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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
lerie limousine. Moins fréquent est le mode d’insertion du crosseron
sur le nœud qui surmonte la douille. Aussi, malgré l’exemple ana-
logue que présente le trésor de Trêves, serions-nous assez disposé à
voir dans ce buste d’ange aux ailes éployées une rallonge d’un
agréable effet, mais dont l’adjonction ne serait peut-être pas
contemporaine de l’exécution des deux parties qu’elle raccorde.
Au moment où, après trois siècles d’existence et d’éclat, l’indus-
trie de l’émail champlevé venait de s’éteindre, une nouvelle indus-
trie, la peinture en émail, allait assurer à Limoges une prospérité
nouvelle qui devait prolonger sa gloire pendant deux siècles encore.
La collection Dutuit permet d’en suivre l’évolution depuis ses débuts
à la lin du xve siècle jusqu’à la fin du xvie, c’est-à-dire jusqu’au
moment qui précéda le commencement de sa décadence. Le catalogue
de la collection Soltikoff attribuait, en 1861, à un maître inconnu de
la seconde moitié du xve siècle une curieuse plaque où se voit le
Christ flagellé. Darcel n’hésita pas à l’inscrire sous le nom de Mon-
vaerni, lorsque, dix ans plus tard, son nouveau possesseur,
Eugène Dutuit, la lit figurer à L’Exposition de l'histoire du travail.
La gaucherie avec laquelle le peintre cherche à exprimer l’ardeur
des bourreaux contraste ici avec la simplicité calme de la figure du
Christ. Le même dessin très précis du visage, la même manière
d’ombrer de gris la blancheur des chairs, se retrouvent identiques
sur une plaque du même maître limousin. Le Christ mort sou-
tenu par la Vierge, que conserve le inusée de Cluny.
L’art, encore gothique, de Nardon Pénicaud qui, au début du
xvie siècle, inaugura la dynastie et la gloire des Pénicaud, est repré-
senté par trois triptyques montrant chacun, en son panneau central,
le même sujet, la crèche, et, sur les volets, respectivement l’ange et
la Yierge de LAnnonciation, sainte Catherine et saint Michel, saint
Pierre et saint Paul. Les uns et les autres présentent les mêmes
carnations d’un blanc violacé, les mêmes figures poupines que le
modelé bossue, les mêmes pastillages sur paillons et les mêmes
tonalités d’un bleu turquoise très particulier, qui caractérisent le
travail de Nardon et font de ses ouvrages une harmonieuse et
chatoyante imagerie.
De Jean 11 Pénicaud nous ne trouvons ici qu’une pièce, mais
c’est assurément une des plus belles qui soient, et elle suffit à faire
partager à son auteur une gloire que son contemporain Léonard
Limosin paraît avoir un peu accaparée, bénéficiant pour la sienne de
la notoriété des personnages illustres que, pendant quarante ans, il
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lerie limousine. Moins fréquent est le mode d’insertion du crosseron
sur le nœud qui surmonte la douille. Aussi, malgré l’exemple ana-
logue que présente le trésor de Trêves, serions-nous assez disposé à
voir dans ce buste d’ange aux ailes éployées une rallonge d’un
agréable effet, mais dont l’adjonction ne serait peut-être pas
contemporaine de l’exécution des deux parties qu’elle raccorde.
Au moment où, après trois siècles d’existence et d’éclat, l’indus-
trie de l’émail champlevé venait de s’éteindre, une nouvelle indus-
trie, la peinture en émail, allait assurer à Limoges une prospérité
nouvelle qui devait prolonger sa gloire pendant deux siècles encore.
La collection Dutuit permet d’en suivre l’évolution depuis ses débuts
à la lin du xve siècle jusqu’à la fin du xvie, c’est-à-dire jusqu’au
moment qui précéda le commencement de sa décadence. Le catalogue
de la collection Soltikoff attribuait, en 1861, à un maître inconnu de
la seconde moitié du xve siècle une curieuse plaque où se voit le
Christ flagellé. Darcel n’hésita pas à l’inscrire sous le nom de Mon-
vaerni, lorsque, dix ans plus tard, son nouveau possesseur,
Eugène Dutuit, la lit figurer à L’Exposition de l'histoire du travail.
La gaucherie avec laquelle le peintre cherche à exprimer l’ardeur
des bourreaux contraste ici avec la simplicité calme de la figure du
Christ. Le même dessin très précis du visage, la même manière
d’ombrer de gris la blancheur des chairs, se retrouvent identiques
sur une plaque du même maître limousin. Le Christ mort sou-
tenu par la Vierge, que conserve le inusée de Cluny.
L’art, encore gothique, de Nardon Pénicaud qui, au début du
xvie siècle, inaugura la dynastie et la gloire des Pénicaud, est repré-
senté par trois triptyques montrant chacun, en son panneau central,
le même sujet, la crèche, et, sur les volets, respectivement l’ange et
la Yierge de LAnnonciation, sainte Catherine et saint Michel, saint
Pierre et saint Paul. Les uns et les autres présentent les mêmes
carnations d’un blanc violacé, les mêmes figures poupines que le
modelé bossue, les mêmes pastillages sur paillons et les mêmes
tonalités d’un bleu turquoise très particulier, qui caractérisent le
travail de Nardon et font de ses ouvrages une harmonieuse et
chatoyante imagerie.
De Jean 11 Pénicaud nous ne trouvons ici qu’une pièce, mais
c’est assurément une des plus belles qui soient, et elle suffit à faire
partager à son auteur une gloire que son contemporain Léonard
Limosin paraît avoir un peu accaparée, bénéficiant pour la sienne de
la notoriété des personnages illustres que, pendant quarante ans, il