GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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premiers, pourtant estimables et dont un autre père, moins lucide,
eût tout espéré, Dumont ne jugea pas devoir pousser plus avant son
aîné. De préférence le fit-il admettre à l’administration des Beaux-
Arts, alors annexe du ministère de l’Intérieur. C’était du sens le plus
pratique. Autant la nature d’Aristide aurait mal excellé peut-être
à la production d’art, autant lui convinrent les rôles de sous-chef
et de chef de bureau : conseiller de l’Etat et des artistes.
Outre un utile savoir technique, gardé du passage chez David,
outre la connaissance du monde des arts, Aristide montra tout de
suite un éveil de goût le plus agissant. De quel aide il fut aux divers
ministres? Un biographe avisé devra nous le dire, un jour, et les
preuves abonderont de l'initiative et de la courtoisie du fonction-
naire. L’amitié d’Ingres fut le juste amour-propre d’Aristide; elle
nous est rendue sensible, ici même, par deux dessins à la mine de
plomb : le portrait d’Aristide en capitaine de garde nationale, et
celui de sa femme, fille du zoologue Dufresne. Toutefois, une circon-
stance l’allait unir davantage encore aux milieux de l’art vivant. Le
peintre Louis Mérimée, secrétaire perpétuel de l'École des Beaux-
Arts depuis 1806, soucieux d’un secrétaire adjoint pour soulager son
arrière-saison, désira le fils de son ami Lrançois Dumont. A ce
poste, Aristide ne perdait rien de son zèle sympathique. L’un de scs
meilleurs plaisirs y fut — on le devine — de camarader avec le jeune
Prosper Mérimée, le fils de son nouveau chef, Prosper alors dans le
tour d’esprit déjà narquois, incisif et toujours neuf, de plus tard. A
la mort de Louis Mérimée (septembre 1836) Aristide devenait secré-
taire perpétuel. Trois ans plus tard, l’affectueuse gratitude des ar-
tistes l’élisait membre de l’Institut, académicien libre.
Aristide mourut le 4 octobre 1853, laissant pour légataire uni-
versel, faute d’enfants, Louis Planquette, ancien caissier de la
Chambre des Pairs. La vente des tableaux, des dessins, des estampes,
des objets d’art, des médailles et monnaies de son cabinet d’amateur
(13 février 1854) montra quelle finesse variée lut la sienne. Toutefois,
I intérêt des enchères était pour vingt miniatures de François
Dumont, provenues de la succession de l’artiste et gardées, depuis,
par Aristide, avec fierté filiale. On put savoir l’existence d’autant
d’œuvres analogues chez Bias, le frère cadet, et se plaire à recom-
poser en esprit le coin d’atelier intime où François réunissait les
souvenirs les plus précieux de vie et de famille.
A cette vente, Philippe Lenoir acquérait — et par lui le Louvre
les possède — les portraits de Mcindini, d'AnnaMorichelli la paysanne
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premiers, pourtant estimables et dont un autre père, moins lucide,
eût tout espéré, Dumont ne jugea pas devoir pousser plus avant son
aîné. De préférence le fit-il admettre à l’administration des Beaux-
Arts, alors annexe du ministère de l’Intérieur. C’était du sens le plus
pratique. Autant la nature d’Aristide aurait mal excellé peut-être
à la production d’art, autant lui convinrent les rôles de sous-chef
et de chef de bureau : conseiller de l’Etat et des artistes.
Outre un utile savoir technique, gardé du passage chez David,
outre la connaissance du monde des arts, Aristide montra tout de
suite un éveil de goût le plus agissant. De quel aide il fut aux divers
ministres? Un biographe avisé devra nous le dire, un jour, et les
preuves abonderont de l'initiative et de la courtoisie du fonction-
naire. L’amitié d’Ingres fut le juste amour-propre d’Aristide; elle
nous est rendue sensible, ici même, par deux dessins à la mine de
plomb : le portrait d’Aristide en capitaine de garde nationale, et
celui de sa femme, fille du zoologue Dufresne. Toutefois, une circon-
stance l’allait unir davantage encore aux milieux de l’art vivant. Le
peintre Louis Mérimée, secrétaire perpétuel de l'École des Beaux-
Arts depuis 1806, soucieux d’un secrétaire adjoint pour soulager son
arrière-saison, désira le fils de son ami Lrançois Dumont. A ce
poste, Aristide ne perdait rien de son zèle sympathique. L’un de scs
meilleurs plaisirs y fut — on le devine — de camarader avec le jeune
Prosper Mérimée, le fils de son nouveau chef, Prosper alors dans le
tour d’esprit déjà narquois, incisif et toujours neuf, de plus tard. A
la mort de Louis Mérimée (septembre 1836) Aristide devenait secré-
taire perpétuel. Trois ans plus tard, l’affectueuse gratitude des ar-
tistes l’élisait membre de l’Institut, académicien libre.
Aristide mourut le 4 octobre 1853, laissant pour légataire uni-
versel, faute d’enfants, Louis Planquette, ancien caissier de la
Chambre des Pairs. La vente des tableaux, des dessins, des estampes,
des objets d’art, des médailles et monnaies de son cabinet d’amateur
(13 février 1854) montra quelle finesse variée lut la sienne. Toutefois,
I intérêt des enchères était pour vingt miniatures de François
Dumont, provenues de la succession de l’artiste et gardées, depuis,
par Aristide, avec fierté filiale. On put savoir l’existence d’autant
d’œuvres analogues chez Bias, le frère cadet, et se plaire à recom-
poser en esprit le coin d’atelier intime où François réunissait les
souvenirs les plus précieux de vie et de famille.
A cette vente, Philippe Lenoir acquérait — et par lui le Louvre
les possède — les portraits de Mcindini, d'AnnaMorichelli la paysanne