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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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Nr. 6
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Murga, Gonzalo de: Lettre d'Allemagne: le "Cycle de Berlioz" à Carlsruhe
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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0522

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502

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

dos meilleures pages du maître, et ce succès même a servi à accréditer la légende
delà supériorité de sa musique symphonique sur celle qu’il écrivait pour la scène.
Le cliché facile : « il rie reste de cet opéra que ses ouvertures » a couru dans le
public, qui s’en est contenté, et on le répète de confiance. Pendant longtemps, en
France, on en a dit autant à propos de l'ouverture de Tannhaüscr et du prélude
de Lohengrin. Or, si la fausseté de cette opinion est certaine et, aujourd’hui,
reconnue, pour les deux œuvres de Wagner, elle est bien plus grande encore en
ce qui concerne Benvenuto. On peut dire, en effet, sans exagération, que l’ouverture
de Tannhaüser et le prélude de Lohengrin égalent et même dépassent ce qu’il y a
de plus beau dans ces deux ouvrages, tandis que les ouvertures de Benvenuto, si
brillantes, si colorées qu’elles soient, ne sont qu’un pâle reflet des merveilles de
l’opéra. C’est ce que nous venons de constater avec une joie mêlée de quelque sur-
prise, tant est grande, sur tous les esprits, la force des idées reçues.

« 11 y a quatorze ans, écrivait Berlioz, en 1850, à propos des premières repré-
sentations de Cellini, que j’ai été ainsi traîné sur la claie à l’Opéra; je viens de
relire avec soin et avec la plus froide impartialité ma pauvre partition, et je ne
puis m’empêcher d’y rencontrer une variété d’idées, une verve impétueuse et un
éclat do coloris musical que je ne retrouverai peut-être jamais et qui méritaient
un meilleur sort. » C’est vrai, mille fois vrai, mais on trouve bien modeste cette
mélancolique protestation, quand on vient d’entendre le chef-d’œuvre si stupide-
ment dédaigné. Je bénis M. Molli pour la révélation que nous lui devons. Je n’ima-
ginais pas, je l’avoue, que Benvenuto Cellini valût, à lui seul, le voyage d’Allemagne,
et, sans l’attrait du cycle entier, qui m’a entraîné vers Carlsruhc, j’ignorerais
encore, ou ne verrais qu’à travers des voiles, l’une des plus belles œuvres de l’art
lyrique...

Le livret de Benvenuto .(le seul que Berlioz n’ait pas écrit lui-même) est
franchement médiocre, bien que l'un des auteurs soit Auguste Barbier, le célèbre
auteur des ïambes. Les quelques hardiesses de style que ce poète y a introduites
en constituent la seule originalité, d’ailleurs bien inutile et nécessairement perdue,
tandis que ce qui importe avant tout dans un scénario d’opéra : la structure géné-
rale, l’intérêt des situations, l’enchaînement des scènes, les caractères des person-
nages, reste assez pauvre et d’invention banale. Mais on y trouve, cependant, des
situations qui prêtent à merveille au développement musical et Berlioz, s’en
emparant avec joie, leur a donné tant d’importance, les a traitées de si magistrale
façon, que tout prend vie et se transfigure, et qu’à la représentation (du moins
pendant les deux premiers actes) on ne s’aperçoit nullement de cette médiocrité du
livret. Le troisième acte, si riche qu’il soit en beautés musicales, se ressent davan-
tage de la pauvreté du poème, dont la trame làclic donne à l’action une allure un
peu languissante, mais encore n’est-ce que par intervalles que la musique nous
laisse le loisir d'éprouver celle sensation.

Il ne s'agit pas, ici, d’analyser une partition considérable où presque tout serait
à souligner et à admirer; je ne puis qu’en indiquer la physionomie générale et
dire l’énorme impression qu’elle produit dans son ensemble. Ce qui frappe surtout,
dans cette œuvre sifflée par nos pères, c’est l’incroyable abondance et la fraîcheur
des idées, la souplesse, l’élégance, la variété, la distinction de la mélodie, et, par-
dessus tout, la verve, l'éclat, le mouvement, la vie, la joie. C’est la plus vive et
la plus jeune des productions de Berlioz, la moins intérieure., aussi, parce que le
 
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