyait des croisées d’ogives dans une foule de petites églises de la
région de l’Oise... On trouve des croisées d’ogive, dans l’Ile de France,
dès le premier quart du xne siècle : on en rencontre même en des monu-
ments comme l'abbatiale de Morienval qu'il est difficile de ne pas faire
remonter jusqu'au xie siècle. »
Ce sont là des arguments irréfutables; mais il en est d’autres
encore. Ainsi, à Laon, nous possédons une voûte incontestablement
angevine dans l’oratoire des Templiers, qui ne peut être anté-
rieure à 1135, les Templiers ne s’étant installés dans cette ville
qu’en 1134. Les nervures n’y sont qu’illusoires, simples renforce-
ments ou renflements de la construction et non membrure indépen-
dante et organisée. A la même époque, en la même localité, des
ouvriers du pays dressent des voûtes, très rationnellement nervées,
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
être pas antérieur à Saint-Denis, et, par là, tombe à plat la théorie
de Félix de Verneilh sur les églises d’Aquitaine à séries de coupoles. »
Deux textes du Recueil des historiens des Gaules, de Dom Bouquet, judi-
cieusement commentés par le même critique, établissent que
l’abbatiale fameuse (qualifiée monasterium dans l’acception du mot
français moustier et du mot allemand munster) a été incendiée en 1120
et qu’elle était, à cette date, non voûtée de pierre, mais couverte en
charpente. Conclusion : comment le système des voûtes nervées,
adopté en Beauvaisis depuis vingt ans et plus, serait-il dérivé de
coupoles sur pendentifs non construites encore? Et comment les
voûtes dômicales angevines, en lesquelles s’unissent avec évidence
la forme bombée du Périgord et les nervures du pays royal, auraient-
elles devancé, de leur côté, l’éclosion de ces coupoles sur pendentifs?
Mais, tout compte fait, nous savons que Saint-Maurice d’Angers, le
premier monument voûté d’ogives de l’Anjou, n’a pas reçu ses voûtes
avant 1150, que la Trinité de Laval est à peu près du même temps et
que les voûtes données par M. Corroyer comme marquant la tran-
sition de la coupole à la croisée des arcs, — Saint-Avit-Senieur et
Saint-Pierre de Saumur, —ne sauraient dater de beaucoup plus loin
que la seconde moitié du xne siècle. M. de Lasteyrie, le maître
archéologue, grand admirateur de l’école angevine, pour laquelle il
réclame une place plus large dans l’histoire de l'architecture gothi-
que, était le premier, récemment, à s’élever catégoriquement contre
les conclusions du livre qui nous occupe, en le présentant à l’Aca-
démie des Inscriptions, et il ajoutait : « Les voûtes de l’Anjou appa-
raissent à une époque où les églises de Saint-Denis, de Poissy, de
Saint-Maclou de Pontoise étaient déjà bâties et où, depuis longtemps,
on voyait des croisées d’ogives dans une foule de petites églises de la
région de l’Oise... On trouve des croisées d’ogive, dans l’Ile de France,
dès le premier quart du xne siècle : on en rencontre même en des monu-
ments comme l'abbatiale de Morienval qu'il est difficile de ne pas faire
remonter jusqu'au xie siècle. »
Ce sont là des arguments irréfutables; mais il en est d’autres
encore. Ainsi, à Laon, nous possédons une voûte incontestablement
angevine dans l’oratoire des Templiers, qui ne peut être anté-
rieure à 1135, les Templiers ne s’étant installés dans cette ville
qu’en 1134. Les nervures n’y sont qu’illusoires, simples renforce-
ments ou renflements de la construction et non membrure indépen-
dante et organisée. A la même époque, en la même localité, des
ouvriers du pays dressent des voûtes, très rationnellement nervées,