Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 9.1893

DOI Heft:
Nr. 4
DOI Artikel:
Valabrègue, Antony: Le musée lapidaire d'Arles
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24662#0369

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LE MUSÉE LAPIDAIRE D’ARLES.

339

Marsyas écorché; sur l’autre on voit un Phrygien aiguisant son couteau, pour
préparer le supplice du malheureux chanteur.

La scène, le forum, les temples étaient ornés de quelques-unes des œuvres
remarquables que nous retrouvons sous nos yeux : fragment de bassin d’où coulait
le vin les jours de fête, bustes et statues de la famille d'Auguste, autel de la
Bonne Déesse, autel de Léda. Cet art antique était parvenu, quel qu’en fût
l’emploi, à son développement le plus avancé; il répondait à des conceptions
subtiles et symboliques, comme le prouve une statue de Mithra, le buste ceint
d’un serpent qui laisse se dérouler, entre ses anneaux, les signes du zodiaque. Ce
dieu s’élevait, au milieu du Cirque, avec d’autres figures historiques et religieuses.
Et n’oublions pas, parmi les merveilles dont la ville romaine pouvait s’enorgueillir,
cette autre Vénus, la célèbre Vénus (l’Arles, dont le Louvre s’est emparé, et qui sem-
blait évoquer ici un poème de beauté et de volupté païennes.

De la première période du cimetière des Alyscamps, nous avons encore plusieurs
tombeaux ornés de sujets mythologiques et môme de scènes empruntées à la vie
réelle. Il y a, parmi ces sarcophages, de gracieux souvenirs des idées païennes, des
détails qui rappellent l'allégorie d’une existence, ou les emblèmes d’une profession.

Il faut reconnaître, pourtant, que bien plus profond est l’intérêt qui s’attache
aux monuments funéraires datant de l’ère chrétienne. Lorsque saint Trophime
vint planter la croix, en face des autels que le Polythéisme avait dressés et qu’il
était impuissant à défendre, un art de transition, bien distinct, prit naissance à
l’usage de ceux qui voulaient faire inscrire un témoignage de leur foi, sur les
monuments funéraires élevés dans cette avenue de tombeaux. Le christianisme
n’avait pas encore formulé son style, et il conservait les traditions de l’art païen.
Rien de barbare ne se montrait dans l'expression, l’exécution était accomplie : une
association d’idées se produisait, en vertu de laquelle on appliquait aux person-
nages, aux épisodes et aux symboles qui faisaient partie de la nouvelle religion,
les figurations et les représentations de l'art grec et latin.

Dans cette sculpture des premiers siècles de l’Église, les personnages de
l’Évangile et de la Bible apparaissent semblables aux demi-dieux du Panthéon
hellénique. Le Christ, devenu le Bon Pasteur, est figuré en Apollon. Divinités de
l’Olympe et du Parnasse, saints de Syrie et de Judée, apôtres, confesseurs et
martyrs, tous ont reçu une glorification et une apothéose mystiques du même
ordre, comme s’ils sortaient de légendes communes et d’un même idéal.

Regardez quelques sarcophages chrétiens, qu’on peut considérer comme des
types du genre. Sur l'un de ces monuments-, qui porte, dans un médaillon, l’effigie
de Constantin et de sa femme sainte Hélène, sont figurés, avec divers attributs,
les douze Apôtres. Vous retrouvez les disciples du Christ, escortés d’une foule nom-
breuse, sur un autre monument, celui du prêtre Concordius. Plus loin, une tombe
nous montre les Noces de Cana, la Multiplication des pains et des poissons, l’Eau
changée en vin, toute une suite de miracles. Regardez aussi ce tombeau de deux
époux chrétiens, où le sculpteur a représenté l’Histoire de la chaste Suzanne et le
Sacrifice d’Abraham. Rien d’aussi curieux que de voir défiler ces types et ces
scènes hybrides, toujours retracées d’une main délicate, et qui laissent profondé-
ment indécis celui qui les contemple '. 1

1. On peut consulter, sur cette section du Musée, les Sarcophages chrétiens du Musée
d’Arles, par M. Le Blant.
 
Annotationen