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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0528

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508

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

pittoresque, imagé, chaud et. coloré, hardi en ses formes ondoyantes et en ses
caprices imprévus, forgeant, là où il manque, le mot nécessaire et propre, et
assouplissant la phrase aux besoins de la chose à peindre..., voilà à grands traits
ce que les deux frères ont donné aux lettres et à l'art du xixe siècle. Et, dès
leur début, ils annoncent cette rare et exquise faculté d’observation pénétrante,
cotte hardiesse de jugement, cette sagacité d'une critique neuve, aussi indépendante
dans le blâme que dans l’éloge, en un mot, toutes ces qualités maîtresses qui se
développeront plus tard dans leur plein épanouissement.

Aussi est-ce une heureuse idée que d’avoir remis en lumière leurs études d'art
sur le Salon de d852 et sur la peinture à l'Exposition de 1853. On les y trouve déjà
tout armés pour celte rénovation de la critique d’art, qui sera un de leurs caractères
distinctifs. Abattant sans pitié des idoles vénérées, révélant des talents inaperçus,
ils disent ce qu'ils pensent, tout ce qu'ils pensent, rien que ce qu'ils pensent, et,
malgré quelques révoltes contre ces irrévérences ou ces admirations inattendues,
ils sont si convaincus et parlent une langue si expressive, que le plus rebelle se
sent ébranlé.

C’est surtout clans leurs considérations générales sur la peinture à l’Exposition
universelle qu'éclatent cette indépendance et cette originalité d’appréciation, dont
on subit le charme entraînant, alors même que l’on garde quelque chose de
l’opinion contraire. Faut-il croire avec eux que la peinture doit abjurer toute
prétention spiritualiste et qu’elle est « plutôt un art matérialiste, vivifiant la
forme par la couleur, incapable de vivifier par les intentions du dessin, le par-
dedans, le moral et le spirituel de la créature. » Certes ils nous donnent de fort
bonnes raisons appuyées sur de grands exemples : « Yéronèse, Titien, Rubens,
Rembrandt! Grands peintres! vrais peintres! flamboyants évocateurs des seules
choses évocables parle pinceau, le soleil et la chair! Ce soleil et cette chair que la
nature refuse toujours aux peintres spiritualistes, comme si elle voulait les punir
de la négliger et de la trahir! »

Les deux frères expliquent, dans quelques pages véritablement éloquentes,
pourquoi, selon eux, lapeinturereligieuseest interdite auxixesiècle : « L’ardeur d’une
croyance toute neuve, l'élan d'une religion neuve et militante, les rêves de l'huma-
nité tournés vers le service de Dieu, le souffle d’en haut, le ravissement, l’extase,
toutes ces choses sont nécessaires à la peinture religieuse. Et cela est si vrai
que le don de cette peinture n’a pas été attribué à toute l'Europe catholique; il n'a
été attribué qu'aux tempéraments bouillants, qu’aux imaginations débordantes,
qu’à la foi enflammée de l'Espagne et de l'Italie; seuls les pays de l’Inquisition
ont eu des peintres religieux. » Et ils dénient à l’art du protestantisme la faculté
d'aborderles sujets sacrés : « Quels rayons demanderez-vous à cette religion d’hiver,
à cet évangile disciplinaire, à ce Dieu fait de raison, au temple iconophobe qui
a proscrit de ses murailles nues le sursimi corda des chefs-d'œuvre? Hélas! vains
efforts que les efforts des crayons de Ivaulbach et de Cornélius, quêtant le céleste
et l'idéal! Seules, elles répondent à l’appel les lignes sèches et sévères d’une pra~
tique tout humaine, d'une habileté ininspirée. En la nouvelle Jérusalem de la
peinture, les anges ne descendent pas du ciel, ils montent de la terre ; ce n'est
pas cette Jérusalem, une cité mystique, une cité de Dieu, mais une haute demeure
que peuplent les pensées des hommes; et ce sont des muscs morales qui en
ouvrent les portes d'or. Rien ne vit en ces toiles incolores de la peinture
 
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