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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Nr. 1
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Hamel, Maurice: Les derniers travaux sur Albert Dürer
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0078

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Durer : Schongauer, et, plus encore peut-être, Hans Pleydenwurff, si du moins il
est bien l’auteur du Blockbuch de l’Ars moriendi. Les allégories de la mort sont
de plus en plus répandues, ainsi que les scènes humoristiques empruntées à la vie
des animaux. Le maître E. S., le Maître du Cabinet d’Amsterdam et Schongauer
déploient en ce sens infiniment d’observation et de verve comique. Les Hommes
sauvages, originaires de la Bourgogne et des Flandres, reparaissent aussi dans
l’art du temps, en idylles d’une saveur exquise.

Tout ce que le moyen âge avait tenté s’épanouit dans l’œuvre de Dürer. Il ne
se contente pas de parachever l’héritage direct de l’époque précédente. Par la
grandeur de l’imagination et l’intensité du caractère, il se rattache même plutôt
aux xme et xive siècles. M. Suida divise cette partie de son œuvre en deux groupes.
Dans l’un, il range toutes les scènes de genre qui restent dans les limites du
réel; dans le second, celles où la fantaisie plus libre crée des êtres supra-sensibles
et synthétise les forces de la nature.

L’étude de l’individu dans son caractère intime est la condition essentielle du
genre. C’est en pénétrant l’essence des êtres et des choses que l’artiste leur com-
munique un charme inconscient. D’où l’importance de ces études de plantes et
d’animaux, telles que la Motte de gazon et le Lièvre de l’Albertine, où la vie saisie
dans son principe est si naïvement rendue. Les études de nu, dans les Bains
d’hommes et les Bains de femmes, sont de véritables scènes de genre, pleines d’ani-
mation, de naturel et d’imprévu. Curieux de toutes les formes, Durer reproduit
les modes et les mises de son temps. La Dame au faucon de 1496, qui rappelle
Schongauer, des Vénitiennes, des Nurembergeoises parées pour l’église ou pour
la danse, en tenue d’intérieur, le costume contemporain employé dans les scènes
religieuses, des seigneurs de la cour, des porteurs de bannières pour le cortège
triomphal de Maximilien, des femmes d'Islande, des guerriers irlandais, témoi-
gnent de cet intérêt universel qu’il prend aux apparences extérieures de la vie.
Si dans le portrait il cherche d’ordinaire l’expression typique d’un caractère,
parfois aussi il se rapproche du genre en prenant sur le vif une expression,
une attitude passagères.

L’art allemand, moins radical en cela que celui des Flandres, avait hésité plus
longtemps à dépouiller le drame chrétien de tout caractère surnaturel. Dürer, en
humanisant les scènes divines, sait unir à l’accent familier la couleur légendaire.
Dans le récit de la Passion, à l’exemple des artistes du moyen âge, il introduit
des scènes de genre, comme le combat de Pierre et de Malchus, le groupe des
soldats qui jouent aux dés la robe du Christ, celui des gardes endormis. L’Arres-
tation, la Flagellation lui permettent d’opposer à la noblesse résignée du Christ,
la bestialité repoussante et grotesque des bourreaux. Il exagère la laideur et la
bassesse jusqu’à l’expression simiesque. Tantôt il fait ressortir l’inhumanité des
tourmenteurs par l’expression d’un enfant saisi de pitié; tantôt il pousse l’hor-
reur a son comble en faisant exprimer la haine par cet âge innocent, exaltant
ainsi l’expression morale par analogie ou par contraste.

L’énergie dramatique propre à l’art allemand, et qui le différencie de l’art
néerlandais, plus statique, respire partout dans l’œuvre de Dürer. Il ne saurait
s’astreindre à une imitation purement réaliste de la vie bourgeoise. Mais dans le
délicieux poème de la Vie de la Vierge, il chante, comme Schiller dans la Cloche,
les événements essentiels et significatifs de la vie. Pour la peinture des types et
 
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