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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Nr. 1
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Cantinelli, Richard: Gustave Ricard
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0103

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Avant de le connaître, je cherchais en vain ma voie; sans illusion
sur ce que je faisais, j’étais, comme beaucoup d’entre nous, décou-
ragé et sans amour pour mon art, surtout depuis que j’avais assez
vu les grands maîtres pour savoir combien j’en étais loin.

C’est dans ces dispositions d’esprit qu’à mon retour de Rome un
accident heureux me retint une partie de l’hiver 1847-1848 à
Marseille et me mit en contact avec Ricard, qui, en brave cœur qu’il
était, ne tarda pas à venir voir un confrère malade et à lui apporter
ce qu’il avait de bonté et de J)omit; volonté pour lui adoucir les
ennuis de la réclusion.

J’avais vaguement entendu parler de lui à Rome comme d’un
jeune chercheur possédé de l’idée fixe de retrouver quelque chose
des procédés des maîtres coloristes; je fus donc très heureux de
faire connaissance avec lui, de recevoir ses confidences sur ses tra-
vaux et sur ses recherches, et enfin de devenir son disciple en exé-
cutant sous sa direction le portrait de mon cher ami le docteur Ro-
berty et celui d’une dame italienne.

Dans son rôle de professeur il conservait toujours la charmante
amabilité de sa nature, et il se faisait d’autant plus modeste qu’il
avait des choses plus sérieuses à me dire ; ainsi, quand il croyait
voir quelque négligence dans un contour, c’était avec un sourire
caressant qu’il me disait en se servant du patois provençal : « Es pas
bien disegnado », pour donner à son observation un petit air bon
enfant paysannesque qui lui ôtait toute apparence pédagogique.

C’est de cette rencontre que date ma résurrection; c’est à Ricard
que je dois la joie de travailler avec bon espoir à la recherche des
modelés profonds, des colorations indécises, des mystérieuses exécu-
tions que nous admirons dans les maîtres et dont ils semblaient
avoir emporté le secret. Notre intimité s’étant resserrée de plus en
pins grâce à la proximité de nos ateliers à Paris, j’ai pu continuer
pendant de longues années les recherches commencées à Marseille
sous la direction de mon aimable maître et ami.

Mais ce qu’il n’a pas pu me donner et ce que personne n’a pu lui
prendre, c’est l’exquise délicatesse de ses préparations, admirables
de lumière et de modelé, et l’accord délicieux de ces dessous avec
les teintes transparentes et colorées qu’il passait par-dessus, pour
atteindre ce que la nature a de plus charmant et de pins insaisis-
sable.

Il a donc pu se dire, malgré sa modestie, qu’il avait retrouvé le
procédé des anciens et que, à force de courage et de persévérance,
 
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