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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Nr. 1
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Hamel, Maurice: Les derniers travaux sur Albert Dürer
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0087

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

avec une fenêtre ouverte sur la campagne : tels les portraits de Jean de Saxe, la
Fürlegerin, le Durer de 1498. D’autres fois la figure sera placée devant un rideau
laissant voir un fragment de paysage : ainsi les Tucher de Cassel et de Weimar,
le KrelL de Munich et le portrait d’un Imhof dont nous allons parler. Parti de
l’imitation naïve et directe de la nature, Durer, s’inspirant à la fois de l’Italie et
des Flandres, s’efforça de composer ses portraits d’un façon plus riche, plus
idéale et plus pittoresque.

Dans la collection académique de Bergame, M. Tliode a découvert un portrait
qu’il retire à Lucas de Leyde pour le rendre en toute certitude à Durer. C’est la
figure, vue à mi-corps, d’un tout jeune homme aux longs cheveux bouclés, au
visage plein,ouvert et riant, qui respirera joie et la santé. Debout derrière une
balustrade recouverte de moire, richement vêtu de satin et de fourrure, il tient
de la main gauche une flèche. Cette flèche et l’auréole qui entoure sa tête nous
donnent son nom : Sébastien. Selon l’ingénieuse hypothèse de M. Tliode, nous
avons devant nous un jeune patricien, Sébastien Imhof, dont les relations ami-
cales avec Durer nous sont attestées à plusieurs reprises. L’œuvre est digne du
maître; elle dut être exécutée en 1499 en un jour de belle humeur.

Tout autre est le portrait retrouvé par l’auteur dans la famille JIolz-
hausen, à Francfort. 11 représente un homme mûr, aux traits énergiques et
fiers, aux lèvres minces, au regard ferme et avisé, barbe épaisse et longs che-
veux fauves sous une barrette noire. L’œuvre, reproduite ci-contre, est du plus
grand caractère. Pour concentrer tout l’intérêt sur le visage de son modèle.
Durer atténue l’éclat du coloris, simplifie la pose des mains, revient au fond
uni et sombre. Tout tend à l’unité organique. C’est un système admirablement
lié de lignes souples et fermes, d’une entraînante logique. Ce portrait qui repré-
sente probablement un ancêtre des possesseurs.actuels, cet llamman von Holz-
hausen, promoteur de la Réforme et de l’humanisme, qui, vers 1500, fut envoyé
par ses concitoyens de Francfort à Nüremberg, aurait donc suivi de près
YOswald Ivrell de Munich. Il lui est supérieur par le parfait naturel et l’énergique
simplicité. C’est le plus beau portrait de caractère que Durer ait produit en cette
période.

Enfin, dans la collection Borromeo de Milan, M. Tliode signale encore un
portrait de savant vu de face à mi-corps, signé du monogramme et daté de 1519.
Le personnage âgé, au corps débile, à la tête forte et intelligente, tient un com-
pas et va tracer une figure géométrique sur une feuille de papier. Il s’agit fort
probablement de Tschertte, l’architecte impérial, qui défendit Vienne en 1529
contre les Turcs. Mathématicien éminent, il était lié à Durer par leur commune
passion pour la science : l’artiste lui proposait volontiers des problèmes dont le
savant lui donnait la solution.

Grâce à des investigations hardies et sagaces, la notion que nous avions
du grand artiste allemand se trouve donc notablement élargie, et nous devons
toute reconnaissance à cette critique active qui nous fait pénétrer de quelques
degrés plus avant dans le mystère sacré de son art.

MAURICE HAMEL
 
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