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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 9.1893

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Nr. 4
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Wyzewa, Teodor de: Le mouvement des arts en Allemagne et en Angleterre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24662#0374

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344

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

beau Jordaens italien. Mais où m’égarent mes pensées? Je ne sais quel malheur
m’attend peut-être dans peu, et je disserte de tableaux et de galeries ! »

Le marchand berlinois Gotzkowsky garda ainsi plusieurs années la clientèle du
roi : mais le fournisseur attitré de Frédéric II fut toujours le Parisien Metra.
M. Seidel a reproduit, en appendice à son article, de nombreux fragments de la
correspondance de Metra avec la cour de Prusse : c’est une lecture délicieuse.
Metra ne traite jamais dans ses lettres que de deux sujets : ou bien il réclame
des arriérés qu’on tarde à lui payer, ou bien il annonce la découverte à Paris
d’œuvres sublimes, incomparables, telles que le roi de Prusse se doit à lui-même
de les acquérir. Une fois sur deux, Frédéric le rabroue, trouvant ses prix impos-
sibles, ou so méfiant de ses éloges : mais l’infatigable Metra revient à la charge.
Il a parfois des protestations touchantes. Ainsi, le roi ayant été très mécontent de
deux Sainte Famille sur marbre, que Metra lui avait vendues comme des œuvres
importantes de Raphaël et de Corrège, le pauvre agent se confond en lamenta-
tions : il envoie à Frédéric, pour lui prouver l’authenticité des deux tableaux, les
certificats des. sieurs Colins, Boileau et Doujeux, « reconnus dans toute l’Europe
pour les plus versés dans cette pratique ».

En 1770, Frédéric écrit à Voltaire, qui lui avait recommandé l’achat des Trois
Grâces de Van Loo :.« Vous me parlez de tableaux; mais je n’en achète plus
depuis que je paie des subsides. Il faut savoir prescrire des bornes à ses goûts
comme il ses passions. » Ce qui ne l’empêche pas, trois ans plus tard, de négocier
l’achat d’un Corrège à un couvent italien. « Ce serait, dit-il, toujours un bel avan-
tage pour les moines de pouvoir faire bâtir une chapelle d’argent hérétique. Si
l'on veut le prix du Corrège, je le paierai sitôt. »

En outre des tableaux qu’il achetait, Frédéric avait encore ceux qu’il faisait
peindre à Berlin par ses peintres de cour. De ces peintres, le plus remarquable
était sans contredit Antoine Pesne, dont M. Seidel s’est déjà lui-même chargé de
nous parler. L’ami et collaborateur de Pesne, l’architecte Ivnobelsdorff, était lui
aussi un peintre, notamment un portraitiste, de talent.

Trop faible dans ses dernières années pour peindre les grandes compositions
décoratives que le roi lui commandait, Pesne avait fait venir de Paris son confrère
Charles-Amédée-Philippe Van Loo : ce fut Van Loo qui, à sa mort, lui succéda
dans la charge de premier peintre du roi. Il imitait si fidèlement la manière de
Pesne que la plupart de ses peintures sont aujourd’hui encore attribuées au vieux
maître,

Nous n’avons parlé jusqu’ici que des peintures achetées par Frédéric : voici
maintenant quelques mots sur ses acquisitions, en fait de statues, vases, etc.

En 1742, la seconde année de son règne, Frédéric acheta la grande et fameuse
collection du cardinal de Polignac, comprenant une quantité d’œuvres antiques,
statues, bustes, reliefs, urnes, etc., et aussi divers morceaux très importants de
sculpture française. Cet achat fut l’événement capital de sa carrière de collection-
neur : et aujourd’hui encore, c’est la collection Polignac qui forme la base du
beau musée des antiques de Berlin.

Le cardinal de Polignac avait rencontré à Rome son compatriote, le sculpteur
Lambert-Sigisbert Adam ; il lui avait commandé la restauration de plusieurs
antiques, et aussi deux pièces originales, conservées aujourd’hui à Sans-Souci, les
bustes de Neptune et d'Ampliitrite.
 
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