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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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Leprieur, Paul: Correspondance d'Angleterre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0095

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

de couleur, des taches vives et jetées à la diable. Son Marché d’esclaves, daté de
Zeïlah, à la Royal Academy, est une ébauche extraordinairement brillante, avec
des blancs, des noirs ou des rouges éblouissants, h’Adoration des Mages en pays
nègre, dans la clarté grise de la nuit, qu’il expose à la New Gallery (Or, encens et
myrrhe), est également dans son genre une œuvre intéressante, quoique encore
plus lâchée de facture. De lui, certainement, on peut beaucoup attendre. M. Tuke
n'a pas à se repentir non plus d’avoir voyagé. Son Récolleur de citrons, de même
que la simple étude du Jardin de Corfou, au milieu duquel il paraît avoir posé,
ont une franchise et une liberté, une saveur d’harmonie osée dans les verts et les
jaunes clairs, qui leur donnent grand charme. Plus d’accord avec les impressions
coutumières, le premier surtout, MM. Solomon et Bramley ont remporté à la
Royal Academy deux des gros succès du Salon : l’un avec un tableau qu'il intitule
A votre santé! (Your liealth!) représentant dans l’atmosphère un peu étouffée et
sourde d’une fin de repas, parmi les reflets des lampes et des candélabres, une
élégante société d’hommes en habit noir et de jeunes femmes en toilettes claires,
portant la santé du maître de la maison; l’autre, dans la Cinquantaine, nous
montre un vieux couple de marins, auquel leurs petits-enfants apportent des
fleurs, près de la table encore servie, en plein air, sur la hauteur d’où l'on
domine au loin le port. L’un et l’autre tableau sont infiniment adroits, et ce der-
nier particulièrement est tout à fait étrange et doux d’apparition, dans une gamme
amortie de notes tendres au premier plan, de jaunes plus vifs au second, dans la
lumière, aussi anglais par la tonalité que par la nuance spéciale de l’attendrisse-
ment. Seraient également à citer MM. La Thangue, Clausen, Stanhope Forbes,
quoique plus terne cette année que d habitude (le Phare), Bacon, Lorimer, No-
well, Harcourt et Crawford.

De sculpture, peu ou point. M. Onslow Ford la représente pour ainsi dire seul
dignement, avec le buste en bronze du peintre Hamilton et une petite statuette
d’Égyptienne battant des mains (Applaudissement). C’est à la Bellone de M. Gérôme
qu’allait le succès, quoique, dans le demi-jour paisible de la salle de l’Academy où
elle trônait, elle nous parût encore plus déclamatoire et agitée, plus fausse de ton,
plus criarde, ainsi qu’un joujou d’étagère rapetissé, que dans la grande lumière
vive du Palais de l’Industrie, qui en calmait les violences.

Mieux qu’à l’Academy, et à la New Gallery, qui sont lieux respectables et où
l’on n’entre pas sans une certaine tenue, il a été possible de se familiariser ce
printemps en quelques cercles choisis avec les toutes dernières tendances de la
peinture anglaise contemporaine, les plus originales et les plus neuves à coup sùr,
sinon les moins aventureuses. C’est à Glasgow surtout, dans l’école écossaise, que
l'amour des nouveautés a surgi. Peu à peu la doctrine a pris corps : elle est en
train de s’ériger en système, et fait tous les jours des adeptes. Il ne m’étonnerait
pas de la voir entrer un de ces jours tambour battant jusque dans les sacrés parvis.
En attendant que les portes de l’Academy s’abaissent devant elle, dépêchons-nous
de l’étudier, tandis qu’elle a encore son allure révolutionnaire et sa fraîcheur d’inédit.

L’impressionnisme anglais — car il s’agit d’impressionnisme — est infiniment
différent du nôtre. Il a jusque dans ses audaces, ses violences, ses exagérations,
qui dépassent même parfois les nôtres, beaucoup plus de distinction et d’élégance,
de « respectability » en un mot : c’est là son cachet britannique. La vulgarité et
 
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