LES SALONS DE 1892.
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rent les différents groupes d’artistes, il me semble que l’histoire de
la peinture contemporaine est contenue dans ces trois faits : —d’une
part la persistance de la grande tradition italienne, l’influence édu-
cative des maîtres de la Renaissance qui, depuis le commencement du
xvie siècle, ont créé la méthode et le genre classiques ; — d’autre
part un retour à la peinture flamande et hollandaise, indiqué par le
choix des sujets familiers, par les portraits d’intérieur, par les
recherches d’éclairages artificiels, mais modifié et dérivé vers des
tonalités plus claires ou plus éclatantes, grâce aux influences venues
de l’Orient, grâce surtout à la conception du « plein air » due aux
paysagistes; — en troisième lieu une évolution lente, mais de plus
en plus manifeste, vers le symbolisme des primitifs italiens, appliqué
à l’expression des sentiments philosophiques et généraux de la
société moderne. Ces trois mouvements combinés produisent l’agita-
tion qui apparaît à la surface de notre vie artistique ; mais cette
agitation n’est pas confusion, et sous les flots en mouvement il y a
des couches profondes et tranquilles. De nos jours un peintre de
génie pourrait avoir appris à dessiner d’après l’antique et d’après
Raphaël, regarder la nature avec l’œil d’un Hais ou d’un Rembrandt
et voir passer dans ses rêves les visions d’un Botticelli. De quoi ne
serait-il pas capable?
Un art qui, soutenu par de longues traditions, marche en avant
et combat, n’est pas un art en décadence; il suit sa destinée et il a
pour lui l’avenir. Il n’y a de disputes politiques que chez un peuple
libre; les Parlements muets sont un symbole de servitude. De même
un art assagi et uniforme, loin d’être l’honneur d’une nation, en
révèle à tous les yeux la déchéance intellectuelle. La Grèce de Pisis-
trate, de Périclèset d’Alexandre, a changé de régime artistique tous
les cinquante ans ; le jour où elle s’est complu dans la répétition des
chefs-d’œuvre connus, sans chercher à en créer de nouveaux, elle
ne s’est pas reposée ni calmée : elle est morte.
EDMOND POTTIER.
(La sxàte prochainement.)
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rent les différents groupes d’artistes, il me semble que l’histoire de
la peinture contemporaine est contenue dans ces trois faits : —d’une
part la persistance de la grande tradition italienne, l’influence édu-
cative des maîtres de la Renaissance qui, depuis le commencement du
xvie siècle, ont créé la méthode et le genre classiques ; — d’autre
part un retour à la peinture flamande et hollandaise, indiqué par le
choix des sujets familiers, par les portraits d’intérieur, par les
recherches d’éclairages artificiels, mais modifié et dérivé vers des
tonalités plus claires ou plus éclatantes, grâce aux influences venues
de l’Orient, grâce surtout à la conception du « plein air » due aux
paysagistes; — en troisième lieu une évolution lente, mais de plus
en plus manifeste, vers le symbolisme des primitifs italiens, appliqué
à l’expression des sentiments philosophiques et généraux de la
société moderne. Ces trois mouvements combinés produisent l’agita-
tion qui apparaît à la surface de notre vie artistique ; mais cette
agitation n’est pas confusion, et sous les flots en mouvement il y a
des couches profondes et tranquilles. De nos jours un peintre de
génie pourrait avoir appris à dessiner d’après l’antique et d’après
Raphaël, regarder la nature avec l’œil d’un Hais ou d’un Rembrandt
et voir passer dans ses rêves les visions d’un Botticelli. De quoi ne
serait-il pas capable?
Un art qui, soutenu par de longues traditions, marche en avant
et combat, n’est pas un art en décadence; il suit sa destinée et il a
pour lui l’avenir. Il n’y a de disputes politiques que chez un peuple
libre; les Parlements muets sont un symbole de servitude. De même
un art assagi et uniforme, loin d’être l’honneur d’une nation, en
révèle à tous les yeux la déchéance intellectuelle. La Grèce de Pisis-
trate, de Périclèset d’Alexandre, a changé de régime artistique tous
les cinquante ans ; le jour où elle s’est complu dans la répétition des
chefs-d’œuvre connus, sans chercher à en créer de nouveaux, elle
ne s’est pas reposée ni calmée : elle est morte.
EDMOND POTTIER.
(La sxàte prochainement.)