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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 9.1893

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Nr. 2
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Wickhoff, Franz: Les écoles italiennes au Musée impérial de Vienne, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24662#0157

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142

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

personnages sont représentés dans leur réalité la plus intime! Quelle
vérité! Nulle trace d’embellissement ou de pose!

Je ne crois pas qu’un autre peintre aurait osé représenter une
femme comme l’a fait le Tintoret dans un portrait que le catalogue
attribue au Titien (n° 511). On y voit debout une jeune Dame élégam-
ment ornée avec une chair fraîche, des joues roses et des yeux clairs :
mais c’est une créature privée de toute vie intérieure, un être pure-
ment physique, tout au plus soutenu peut-être par un peu de fierté,
sans une trace de cœur ou d’esprit. Et il faut en effet que cette
femme n’ait eu ni cœur ni esprit pour ne s’être pas aperçue combien
le manque de ces qualités rendait son portrait peu flatteur. De telles
personnes, il en passe des milliers dans les rues, mais lorsque les
peintres ont à les représenter, ils leur ajoutent ce qui leur manque;
ils mettent une expression dans leurs yeux ou s’efforcent tout au
moins de leur donner un geste des mains qui puisse les rendre intéres-
santes. Seul le Tintoret a cru ne devoir donner que la vérité toute pure.

Comme au contraire, il est toute pensée et tout sentiment, cet
homme de trente-cinq ans que nous voyons la main droite posée sur
un livre (n° 478); une de ces natures sensibles à l’excès qui se rési-
gnent de bonne heure à ne rien espérer ! Quel feu et quel enjouement
dans les regards de cet autre jeune homme dont l’énergique visage
annonce que jamais la vie ne pourra lui apporter assez de plaisir
ni de travail, (n°485) ! Jamais les portraits du Tintoret ne se bornent
à nous faire connaître l’extérieur des modèles, toujours ils nous font
pénétrer profondément dans l’intimité de leurs âmes.

On attribuait autrefois à l’École de Venise proprement dite deux
portraits d’un peintre de Brescia, Jean-Baptiste Moroni ; tous deux
ont enfin reçu la désignation qui leur convenait et qui avait été
indiquée déjà pour l’un d’eux par Mündler et plus tard pour tous les
deux par Morelli (n° 312-313). Le malheur est que ces deux excel-
lents portraits ont été exposés si haut, qu’il est maintenant impos-
sible d’apprécier leur charme tout intime.

Un portrait du Doge Francesco Erizzo (n° 543) permet de voir
combien longtemps le grand style s’est conservé dans la peinture de
portrait vénitienne. Le catalogue attribue ce portrait à Pietro délia
Vecchia; on pense en effet que seul un Vénitien pouvait avoir si
remarquablement continué le style des grands maîtres de Venise.
Mais les modèles étaient si considérables et les traditions si vivantes
que même les peintres étrangers en étaient pénétrés lorsqu’ils
venaient à Venise. C’est ainsi que le tableau en question est l’œuvre
 
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