ISO
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
c’était le Suédois Hall, jeune médecin en rupture de codex. Vit-il
emploi d’Esculape auprès de la miniature, devenue malade à force
de perfection? Peut-être, car il parut se mêler de la guérir avec un
zèle énergique. User de la gouache rapide, par touches larges et
pimpantes, traiter le portrait à la mode des aquarelles, prestement,
galamment— relief et vie directe : telle fut l’audace du coquet empi-
rique. Jugeons du toile produit! C’était un coup d’épée au cœur de
la tradition. Certes, les suivants de Massé s’avisaient, depuis dix
années environ, du rôle direct de l’ivoire. Substitué, sous la Régence,
au vélin, comme plus riche matière, on venait avec bonheur de l’uti-
liser par transparence; mais quel parti décisif sous les doigts du
verveux Suédois ! 11 lavait légèrement les teintes de chairs et, d’une
adresse extrême, faisait intervenir la couleur si tendre et la texture
si fine de l’ivoire. Dès longtemps, l’usage était d’opposer les teintes
transparentes aux opaques, de supprimer le blanc de certaines places ;
mais combien Hall allégea davantage encore !
Quel choix allait faire Dumont : le genre traditionnel ou la nou-
veauté? L’artiste eut l’esprit de préférer les deux. A la touche
vivante de Hall pourquoi n’essaierait-011 pas de joindre le mérite
de l’ancien mode, ce respect minutieux de la facture, où le fondu
donnait aux têtes de la douceur et comme de la dignité d’enveloppe?
Et voici le frais arrivant mû par ce projet Sa promptitude à le
tenter fut même immédiate, car, dès 1769, il exécutait le portrait de
Mme Valayer-Coster, de l’Académie royale de peinture.
Quel début parisien! Et comment expliquer ce cas étrange d’un
modeste Lunévillois de dix-huit ans admis à portuaire une acadé-
micienne? Dumont aurait-il donc été quelque élève prodige, capable
de maîtrise à l’âge où nous le supposons occupé de culture person-
nelle et de complément d’école? Un oui s’impose, car voit-on une
femme,une artiste de goût et de juste amour-propre, supportant d’être
peinte par un malhabile, pour le seul plaisir d’encourager des débuts?
Mais, à ce mérite précoce, il semble indispensable d’imaginer un
adjuvant extérieur : croyons au charme actif et souple du petit
Lorrain, au don vainqueur de se faire valoir. Sans cette science innée
de parvenir, quel moyen de comprendre la célérité de son succès
et surtout l’inattendu de ses modèles? A peine au sortir du mariage
du comte de Provence (1771) et du comte d’Artois (1773), il est chargé
des portraits-miniatures des deux princes et de la comtesse de Pro-
vence, quasi concurremment avec Hall, et, par suite, introduit à la
cour. Mystère de ce soudain bonheur? Y voir le bras de Girardet
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
c’était le Suédois Hall, jeune médecin en rupture de codex. Vit-il
emploi d’Esculape auprès de la miniature, devenue malade à force
de perfection? Peut-être, car il parut se mêler de la guérir avec un
zèle énergique. User de la gouache rapide, par touches larges et
pimpantes, traiter le portrait à la mode des aquarelles, prestement,
galamment— relief et vie directe : telle fut l’audace du coquet empi-
rique. Jugeons du toile produit! C’était un coup d’épée au cœur de
la tradition. Certes, les suivants de Massé s’avisaient, depuis dix
années environ, du rôle direct de l’ivoire. Substitué, sous la Régence,
au vélin, comme plus riche matière, on venait avec bonheur de l’uti-
liser par transparence; mais quel parti décisif sous les doigts du
verveux Suédois ! 11 lavait légèrement les teintes de chairs et, d’une
adresse extrême, faisait intervenir la couleur si tendre et la texture
si fine de l’ivoire. Dès longtemps, l’usage était d’opposer les teintes
transparentes aux opaques, de supprimer le blanc de certaines places ;
mais combien Hall allégea davantage encore !
Quel choix allait faire Dumont : le genre traditionnel ou la nou-
veauté? L’artiste eut l’esprit de préférer les deux. A la touche
vivante de Hall pourquoi n’essaierait-011 pas de joindre le mérite
de l’ancien mode, ce respect minutieux de la facture, où le fondu
donnait aux têtes de la douceur et comme de la dignité d’enveloppe?
Et voici le frais arrivant mû par ce projet Sa promptitude à le
tenter fut même immédiate, car, dès 1769, il exécutait le portrait de
Mme Valayer-Coster, de l’Académie royale de peinture.
Quel début parisien! Et comment expliquer ce cas étrange d’un
modeste Lunévillois de dix-huit ans admis à portuaire une acadé-
micienne? Dumont aurait-il donc été quelque élève prodige, capable
de maîtrise à l’âge où nous le supposons occupé de culture person-
nelle et de complément d’école? Un oui s’impose, car voit-on une
femme,une artiste de goût et de juste amour-propre, supportant d’être
peinte par un malhabile, pour le seul plaisir d’encourager des débuts?
Mais, à ce mérite précoce, il semble indispensable d’imaginer un
adjuvant extérieur : croyons au charme actif et souple du petit
Lorrain, au don vainqueur de se faire valoir. Sans cette science innée
de parvenir, quel moyen de comprendre la célérité de son succès
et surtout l’inattendu de ses modèles? A peine au sortir du mariage
du comte de Provence (1771) et du comte d’Artois (1773), il est chargé
des portraits-miniatures des deux princes et de la comtesse de Pro-
vence, quasi concurremment avec Hall, et, par suite, introduit à la
cour. Mystère de ce soudain bonheur? Y voir le bras de Girardet