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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 9.1893

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Nr. 6
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Bouchot, Henri: Les Salons de 1893, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24662#0482

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442

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

d’ivoire décrit aussi justement un rayon d’avril, que la couche
d’huile grasse étendue sur un morceau de toile et montrant une
femme nue. C’est aujourd’hui par la femme nue que les peintres
écrivent le mot printemps, libre aux musiciens de le traduire en leur
langage. D’ailleurs nous n’eûmes pas plus de mots, mon peintre et
moi ; il me parla, je crois bien de David — est-ce bien de David au
fait ? — critiqué par Diderot et qui ne s’en porte point plus mal. Sous
le discours je sentais que lui n’était pas si loin de se comparer à
David, mais que moi il ne me comparait pas à Diderot. Je ne lui en
veux de rien ; iL fait de superbes toiles, il est dignitaire dans un
ordre chevaleresque ; je fais de la pauvre écriture, nos hiérarchies
sont donc sauves.

Toutefois il me reste de l’entretien une modestie dont tout au
plus j’ose sortir, et cependant il faut — pour mon pain, mettez —
que je dresse quelques phrases. Avant que d’avoir tantôt causé,
j’étais muni, je savais des écoles, je possédais des groupements, et
suivant l’ancien jeu, j’entrevoyais peut-être des curiosités à dire.
Depuis mon affaire je demeure bouleversé. En entrant dans ces salles
très arrangées et fort seyantes où rayonnent les chefs-d’œuvre, je
me vois très petit. Je sens que, même fussé-je Diderot, les chefs-
d’œuvre îœsteront chefs-d’œuvre, etsi j’en crois les voix intéressées,
ils sont plus nombreux que jamais cette année. Des lettres me sont
parvenues qui appellent mon attention; on me soupçonne peu doué
et on m’aide. M’en voici aux remerciements à rendre. Même, mon
grand personnage m’a bienveillamment tendu la perche et désigné
au moins trois « sincérités de premier ordre » parmi lesquelles une
sienne. Entendez qu’il veut m’éviter d’écrire une sottise comme ce
pauvre X***. J’ai eu la curiosité de recourir à ce pauvre X, et j’en
reste conterné, X disait du bien, tant de bien que je n’eusse sujamais
faire. Seulement le maître espérait une meilleure façon. Nous ne
savons guère deviner, nous, les moyens esprits, ce que les grands pen-
sent d’eux-mêmes; en général ils sont plutôt pour le bien extrême.

D’autres ennuis viennent assaillir ce salonnier, c’est la diversité
d’aperçus émis sur une même chose par les compétences supérieures.
D’où l’on pourrait juger que l’esthétique n’est point en soi une
matière très absolue ni sûre. Suivant que vous écoutez les uns ou les
autres, il est extraordinaire combien la vision se déplace et oscille.
L’avantage du modeste écrivain, même s’il est daltoniste et voit en
vert les œillets rouges, c’est de ne pouvoir entraîner autrui dans son
erreur. Qu’un illustre au contraire se devine affligé de cette
 
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