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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Alexandre Brongniart, l’architecte auquel Clodion devait tant de
commandes avantageuses. Pajou était assisté du premier peintre du
Roi, le chevalier Pierre, et de l’architecte Moreau, contrôleur et
inspecteur des bâtiments de la ville de Paris.
Cet acte de mariage offre une particularité bien singulière. Clo-
dion est dit fils de défunt Thomas Michel, marchand traiteur., et de
dame Anne Adam, absente, et dont le domicile est inconnu. Voilà
qui donnerait une triste idée de la piété filiale de l'artiste. Qu’il n’ait
pas cherché à dissimuler l’humble condition de son père, cela serait
plutôt à son honneur, et cependant qui se fût récrié s’il eût donné
au beau-frère des Adam le titre de sculpteur auquel il avait quelques
prétentions et peut-être quelques droits? Mais comment a-t-il pu
souffrir cette constatation publique de son indifférence complète pour
sa mère? Vit-elle encore, est-elle morte? On l’ignore. Habite-t-elle
Paris, est-elle retirée dans sa ville natale? En vain on interroge son
fils. Il ne sait rien. Il n’a pas eu besoin de son consentement pour se
marier; et, comme il a sans doute cessé toute relation avec la pauvre
vieille depuis bien des années, il n’a pas même eu l’idée de l’appeler
à cette fête de famille. Nous avions vu Clodion prêter son assistance
à ses frères, à ses oncles ; il paraissait animé des sentiments les
plus affectueux pour tous les siens. Comment expliquer cet oubli
complet des devoirs les plus sacrés? N’y aurait-il pas eu à ce moment
chez cet homme enivré par le succès comme une oblitération du
sens moral? Peut-être l’habitude de ces sujets qu’il traitait avec une
virtuosité incontestable, renfermait-elle un danger d’autant plus
grand qu’il arrivait à l’âge où les passions s’exaltent et tournent à
une sorte de folie. Du moment où il contractait un mariage honorable,
bien que disproportionné sous le rapport de l’âge, il semblait disposé
à se ranger, à faire le nécessaire pour adopter une vie régulière et
honorée. Tout au contraire, c’est de ce moment que semblent dater
ses compositions les plus libres et, tranchons le mot, les plus licen-
cieuses. Les bacchanales aquatiques de ThôteldeBesenvalsont de 1783.
Un mariage contracté sous de pai’eils auspices n’offrait guère de
conditions sérieuses de bonheur. L’harmonie régna-t-elle longtemps
dans le ménage? C’est douteux. On sait que le divorce de Clodion et
de Flore Pajou fut prononcé le 13 pluviôse an II (1er février 1794), et
certains indices donneraient à penser que les torts les plus graves,
sinon tous les torts, étaient du côté du mari. Demandé par la femme,
le divorce fut prononcé malgré l’absence du mari; c’est déjà une pré-
somption défavorable pour lui. Mais il y a un autre témoignage
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Alexandre Brongniart, l’architecte auquel Clodion devait tant de
commandes avantageuses. Pajou était assisté du premier peintre du
Roi, le chevalier Pierre, et de l’architecte Moreau, contrôleur et
inspecteur des bâtiments de la ville de Paris.
Cet acte de mariage offre une particularité bien singulière. Clo-
dion est dit fils de défunt Thomas Michel, marchand traiteur., et de
dame Anne Adam, absente, et dont le domicile est inconnu. Voilà
qui donnerait une triste idée de la piété filiale de l'artiste. Qu’il n’ait
pas cherché à dissimuler l’humble condition de son père, cela serait
plutôt à son honneur, et cependant qui se fût récrié s’il eût donné
au beau-frère des Adam le titre de sculpteur auquel il avait quelques
prétentions et peut-être quelques droits? Mais comment a-t-il pu
souffrir cette constatation publique de son indifférence complète pour
sa mère? Vit-elle encore, est-elle morte? On l’ignore. Habite-t-elle
Paris, est-elle retirée dans sa ville natale? En vain on interroge son
fils. Il ne sait rien. Il n’a pas eu besoin de son consentement pour se
marier; et, comme il a sans doute cessé toute relation avec la pauvre
vieille depuis bien des années, il n’a pas même eu l’idée de l’appeler
à cette fête de famille. Nous avions vu Clodion prêter son assistance
à ses frères, à ses oncles ; il paraissait animé des sentiments les
plus affectueux pour tous les siens. Comment expliquer cet oubli
complet des devoirs les plus sacrés? N’y aurait-il pas eu à ce moment
chez cet homme enivré par le succès comme une oblitération du
sens moral? Peut-être l’habitude de ces sujets qu’il traitait avec une
virtuosité incontestable, renfermait-elle un danger d’autant plus
grand qu’il arrivait à l’âge où les passions s’exaltent et tournent à
une sorte de folie. Du moment où il contractait un mariage honorable,
bien que disproportionné sous le rapport de l’âge, il semblait disposé
à se ranger, à faire le nécessaire pour adopter une vie régulière et
honorée. Tout au contraire, c’est de ce moment que semblent dater
ses compositions les plus libres et, tranchons le mot, les plus licen-
cieuses. Les bacchanales aquatiques de ThôteldeBesenvalsont de 1783.
Un mariage contracté sous de pai’eils auspices n’offrait guère de
conditions sérieuses de bonheur. L’harmonie régna-t-elle longtemps
dans le ménage? C’est douteux. On sait que le divorce de Clodion et
de Flore Pajou fut prononcé le 13 pluviôse an II (1er février 1794), et
certains indices donneraient à penser que les torts les plus graves,
sinon tous les torts, étaient du côté du mari. Demandé par la femme,
le divorce fut prononcé malgré l’absence du mari; c’est déjà une pré-
somption défavorable pour lui. Mais il y a un autre témoignage