LES ÉCOLES D’ITALIE AU MUSÉE DE VIENNE.
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faire voir; le fils du roi Pallas a couru en avant pour attendre son
père et son hôte dans une clairière en face du fameux rocher; et ce
majestueux vieillard, c’est le vieux mage, l’annonciateur des choses
saintes, le roi Evandre. L’interprétation donnée par le peintre à
cette scène de Yirgile peut sembler bizarre et inadmissible pour
les pédants qui ne conçoivent pas qu’on traite une scène de la poésie
antique autrement que d’après les canons de l’art ancien, mais elle
est claire et charmante pour toute âme éprise de fantaisie, et capable
de sentir le langage féerique de l’art vénitien.
C’est ce langage que nous percevons aussi dans l’image à mi-corps
d’un délicat jeune homme qui considère le spectateur sous les boucles
blondes de ses cheveux, avec une flèche dans sa main droite (n° 162).
Le catalogue du Musée appelle ce tableau un Saint Sébastien et l’at-
tribue au Corrège, malgré que le premier coup d’oeil suffise à faire
voir son caractère tout Vénitien et sa provenance giorgionesque.
Aucun cercle d’or, aucune auréole ne désigne un saint.
Le vieux descripteur de peintures vénitiennes que nous avons
déjà cité plus haut, Michiel, nous a conservé la mention d’autres
tableaux analogues peints par le Giorgione. Dans la maison de Messer
Zuane Ram il a vu, du Giorgione, le portrait à mi-corps d’un jeune
berger avec un fruit dans la main, et du même maître, chez le sieur
Antonio Pasqualino à Venise, le portrait à mi-corps d’un garçon avec
une flèche. De même que le jeune berger avec la pomme ne pouvait
être que Paris, le berger du mont Ida, choisi pour arbitre de la
beauté des déesses, de même cet enfant avec la flèche devait être le
jeune Apollon : il nous a été représenté de la même façon dans une
gravure de Bartolommeo Montagna, où nous voyons le dieu en pied
et avec son nom inscrit sur une tablette. Je ne prétends pas que le
tableau de Vienne soit une copie de celui de Messer Pasqualino, j’y
verrais plutôt une interprétation originale du même sujet par un
peintre postérieur, qui a pris son inspiration dans le Giorgione et
qui doit à Palma le Vieux ses procédés techniques et son coloris.
Le Musée de Vienne possède au contraire une véritable copie
ancienne d’après le Giorgione, dans l’image à mi-corps du Jeune David
(n° 243), dont l’original a disparu. Le Musée présente ainsi une des
œuvres les plus remarquables et les plus authentiques du Giorgione,
une copie d’après un tableau perdu du même maître, et un tableau ori-
ginal d’un peintre inconnu inspiré d’un autre de ses tableaux perdus.
Mais c’est là tout, et les autres œuvres qui portent à Vienne le
u°m du Giorgione, proviennent de la main d’autres.peintres.
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faire voir; le fils du roi Pallas a couru en avant pour attendre son
père et son hôte dans une clairière en face du fameux rocher; et ce
majestueux vieillard, c’est le vieux mage, l’annonciateur des choses
saintes, le roi Evandre. L’interprétation donnée par le peintre à
cette scène de Yirgile peut sembler bizarre et inadmissible pour
les pédants qui ne conçoivent pas qu’on traite une scène de la poésie
antique autrement que d’après les canons de l’art ancien, mais elle
est claire et charmante pour toute âme éprise de fantaisie, et capable
de sentir le langage féerique de l’art vénitien.
C’est ce langage que nous percevons aussi dans l’image à mi-corps
d’un délicat jeune homme qui considère le spectateur sous les boucles
blondes de ses cheveux, avec une flèche dans sa main droite (n° 162).
Le catalogue du Musée appelle ce tableau un Saint Sébastien et l’at-
tribue au Corrège, malgré que le premier coup d’oeil suffise à faire
voir son caractère tout Vénitien et sa provenance giorgionesque.
Aucun cercle d’or, aucune auréole ne désigne un saint.
Le vieux descripteur de peintures vénitiennes que nous avons
déjà cité plus haut, Michiel, nous a conservé la mention d’autres
tableaux analogues peints par le Giorgione. Dans la maison de Messer
Zuane Ram il a vu, du Giorgione, le portrait à mi-corps d’un jeune
berger avec un fruit dans la main, et du même maître, chez le sieur
Antonio Pasqualino à Venise, le portrait à mi-corps d’un garçon avec
une flèche. De même que le jeune berger avec la pomme ne pouvait
être que Paris, le berger du mont Ida, choisi pour arbitre de la
beauté des déesses, de même cet enfant avec la flèche devait être le
jeune Apollon : il nous a été représenté de la même façon dans une
gravure de Bartolommeo Montagna, où nous voyons le dieu en pied
et avec son nom inscrit sur une tablette. Je ne prétends pas que le
tableau de Vienne soit une copie de celui de Messer Pasqualino, j’y
verrais plutôt une interprétation originale du même sujet par un
peintre postérieur, qui a pris son inspiration dans le Giorgione et
qui doit à Palma le Vieux ses procédés techniques et son coloris.
Le Musée de Vienne possède au contraire une véritable copie
ancienne d’après le Giorgione, dans l’image à mi-corps du Jeune David
(n° 243), dont l’original a disparu. Le Musée présente ainsi une des
œuvres les plus remarquables et les plus authentiques du Giorgione,
une copie d’après un tableau perdu du même maître, et un tableau ori-
ginal d’un peintre inconnu inspiré d’un autre de ses tableaux perdus.
Mais c’est là tout, et les autres œuvres qui portent à Vienne le
u°m du Giorgione, proviennent de la main d’autres.peintres.