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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 9.1893

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Nr. 2
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Pératé, André: Études sur la Peinture siennoise, [1]: Duccio
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https://doi.org/10.11588/diglit.24662#0104

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DUCCIO.

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plus casaniers de goûter, dans la paix de leur cabinet, l’âme sien-
noise1.

Est-ce une illusion de croire qu’ils n’ont pas reçu encore pleine
justice, ces chers peintres d’âme si tendre, de pensée si profonde, qui
ont fait vivre dans leur œuvre l’éternelle sagesse des enseignements
de l’Église auprès des plus douloureuses inquiétudes de l’esprit
humain? ces peintres naïfs, qui ont introduit dans l’art italien le
sourire, ce charme léger qui rappelle notre art français, au temps du
bon roi saint Louis? ces peintres dévots qui inscrivaient le nom de
Dieu et de la Madone en tète des statuts de leur corporation,
l’an 1355 : « Parce que nous sommes, par la grâce de Dieu, ceux qui
manifestent aux hommes grossiers et qui ne savent les lettres, les
choses miraculeuses opérées par la vertu et en vertu de la sainte
foi et que nulle chose, si petite soit-elle, ne peut avoir commen-
cement ni fin sans ces trois choses, qui sont : pouvoir et savoir et
vouloir avec amour...2 »

Il y a, dès l’aube du xive siècle, une affinité fraternelle entre les
douces peintures siennoises et la tendresse émue, ardente, pas-
sionnée des lyriques ombriens, de ce Jacopone da Todi qui a hérité
de toute la poésie de saint François. Quel abîme entre cette mysti-
cité délicate et le tour d’esprit très net, très positif, des Florentins!
Giotto lui-même, si admirable pourtant et si profond dans ses allé-
gories d’Assise, où vit l’àme de Dante, comme il est peu inspiré dans
ses retables! Ce n’est pas lui nuire que d’avouer que Duccio, qui
avait sans doute commencé de peindre bien avant lui, le dépasse par
le sentiment, le dépasse même par l’exécution. Giotto domine tout
le xive siècle; c’est un génie créateur dans toute la force du terme;
Duccio n’a pas créé, il a transformé; il a laissé une œuvre achevée
dans sa délicatesse, mais cette œuvre n’a été si puissamment féconde
que parce que le souffle de Giotto est venu à un moment donné
l’animer d’une vie nouvelle.

On répète volontiers que l’Ecole siennoise, sortie du byzanti-
nisme, après s’en être éloignée quelque temps, y est retombée, a fini

4. M. Galileo Lombardi vient d’exécuter tout récemment une merveilleuse série
de photographies (une soixantaine environ), qui reproduisent, d’ensemble et de
détail, le grand retable de Duccio. Les gravures du présent article sont faites
d’après ces photographies.

2. Breve dell'arte de' pittori senesi dell’anno MCCCLV, dans Gaye (Carteggio
inedilo d'artisti italiani dei secoli XIV, XV, XVI). Firenze, 4839, t. I, p. 4, et dans
Milanesi) Document!), t. I, p. 4.
 
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