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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Nr. 1
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Michel, Émile: Tableaux et dessins, [1]: la collection Dutuit
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0035

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

laisser des hommes et des lieux « une image fidèle, exacte, complète
et sans nul embellissement ressemblante », a si pleinement rempli
son programme, que « depuis qu’on s’exerçait à peindre, on n’avait
rien imaginé qui fût aussi vaste et plus nouveau. » Pour difficile et
glorieuse que fût une pareille tâche, Rembrandt l’a cependant
dépassée, et grâce à son génie l’art de son pays ne craint la compa-
raison avec aucun autre. La seule œuvre de lui que possède la col-
lection Dutuit est, à première vue, un peu déconcertante. C’est son
propre portrait, signé en caractères minuscules et daté de 1631.
L’aspect en est plus étrange qu’attrayant. Une fois de plus, il s’est
pris pour modèle et, sous prétexte de se composer un costume orien-
tal, il s’est affublé de tous les oripeaux que dès cette époque il com-
mençait à collectionner : un turban surmonté d’une aigrette, un
manteau de velours grenat jeté sur une tunique de drap d’or con-
stellée de pierres précieuses. Ainsi accoutré, la main droite appuyée
sur une canne et l’autre poing campé sur la hanche, il s’est fièrement
posé dans une attitude de commandement. A ses pieds, un brave
caniche, tout frisé, vrai type du chien d’aveugle, est assis devant lui,
masquant le bas des jambes de ce personnage un peu grotesque,
auquel il donne ainsi l’apparence d’un cul-de-jatte. Les diverses
pièces de ce déguisement ridicule sous lequel l’artiste a pris ses
grands airs et les accessoires dont il s’est entouré, nous les connais-
sons tous pour les avoir vus déjà dans plusieurs œuvres de cette
époque. L’aigrette et le bijou qui l’attache se retrouvent, en effet,
dans l’eau-forte Rembrandt dans un ovale datée de 1634; l’attitude de
la figure, les gants brodés et le bâton que Rembrandt tient à la main,
le premier état de cette gravure nous les montre également; le même
caniche s’étale... fort irrévérencieusement au premier plan du Bon
Samaritain gravé en 1633; le type même de Rembrandt est bien
conforme à celui des eaux-fortes de cette époque, très différent de
celui du charmant petit portrait de La Haye, où il s’est peint vers 1629,
encore adolescent et imberbe. Ici, c’est un homme fait, à la chevelure
crépue, ébouriffée et farouche, à la moustache épaisse et relevée en
crocs; ses traits aussi ont grossi et se sont accentués. La signature
elle-même, avec son orthographe assez rare : Rembrant, est celle de
la Leçon d’anatomie peinte l’année suivante, en 1632. Tant de parti-
cularités concluantes suffiraient à faire présumer l’authenticité de
l’attribution à Rembrandt, contestée, dit-on, par quelques amateurs,
si l’exécution surtout ne la confirmait L L’éclat du costume, la déci-
1. Ce tableau d’ailleurs a ses titres en règle : acheté par M. Dutuit en 1840 à
 
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