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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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Nr.1
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Leprieur, Paul: Correspondance d'Angleterre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0088

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CORRESPONDANCE D’ANGLETERRE.

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moment unique dans l’histoire de sa carrière, où, sans trop de complications et
d’ingénieuses combinaisons rythmiques, il s’abandonne encore et se livre, il est
plus humain et plus simple. Bientôt, à force de l’endiguer, il refroidira son émotion.
Le magnifique tableau du Chant d'amour (1865), bien que supérieur à celle aqua-
relle pour l’importance et le style, ne la vaut pourtant pas pour la candeur du
rêve et la grâce juvénile de l’invention. Un grain de système est déjà né.

La manière postérieure de M. Burne-Jones est trop connue pour qu’il soit utile
d’insister : pondération harmonieuse des mouvements et des lignes, dosage savant
des couleurs et de l'expression, effort constamment poursuivi vers la netteté des
contours, et, dans l’arrangement, vers tout ce qui a un sens ornemental et un aspect
plastique. Le décorateur désormais prime tout. De là ses qualités, comme aussi
scs défauts. Les lecteurs de la Gazelle n’ont plus à être renseignés sur ce point.
Botticelli et Mantegna lui ont donné un amour de la précision, qui aboutit parfois
à des duretés, à des sécheresses, mais le plus souvent enserre et concentre l’idée
avec une infinie grandeur. C’est vers 1866, dans la petite aquarelle de Théophile ou
la Légende de sainte Dorothée, que se manifeste pour la première fois, notamment
dans la figure de l’ange, le contact avec les délicatesses de l’art florentin. A partir
de ce moment, et surtout du Vin deCircé (1869) ou de Phyllis et Demophoon (1870),
il faudrait tout citer : car il n’est pour ainsi dire pas d’année qui ne voie éclore
ou finir un chef-d’œuvre. Le format des peintures augmente, ainsi que leur valeur.
Si les allégories des Saisons (1869-70) témoignent encore d’un peu d’inexpérience
pour donner aux figures du caractère et de l’ampleur décorative, la suite aes Vertus,
la Foi, la Charité, Y Espérance, et celte admirable Tempérance, où tout est si noble-
ment mesuré depuis le geste et la pose jusqu’au ton, le montrent bientôt (1871-72)
en possession d’une incomparable maîtrise. Contenions-nous de saluer au passage
les œuvres jadis célébrées par nous ou d’en fêter de nouvelles : de grandes aqua-
relles comme Y Amour dans les ruines (1873) ou la série des Jours de la Création
(1876); des tableaux comme Y Enchantement de Merlin (1874), Laus Veneris avec
son merveilleux fond de tapisserie tissue d’or (1873-75), le Miroir de Vénus à la fois
si éclatant et si doux dans l’épanouissement dégradé de ses teintes en fleurs
(1875), l’étrange et curieuse Sibylle de Delphes, autrefois gravée par M. Guérard
pour la Gazette et qui appartient à la Corporation de Manchester (1877), la petite
série de Pygmalion (1878), la grande et bizarre Annonciation de lord Carliste
(1879), ces harmonies en bleu mauve d’hortensia ou en blanc de neige qu’il appelle
Dies Domini et Y Escalier d’or (1880), la Nymphe des mers et la Nymphe des bois
encore plus osées dans leurs tonalités franches et hardiment symboliques, en
bleu vif ou vert émeraude (1881-83), l’ingénieux, délicat et brillant Festin dePèlèe
(1881), le Moulin elles Heures conçus tous deux sur le même mode de tons entiers
et un peu durs (1882), la Boue de la Fortune, solennelle et grave en son austérité,
dans la monochromie voulue de ses gris d'argent (1883), le Roi Cophetua qu’on peut
presque considérer comme le chef-d'œuvre de l’artiste (1884); les Profondeurs de
la mer, ce rêve touchant et doux sur le vers de Virgile, « Habes Iota quod mente petisti,
infelix », qui figure actuellement au Ghamp-de-Mars, exprimant si douloureusement,
jusque dans la tristesse concentrée du ton, le triomphe inutile de la Sirène, qui n’a
plus dans les bras qu’un cadavre (1886) ; le Jardin de Pan (1887), Danaé et la tour
d’airain (1888). Légendes chrétiennes ou païennes, mythes du moyen âge ou de
l’antiquité, inventions personnelles, allégories, symboles : tel est le champ où s’est
 
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