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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Un peu plus tard, en 1476, un autre envoyé de Yenise, Ambrogio
Contarini, y fit son apparition.
Yenons-en aux choses de l’art : au moment de l’arrivée de Sophie
Paléologue, Moscou n’avait ni ses flèches hardies, ni ses dômes écla-
tants. « La résidence des grands Khiaz, — affirme le P. Pierling, —
se réduisait à un amas de chétives habitations, construites à peu de
frais et sans aucune prétention artistique L » Ce fut du côté de l’archi-
tecture que le tsar porta ses premiers efforts.
Ivvan III avait entrepris vers 1472 la reconstruction de la cathé-
drale de Moscou. Mais les architectes indigènes s’acquittèrent si mal
de leur tâche que les murs s’écroulèrent avant que l’édifice fût achevé.
Reconnaissant alors la nécessité de confier ce ti'avail à des artistes
plus habiles, Iwan — j’emprunte ce récit à Karamsin — fit venir des
maçons pskoviens, élèves des Allemands, et il donna à Tolbouzin
l’ordre de se procurer, en Italie, à quelque prix que ce fût, un bon
architecte. Il est même probable que la construction de la cathédrale
fut le principal motif de l’ambassade de Tolbouzin. « Celui-ci, ajoute
Karamsin, fut très bien reçu à Yenise; le nouveau doge Marcello lui
remit, au nom de la République, 700 roubles pour remboursement
des dépenses occasionnées à Moscou par l’ambassade de Trevisan.
Il y trouva aussi un architecte bolonais, nommé Fioravanti Aristote,
qui, alors appelé par Mahomet II pour construire à Constantinople
le palais du Sultan, préféra cependant se rendre en Russie, à condition
qu’on lui donnerait dix roubles d’appointement ou à peu près deux
livres d’argent par mois. Arrivé à Moscou, — c’est toujours Karamsin
qui parle, — Aristote examina les ruines de la nouvelle église du
Kremlin; il loua le fini du travail; mais ayant reconnu que la chaux
avait peu de consistance et que la pierre était trop tendre, il se décida
à construire les voûtes en pierres de taille. Il fit un voyage à Yladimir,
pour visiter l’ancienne cathédrale, qu’il admira comme un chef-
d’œuvre de l’art. Il donna la mesure des briques à employer pour
l’édifice, enseigna la manière de les cuire, de gâcher la chaux, et
découvrit une très bonne terre glaise au delà du couvent d’Andronief.
Au moyen d’un bélier, machine jusqu’alors inconnue aux Moscovites,
il mina les murs de l’église du Kremlin, restés après sa chute. Enfin
il creusa de nouveaux fondements et construisit la basilique de i.
i. « E fatto di legnami, cosi il castello corne il resto délia detta terra. » (Conta-
rini, Viaggifatti da Venetia alla Tana, in Persia, India et in Constantinopoli, fol. 89.
Venise, 1845.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Un peu plus tard, en 1476, un autre envoyé de Yenise, Ambrogio
Contarini, y fit son apparition.
Yenons-en aux choses de l’art : au moment de l’arrivée de Sophie
Paléologue, Moscou n’avait ni ses flèches hardies, ni ses dômes écla-
tants. « La résidence des grands Khiaz, — affirme le P. Pierling, —
se réduisait à un amas de chétives habitations, construites à peu de
frais et sans aucune prétention artistique L » Ce fut du côté de l’archi-
tecture que le tsar porta ses premiers efforts.
Ivvan III avait entrepris vers 1472 la reconstruction de la cathé-
drale de Moscou. Mais les architectes indigènes s’acquittèrent si mal
de leur tâche que les murs s’écroulèrent avant que l’édifice fût achevé.
Reconnaissant alors la nécessité de confier ce ti'avail à des artistes
plus habiles, Iwan — j’emprunte ce récit à Karamsin — fit venir des
maçons pskoviens, élèves des Allemands, et il donna à Tolbouzin
l’ordre de se procurer, en Italie, à quelque prix que ce fût, un bon
architecte. Il est même probable que la construction de la cathédrale
fut le principal motif de l’ambassade de Tolbouzin. « Celui-ci, ajoute
Karamsin, fut très bien reçu à Yenise; le nouveau doge Marcello lui
remit, au nom de la République, 700 roubles pour remboursement
des dépenses occasionnées à Moscou par l’ambassade de Trevisan.
Il y trouva aussi un architecte bolonais, nommé Fioravanti Aristote,
qui, alors appelé par Mahomet II pour construire à Constantinople
le palais du Sultan, préféra cependant se rendre en Russie, à condition
qu’on lui donnerait dix roubles d’appointement ou à peu près deux
livres d’argent par mois. Arrivé à Moscou, — c’est toujours Karamsin
qui parle, — Aristote examina les ruines de la nouvelle église du
Kremlin; il loua le fini du travail; mais ayant reconnu que la chaux
avait peu de consistance et que la pierre était trop tendre, il se décida
à construire les voûtes en pierres de taille. Il fit un voyage à Yladimir,
pour visiter l’ancienne cathédrale, qu’il admira comme un chef-
d’œuvre de l’art. Il donna la mesure des briques à employer pour
l’édifice, enseigna la manière de les cuire, de gâcher la chaux, et
découvrit une très bonne terre glaise au delà du couvent d’Andronief.
Au moyen d’un bélier, machine jusqu’alors inconnue aux Moscovites,
il mina les murs de l’église du Kremlin, restés après sa chute. Enfin
il creusa de nouveaux fondements et construisit la basilique de i.
i. « E fatto di legnami, cosi il castello corne il resto délia detta terra. » (Conta-
rini, Viaggifatti da Venetia alla Tana, in Persia, India et in Constantinopoli, fol. 89.
Venise, 1845.)