LES SALONS UE 1892.
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les ravages s’étendent avec une rapidité alarmante, il est temps de
protester contre cette puissance odieuse de l’argent et de la vanité
qui n’ont rien à voir avec l’art. Les Portraits de M. Paul Dubois sont
cependant là pour démontrer qu’on peut peindre une femme en toi-
lette, s’intéresser très vivement aux plis et aux chatoiements d’une
étoffe qui fait partie intégrante du modèle féminin et qui explique
en quelque manière sa nature, sans faire passer l’accessoire avant le
nécessaire, c’est-à-dire avant la figure. C’est le châtiment des por-
traitistes mondains et de leurs modèles que cette insignifiance rare
des visages qui perdent tout relief et toute vie dans le brouhaha
des satins et des velours. Rappelez-vous la sage apostrophe de
Dandin à l’intimé :
Il dit fort posément ce dont on n’a que faire
Et court le grand galop quand il est à son fait.
11 estvrai que nos peintres répondraient peut-être comme l’avocat :
« Mais le premier, monsieur, c’est le beau! » Dans ce cas, je leur
demanderai d’aller regarder un des envois de M. Whistler qui, en
exposant au Champ-de-Mars le Portrait de Lady Meux, a soin d’inscrire
au livret cette mention : Harmonie en gris et rose. De la part d’un
autre que ce remarquable et origiqal artiste, le commentaire paraî-
trait prétentieux; mais il explique — peut-être avec plus de candeur
que d’orgueil — la combinaison raffinée du fond assorti aux tons de
la robe et à la pâleur ambrée du visage : le tout forme un assemblage
de nuances délicieusement douces. Voilà sans doute un homme qui
ne dédaigne pas les effets de costume et qui ne craint pas de faire
poser devant lui une noble dame en élégante toilette. Mais comme
il a bien compris l’intime union de la femme et de son ajustement;
comme il est resté, malgré le style tout moderne de sa peinture,
dans la tradition saine des grands maîtres qui, sous l’enveloppe
extérieure, cherchent à pénétrer et à faire comprendre la personne
morale! C’est un chef-d’œuvre de goût et de hautaine simplicité.
Au portrait d’atelier s’oppose le portrait d’intérieur : voici le
modèle replacé dans son milieu familier, ou sous son éclairage
habituel. Il serait puéril de s’exclamer sur la nouveauté de cette
trouvaille, car elle date de loin. Les intérieurs de Ter-Borch et de
Netscher, et, plus près de nous, les scènes bourgeoises de Chardin,
le Portrait de Mme Récamier par David, le Portrait du peintre Jsabey
par Gérard en sont, au Louvre, de célèbres exemples. Mais,
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les ravages s’étendent avec une rapidité alarmante, il est temps de
protester contre cette puissance odieuse de l’argent et de la vanité
qui n’ont rien à voir avec l’art. Les Portraits de M. Paul Dubois sont
cependant là pour démontrer qu’on peut peindre une femme en toi-
lette, s’intéresser très vivement aux plis et aux chatoiements d’une
étoffe qui fait partie intégrante du modèle féminin et qui explique
en quelque manière sa nature, sans faire passer l’accessoire avant le
nécessaire, c’est-à-dire avant la figure. C’est le châtiment des por-
traitistes mondains et de leurs modèles que cette insignifiance rare
des visages qui perdent tout relief et toute vie dans le brouhaha
des satins et des velours. Rappelez-vous la sage apostrophe de
Dandin à l’intimé :
Il dit fort posément ce dont on n’a que faire
Et court le grand galop quand il est à son fait.
11 estvrai que nos peintres répondraient peut-être comme l’avocat :
« Mais le premier, monsieur, c’est le beau! » Dans ce cas, je leur
demanderai d’aller regarder un des envois de M. Whistler qui, en
exposant au Champ-de-Mars le Portrait de Lady Meux, a soin d’inscrire
au livret cette mention : Harmonie en gris et rose. De la part d’un
autre que ce remarquable et origiqal artiste, le commentaire paraî-
trait prétentieux; mais il explique — peut-être avec plus de candeur
que d’orgueil — la combinaison raffinée du fond assorti aux tons de
la robe et à la pâleur ambrée du visage : le tout forme un assemblage
de nuances délicieusement douces. Voilà sans doute un homme qui
ne dédaigne pas les effets de costume et qui ne craint pas de faire
poser devant lui une noble dame en élégante toilette. Mais comme
il a bien compris l’intime union de la femme et de son ajustement;
comme il est resté, malgré le style tout moderne de sa peinture,
dans la tradition saine des grands maîtres qui, sous l’enveloppe
extérieure, cherchent à pénétrer et à faire comprendre la personne
morale! C’est un chef-d’œuvre de goût et de hautaine simplicité.
Au portrait d’atelier s’oppose le portrait d’intérieur : voici le
modèle replacé dans son milieu familier, ou sous son éclairage
habituel. Il serait puéril de s’exclamer sur la nouveauté de cette
trouvaille, car elle date de loin. Les intérieurs de Ter-Borch et de
Netscher, et, plus près de nous, les scènes bourgeoises de Chardin,
le Portrait de Mme Récamier par David, le Portrait du peintre Jsabey
par Gérard en sont, au Louvre, de célèbres exemples. Mais,