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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
comme un roman de Zola, aura tout ainsi un fort compte à rendre.
On a ci-devant touché un mot des prix de Rome jetant le froc;
dans le portrait, cet oubli du devoir soulève moins d’orages. Depuis
les vieux classiques, il est admis que tout en gardant intact le
dépôt sacré, un peintre romain peut descendre à l’effigie; l’essentiel
est de ne point tomber jusqu’au tableau de genre. Lorsque, ces temps
passés, M. Chartran peignait le pape Léon XIII, il suivait les tradi-
tions rapliaëlesques ; mais il sera réputé amoindri pour son préfet
de police et son gentilhomme à monocle. Un prix de Rome fait un
pape ; il déroge en guettant son modèle en deçà, fût-ce Sarcey. D’où
M. Fournier sera blâmé de son Mounet-Sully, éclairé crûment à la
lumière électrique et tamponnant ses joues de blanc fade. En quoi
cela est-ildécheoir, interrogeront les hors de cour? Je n’en sais rien ;
le fait est qu’on le dit.et que j’en ai retenu la phrase.
J’ai l’autre soir accompagné un artiste, point jaloux ni affilié à
des sectes. Il cherchait, disait-il, un bouquet de portraits dont il
garderait les photographies. Yoici son choix que je vous livre.
En plus de ceux dont nous venons de parler, il prenait Y Artiste
de Mlle Frédérique Yallet, la Fille à la guitare de M. Wedder, un
portrait de M. Paul Hippolyte Flandrin, une exquise petite figure
de M. Duvent, et le délicieux portrait de MmeFlameng par son mari.
Là-bas, en très belle place, le Victor Considérant de Jean Gigoux.
— De Gigoux cette toile claire? — Comme vous le dites. — Voyons !
voyons ! Gigoux a connu Gérard, et Mme Vigée-Lebrun, il a dans le
temps de la Révolution de Juillet conquis une première médaille
(si je calcule bien, cela marque plus de soixante ans) et le voici aux
choses de plein air? — Il a beaucoup vu de races d’hommes, et à
chacune il a pris ce qu’il jugeait de bon. — Ah! le vaillant! — Certes!
Et par l’esprit, de bien peu un des plus jeunes exposants de céans. —
Et Victor Considérant vit encore? — Il vit et il n’a plus sa queue.
Il s’en est séparé, comme a fait Gigoux du romantisme et du réalisme ;
le portrait explique toutes ces choses, et sauf le bon plaisir des
distributeurs de gloire je ne manquerais point d’attacher le ruban
rouge au col d’un pareil homme, lequel eut été baron en d’autres
circonstances...
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
comme un roman de Zola, aura tout ainsi un fort compte à rendre.
On a ci-devant touché un mot des prix de Rome jetant le froc;
dans le portrait, cet oubli du devoir soulève moins d’orages. Depuis
les vieux classiques, il est admis que tout en gardant intact le
dépôt sacré, un peintre romain peut descendre à l’effigie; l’essentiel
est de ne point tomber jusqu’au tableau de genre. Lorsque, ces temps
passés, M. Chartran peignait le pape Léon XIII, il suivait les tradi-
tions rapliaëlesques ; mais il sera réputé amoindri pour son préfet
de police et son gentilhomme à monocle. Un prix de Rome fait un
pape ; il déroge en guettant son modèle en deçà, fût-ce Sarcey. D’où
M. Fournier sera blâmé de son Mounet-Sully, éclairé crûment à la
lumière électrique et tamponnant ses joues de blanc fade. En quoi
cela est-ildécheoir, interrogeront les hors de cour? Je n’en sais rien ;
le fait est qu’on le dit.et que j’en ai retenu la phrase.
J’ai l’autre soir accompagné un artiste, point jaloux ni affilié à
des sectes. Il cherchait, disait-il, un bouquet de portraits dont il
garderait les photographies. Yoici son choix que je vous livre.
En plus de ceux dont nous venons de parler, il prenait Y Artiste
de Mlle Frédérique Yallet, la Fille à la guitare de M. Wedder, un
portrait de M. Paul Hippolyte Flandrin, une exquise petite figure
de M. Duvent, et le délicieux portrait de MmeFlameng par son mari.
Là-bas, en très belle place, le Victor Considérant de Jean Gigoux.
— De Gigoux cette toile claire? — Comme vous le dites. — Voyons !
voyons ! Gigoux a connu Gérard, et Mme Vigée-Lebrun, il a dans le
temps de la Révolution de Juillet conquis une première médaille
(si je calcule bien, cela marque plus de soixante ans) et le voici aux
choses de plein air? — Il a beaucoup vu de races d’hommes, et à
chacune il a pris ce qu’il jugeait de bon. — Ah! le vaillant! — Certes!
Et par l’esprit, de bien peu un des plus jeunes exposants de céans. —
Et Victor Considérant vit encore? — Il vit et il n’a plus sa queue.
Il s’en est séparé, comme a fait Gigoux du romantisme et du réalisme ;
le portrait explique toutes ces choses, et sauf le bon plaisir des
distributeurs de gloire je ne manquerais point d’attacher le ruban
rouge au col d’un pareil homme, lequel eut été baron en d’autres
circonstances...