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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Boschini, dans son Introduction aux P.icche Minere, raconte que
Schiavone a commencé ses études en copiant les gravures du Parme
san, et qu’il s’est ainsi formé un style original remarquable par son
mélange d’ampleur et de précision (fueltezza e stringaliirà). Mais
l’auteur italien, si exact d’ordinaire, a fait ici une confusion; il a
placé dans la jeunesse de Schiavone une influence qui ne s’est fait
sentir sur lui que dans la seconde moitié de sa carrière artistique.
L’étude de. ses tableaux montre en effet qu’il a pris à d’autres
sources le principe de son développement.
Le Musée devienne possède de Schiavone, d’abord, un Christ por-
tant sa croix1 (n° 549), exposé sans nom d’auteur comme une œuvre de
l’École vénitienne, et qui, par sa composition et sa couleur, est encore
entièrement inspiré de ce remarquable tableau de San Rocco, dont déjà
Vasari ne pouvait plus dire s’il était du Giorgione ou du Titien. Puis
vient une Adoration des Bergers (n° 416), d’une riche couleur éclatante
où Schiavone essaie manifestement d’imiter le coloris brillant des
œuvres du Titien dans sa période moyenne. Deux autres tableaux, un
Actéon surprenant Diane au bain (n° 418) et une Sainte Conversation
(n° 415), sont également des imitations de compositions du Titien; on
pourrait même dire que ce sont des copies, n’était que Schiavone y
garde toujours l'originalité de son coloris.
Alors seulement se place l’époque où les gravures du Parmesan
ont pris sur lui tant d’influence; c’est alors qu’il peint cette série de
petits tableaux mythologiques, Apollon et l’Amour (n° 419), Apollon et
Daphné (n° 420), Psyché et l’Amour (n° 422), la Musique (n° 421), où il
allie le dessein du Parmesan avec le brillant coloris vénitien. C’est
aussi le temps où il s’essaie à des eaux fortes dans le goût du Par-
mesan.
Puis, vers la fin de sa vie son style devient plus libre, on pourrait
dire aussi plus maniéré; il accentue encore l’élancement des figures
du Parmesan; l’exécution tient davantage de l’esquisse, le coloris
procède par taches bariolées. A preuve quelques tableaux allégoriques
et historiques (n° 423-426). Mais, incapable d’arriver jamais à être
tout à fait original, c’est maintenant de Véronèse qu’il s’inspire
dans son coloris; il finit même par vouloir imiter le coloris mono-
chrome des dernières œuvres du Titien, dans un Christ devant Caïphe
(n° 417).
Cette remarquable influence que le Parmesan, dans la seconde
moitié du xvie siècle, a exercée par ses gravures sur les écoles de la
haute Italie, et qui égale presque l’influence exercée par Michel-Ange
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Boschini, dans son Introduction aux P.icche Minere, raconte que
Schiavone a commencé ses études en copiant les gravures du Parme
san, et qu’il s’est ainsi formé un style original remarquable par son
mélange d’ampleur et de précision (fueltezza e stringaliirà). Mais
l’auteur italien, si exact d’ordinaire, a fait ici une confusion; il a
placé dans la jeunesse de Schiavone une influence qui ne s’est fait
sentir sur lui que dans la seconde moitié de sa carrière artistique.
L’étude de. ses tableaux montre en effet qu’il a pris à d’autres
sources le principe de son développement.
Le Musée devienne possède de Schiavone, d’abord, un Christ por-
tant sa croix1 (n° 549), exposé sans nom d’auteur comme une œuvre de
l’École vénitienne, et qui, par sa composition et sa couleur, est encore
entièrement inspiré de ce remarquable tableau de San Rocco, dont déjà
Vasari ne pouvait plus dire s’il était du Giorgione ou du Titien. Puis
vient une Adoration des Bergers (n° 416), d’une riche couleur éclatante
où Schiavone essaie manifestement d’imiter le coloris brillant des
œuvres du Titien dans sa période moyenne. Deux autres tableaux, un
Actéon surprenant Diane au bain (n° 418) et une Sainte Conversation
(n° 415), sont également des imitations de compositions du Titien; on
pourrait même dire que ce sont des copies, n’était que Schiavone y
garde toujours l'originalité de son coloris.
Alors seulement se place l’époque où les gravures du Parmesan
ont pris sur lui tant d’influence; c’est alors qu’il peint cette série de
petits tableaux mythologiques, Apollon et l’Amour (n° 419), Apollon et
Daphné (n° 420), Psyché et l’Amour (n° 422), la Musique (n° 421), où il
allie le dessein du Parmesan avec le brillant coloris vénitien. C’est
aussi le temps où il s’essaie à des eaux fortes dans le goût du Par-
mesan.
Puis, vers la fin de sa vie son style devient plus libre, on pourrait
dire aussi plus maniéré; il accentue encore l’élancement des figures
du Parmesan; l’exécution tient davantage de l’esquisse, le coloris
procède par taches bariolées. A preuve quelques tableaux allégoriques
et historiques (n° 423-426). Mais, incapable d’arriver jamais à être
tout à fait original, c’est maintenant de Véronèse qu’il s’inspire
dans son coloris; il finit même par vouloir imiter le coloris mono-
chrome des dernières œuvres du Titien, dans un Christ devant Caïphe
(n° 417).
Cette remarquable influence que le Parmesan, dans la seconde
moitié du xvie siècle, a exercée par ses gravures sur les écoles de la
haute Italie, et qui égale presque l’influence exercée par Michel-Ange