GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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qui est comme l’inimitable signature de Terborch. Sur la table, le
miroir et la boite à poudre, et au fond le petit lit, que nous avons
déjà vus maintes fois. Tout cela, dans le dessin, dans la couleur et
dans la facture, est rendu avec la perfection à laquelle le maître nous
a habitués. Mais ce qui ajoute à l’intérêt de l'œuvre, c’est l’entente
accomplie du tableau et sa merveilleuse unité, grâce à la subordina-
tion des détails et à la répartition intelligente de la lumière qui, tou-
jours discrète, ne met en évidence que les traits les plus significatifs.
Si tout ici est bienfait, tout aussi est à son plan et à sa vraie place; où
que se porte le regard, l’examen le plus attentif ne peut qu’ajouter
à l’admiration.
Dans un autre petit tableau de Terborch, La Toilette, nous retrou-
vons la dame de la Visite seule et assise devant son miroir. Elle vient
d’achever sa toilette et se contemple avec une satisfaction marquée.
Ses traits cependant sont vulgaires et sa taille fort épaisse, mais il
n’entre aucune coquetterie dans le plaisir qu’elle éprouve à se regar-
der; c’est le contentement d’une brave Hollandaise à voir que tout
sur elle est en ordre : ses cheveux nettement tirés en arrière, comme
il convient, son corsage bien ajusté. En bonne ménagère, elle s’est
acquittée de sa tâche quotidienne; la voilà prête, toute disposée à
recevoir ses amies.
De l’émule de Terborch, Gabriel Metsu., exquis comme lui dans
ses bons ouvrages, mais d’une perfection pourtant un peu moins
constante, un tableautin de la collection Dutuit est tout à fait inté-
ressant et expressif. Pourtant le type de cette Joueuse de clavecin
n’a pas, non plus, grande distinction, et l’étoffe comme la coupe de
son costume d’un gris terne manquent complètement d’élégance. A
première vue, on dirait presque une servante qui, en l’absence de
sa maîtresse, promène à la dérobée ses doigts sur le clavecin.Mais, à
y regarder de plus près, la grâce de ses jolies mains, la délicatesse
charmante avec laquelle elle effleure les touches de l’instrument, et,
mieux que cela encore, son air recueilli, ses yeux baissés, son atti-
tude attentive et l’expression de son visage, tout nous révèle le
bonheur intime qu’elle goûte à cette musique faite pour elle seule
et où il semble que s’exhale son âme tout entière. C’est ainsi que
l’art accompli de ces maîtres hollandais élève les données les plus
modestes et en dégage une poésie que l’humilité même des éléments
dont ils disposent rend encore plus imprévue. L’œuvre d’ailleurs
est de marque; elle a fait partie de la collection Choiseul et c’est à
la vente Patureau que M. Dutuit, en ces temps propices aux amateurs
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qui est comme l’inimitable signature de Terborch. Sur la table, le
miroir et la boite à poudre, et au fond le petit lit, que nous avons
déjà vus maintes fois. Tout cela, dans le dessin, dans la couleur et
dans la facture, est rendu avec la perfection à laquelle le maître nous
a habitués. Mais ce qui ajoute à l’intérêt de l'œuvre, c’est l’entente
accomplie du tableau et sa merveilleuse unité, grâce à la subordina-
tion des détails et à la répartition intelligente de la lumière qui, tou-
jours discrète, ne met en évidence que les traits les plus significatifs.
Si tout ici est bienfait, tout aussi est à son plan et à sa vraie place; où
que se porte le regard, l’examen le plus attentif ne peut qu’ajouter
à l’admiration.
Dans un autre petit tableau de Terborch, La Toilette, nous retrou-
vons la dame de la Visite seule et assise devant son miroir. Elle vient
d’achever sa toilette et se contemple avec une satisfaction marquée.
Ses traits cependant sont vulgaires et sa taille fort épaisse, mais il
n’entre aucune coquetterie dans le plaisir qu’elle éprouve à se regar-
der; c’est le contentement d’une brave Hollandaise à voir que tout
sur elle est en ordre : ses cheveux nettement tirés en arrière, comme
il convient, son corsage bien ajusté. En bonne ménagère, elle s’est
acquittée de sa tâche quotidienne; la voilà prête, toute disposée à
recevoir ses amies.
De l’émule de Terborch, Gabriel Metsu., exquis comme lui dans
ses bons ouvrages, mais d’une perfection pourtant un peu moins
constante, un tableautin de la collection Dutuit est tout à fait inté-
ressant et expressif. Pourtant le type de cette Joueuse de clavecin
n’a pas, non plus, grande distinction, et l’étoffe comme la coupe de
son costume d’un gris terne manquent complètement d’élégance. A
première vue, on dirait presque une servante qui, en l’absence de
sa maîtresse, promène à la dérobée ses doigts sur le clavecin.Mais, à
y regarder de plus près, la grâce de ses jolies mains, la délicatesse
charmante avec laquelle elle effleure les touches de l’instrument, et,
mieux que cela encore, son air recueilli, ses yeux baissés, son atti-
tude attentive et l’expression de son visage, tout nous révèle le
bonheur intime qu’elle goûte à cette musique faite pour elle seule
et où il semble que s’exhale son âme tout entière. C’est ainsi que
l’art accompli de ces maîtres hollandais élève les données les plus
modestes et en dégage une poésie que l’humilité même des éléments
dont ils disposent rend encore plus imprévue. L’œuvre d’ailleurs
est de marque; elle a fait partie de la collection Choiseul et c’est à
la vente Patureau que M. Dutuit, en ces temps propices aux amateurs