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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 10.1893

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https://doi.org/10.11588/diglit.24663#0532

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512

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

vraie place, à une des plus hautes, Félicien Rops, le sarcastique Forain, Degas, qui
a su le mieux attraper dans la copie et la vie moderne l\hne de cette vie. Et, pour mieux
faire comprendre ce qu’etaitdans la pensée desGoncourt la critique d’art ainsi affran-
chie et renouvelée, M. Roger cite fort à propos une jolie page de leurs mémoires :
« Samedi 20 novembre 1875. -— Ce soir, en causant avec Jacquet, le peintre de
la femme à la robe de velours rouge de cette année, j’étais plus que jamais con-
firmé dans l'idée qu’il n’y avait qu’une manière de faire un Salon, un Salon où
l’homme de lettres confesserait le peintre, le forcerait à retrouver toute l’origine
embryonnaire de son œuvre, lui ferait dire les circonstances dans lesquelles elle
est née, les révolutions qu’elle a subies, lui arracherait, pour ainsi dire, la genèse
psychologique de sa toile.

« Oui, pour une intelligence de l’art, il y aurait à faire un Salon tout nouveau,
tout original, un Salon qui ne parlerait que de la vingtaine de tableaux mar-
quants, — un Salon à faire une fois dans sa vie et à ne jamais plus recommencer.
El. même, dans ce Salon, les curieuses notes qu’y apporterait l'anecdote racontant
les choses représentées, ce que j'appellerai le « mobilier de la couleur... » 1

Voyant avec raison dans ces quelques lignes une sorte de manifeste et le plan
d'un Salon idéal, l’auteur de la préface conclut en ces termes :

« Ainsi s'énonce le programme d’une critique planant au-dessus des exigences
du compte rendu, — d'une critique s’attaquant au Présent avec la divination de
la Postérité, — d'une critique qui, loin de se restreindre à la définition des appa-
rences et à la controverse plastique, veut remonter du visible à l’au-delà, de la
main qui obéit au cerveau qui commande. Par le contracte des faciles procédés
d’études employés en 1852 avec ceux-là qui requièrent l'exercice des plus complexes
facultés, il peut être pris conscience de la tâche parcourue, du progrès incessant
accompli par l'intellect depuis l'entrée dans les lettres jusqu’à l’instant qui vit se
formuler le principe d’une crilique affranchie, renouvelée, hautement philosophique.
Conception de vaste envergure, légalement issue des préférences de méditation,
d’analyse des Concourt, et qui d'un Salon vient à faire un roman réel où se con-
fondent en une seule et même étude l OEuvre et l’Homme, l’Art et l’Artiste, l’Esthé-
tique et la Psychologie. »

c. E.

i. «Dans le tableau do Jacquet, continue M. Edmond de Concourt, la robe de velours
rouge venait d’une princesse russe, morte dans un misérable garni. Elle avait été achetée
15 francs par un confrère de Jacquet à un camarade de faction pendant le siège. Et
cette robe, Jacquet la voyait tous les jours, et ce beau ton, qu'il sentait sien, lui
faisait venir des idées de vol. Or, le propriétaire, un ami, était dans le moment en train
de tourner au xvmu siècle. Un beau jour donc, Jacquet prenait dans son atelier un fau-
teuil aux pieds contournés, que son ami regardait du même œil que lui lorgnait la robe.
Le troc accepté, il emportait la robe, et aussitôt en possession de la loque à la splendide
couleur, il esquissait sur une vieille toile, en deux heures, son tableau. »

« 11 n’y a que les choses que l’on enlève comme cela, dit-il, qui sont bonnes. »
Maintenant, dans la robe, la créature qu'il y avait mise était, selon son expression,
une statuette de Saxe, très ébréchée, cassée en beaucoup d'endroits, une statuette à
placer tout en haut sur une planche, de peur qu’un coup de plumeau ne la réduise en
morceaux, une femme dont la cocasse morale, les fêlures psychiques, le ressoudage
incomplet, avaient fait dans la pourpre le caractère do ce tableau. »
 
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