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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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Nr. 5
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Lostalot, Alfred de: Charles Gounod
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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0457

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440

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

alors dirigé par M. Carvalho (1859). Avec Philémon et Baucis (1860), Gounod
est à l’apogée de sa gloire, mais il ira pas épuisé son talent. Si la Reine de
Sctba (1862) n’obtient qu’un succès d’estime, Mireille (1864), puis Roméo et
Juliette (1867) fondent sur des bases inébranlables la réputation du maître.

Dans toutes les partitions que Gounod a écrites depuis cette époque, les
Deux-Reines, la Colombe, Cinq-Mars (1877), Polyeucte (1878), le Tribut de
Zamora (1881), comme dans ses oratorios Gai,lia, Rédemption, Mors et Vita,
les belles pages ne sont pas rares, mais on sent que le maître a déjà dit ce
qu’il avait à dire, l’inspiration ne se renouvelle plus : le musicien écrit
toujours dans sa belle langue sonore et facile, mais il ne crée plus.

Gounod est mort à Saint-Cloud dans la matinée du 18 octobre, terrassé par
une attaque d’apoplexie.

Nous entendrons, dans quelques jours, son œuvre dernière, celle où il a
voulu mettre toute son âme d’artiste et de chrétien. Comme Mozart, sa con-
stante idole, il meurt sans avoir pu terminer complètement cet ouvrage : une
messe de Requiem. Puisse son chant du cygne être comparable à celui de
Mozart! Il aurait terminé sa carrière par un chef-d’œuvre.

Gounod, membre de l’Institut et grand-officier de la Légion d’honneur, a
joui pleinement de sa gloire, mais la fortune lui vint tard : la partition de
Faust lui avait été payée 6,000 francs; il est vrai de dire que son éditeur
partagea généreusement avec lui les millions qu’elle a rapportés.

C’est un grand malheur pour le présent et pour l’avenir de la musique
française que cet artiste si bien doué, et si complètement de sa race, n’ait
jamais professé au Conservatoire. Peut-être eùt-il décidé, parsa verve gauloise
et par l'éloquence suprême de ses propres compositions, un certain nombre
d’élèves à rester dans les traditions de l’art de leur pays ; notre école ne serait
peut-être pas vouée tout entière au culte de la mélodie continue. Quel autre
eût pu affirmer avec une autorité semblable la prééminence de l’idée sur la
forme, la nécessité du rythme, de la mesure, de la concision et de la diver-
sité! Certes il l’aurait vaillamment défendu cet art qui le passionnait et qu’il
aimait pour lui-même. Et n’était-ce pas la meilleure manière d’honorer, d’exal-
ter la musique, que de la proclamer une entité artiste, n’admettant aucun par-
tage, aucune compromission avec la peinture, la littérature ou la philosophie?

Mais Gounod est mort, regrets superflus ! Saluons une dernière fois ce
délicieux artiste dont les productions sont comme une éclaircie dans les
brumes du Nord où la musique française s’est volontairement plongée.

ALFRED DE LOSTALOT

Le Rédacteur en chef gérant : LOUIS GONSE.

Sceaux. — lmp. Charuire et Cie.
 
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